Freitag7. November 2025

Demaart De Maart

FranceUne dizaine de prisons sont l’objet d’attaques mystérieuses

France / Une dizaine de prisons sont l’objet d’attaques mystérieuses
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, s’est rendu à la prison Toulon-La Farlede qui a été attaquée par un fusil d’assaut  Photo: AFP/Miguel Medina

Jetzt weiterlesen!

Für 0,99 € können Sie diesen Artikel erwerben:

Oder schließen Sie ein Abo ab:

ZU DEN ABOS

Sie sind bereits Kunde?

Un étrange mal frappe depuis quelques jours les prisons françaises: plusieurs d’entre elles, situées dans des villes pourtant très différentes les unes des autres, sont l’objet d’attaques extérieures violentes, parfois même à l’arme lourde, et avec l’aide de drones. Cela sans que ces méfaits soient revendiqués ni leurs auteurs identifiés, du moins pour l’instant. Ce qui soulève au moins deux questions lancinantes: Qui? Et pourquoi?

Quel lien peut-il en effet y avoir entre les établissements pénitentiaires de Nanterre, Villepinte ou Réau, dans la région parisienne; Agen, dans le Sud-Ouest; ou encore Valence, Tarascon, Marseille, Aix, Toulon, dans le Midi méditerranéen? A part, justement, d’incarner l’état de droit face à des délinquants qui y sont emprisonnés? Mais cette évidence n’éclaire pas beaucoup la piste des enquêteurs, lesquels imaginent au moins deux pistes.

La première serait celle d’une contre-offensive des milieux du terrorisme islamiste, ou plus simplement de ses réseaux de soutien. Face aux tentatives de la France de faire respecter les arrêtés d’expulsion des immigrés clandestins jugés dangereux, et objets, à ce titre, d’une „OQTF“ („obligation de quitter le territoire français“). Ce qui viserait prioritairement le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui en a fait son cheval de bataille. Surtout s’il arrivait à convaincre le gouvernement d’incarcérer – en France métropolitaine, et non à Saint-Pierre-et-Miquelon, comme le suggérait dernièrement son rival pour la présidence des LR, Laurent Wauquiez – ceux dont le pays d’origine refuse le retour, à commencer bien sûr par l’Algérie. Avec laquelle les relations diplomatiques, d’expulsions croisées en rappels d’ambassadeurs, ne cessent de se dégrader à nouveau, comme jamais depuis l’indépendance.

Cette hypothèse, toutefois, n’est pas celle qui retient prioritairement l’attention des enquêteurs. Ceux-ci penchent beaucoup plus vers celle d’une réaction violente – et d’autant plus violente que des agents de l’administration pénitentiaire en ont été eux aussi victimes, avec des intimidations et menaces, des agressions physiques, et/ou l’incendie de leurs véhicules personnels – de dirigeants des réseaux de trafic de stupéfiants qui, depuis un an au moins, semblent étendre à grande vitesse leur emprise sur la France et ses voisins européens.

Une „mexicanisation“ de la France?

Il pourrait s’agir d’une sorte de réplique à la volonté affichée – et qui a déjà reçu un commencement de mise en œuvre – du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, de créer des prisons inviolables, de haute sécurité, pour y incarcérer les trafiquants les plus dangereux, sans possibilité de communiquer avec l’extérieur et d’y commanditer, notamment, des assassinats. Cette réaction des milieux concernés illustrerait ce que l’on commence à appeler la „mexicanisation“ de la France, par référence à l’emprise de plus en plus importante prise par les narco-trafiquants mexicains sur les institutions et les mécanismes d’Etat de leur pays.

On n’en est certes pas encore là dans l’Hexagone; et même, pas du tout. Mais les spécialistes de ces dossiers, tout en se félicitant des dernières saisies d’importantes livraisons de drogue dans des ports français et européens, voire d’arraisonnements en pleine mer, et aussi du démantèlement, ça et là, de mini-réseaux locaux de distribution, notamment à Marseille, considèrent que les exemples latino-américains risquent de faire tache d’huile en Europe et notamment en France, dont la position géographique fait une possible plaque tournante.

Le président Macron a promis mercredi que „les personnes qui cherchent à intimider les agents pénitentiaires, lesquels accomplissent une mission essentielle de défense de l’Etat de droit et de la paix publique, et qui s’attaquent avec une violence inadmissible aux prisons, seront retrouvées, jugées et punies“. Mais une part de mystère, voire de romanesque, de demeure, puisqu’un énigmatique sigle „DDPF“ a été tagué sur plusieurs des prisons concernées par ces attaques. Il s’agirait de l’acronyme de „Défense des droits des prisonniers français“. Un groupe de discussion affichant ce sigle a récemment été créé sur Telegram, sur lequel circulent des messages appelant à s’en prendre à „ceux qui abusent de leur pouvoir“. Sur la vidéo, un agent pénitentiaire en uniforme sort d’une voiture, incendiée quelques secondes plus tard par des mains anonymes.

En fait, la diversité des actions perpétrées depuis trois nuits: incendies de véhicules, une trentaine au total, survols de drones, mitraillages, y compris de logements d’agents ou de bâtiments de la protection judiciaire de la jeunesse, et tags dans un registre moins violent, laisse un peu perplexes les enquêteurs quant à la nature et à la motivation des agresseurs. Qu’il s’agisse d’une offensive concertée, au moins au début, et précédée d’opérations de repérage ne semble guère faire de doute; mais de la part de qui, et à quelles fins dernières? Pour l’instant, les points d’interrogation demeurent.