FranceUn nouveau suicide d’adolescent harcelé à l’école fait scandale

France / Un nouveau suicide d’adolescent harcelé à l’école fait scandale
L’entrée du lycée Adrienne Bolland à Poissy où Nicolas a fréquenté ses classes  Photo: AFP/Julien de Rosa

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Une affaire, qu’il n’est pas exagéré de qualifier de scandale, secoue depuis ce week-end le monde de l’Education nationale française, mais aussi, bien au-delà, l’opinion publique en général – et elle n’est certes pas terminée: les conditions dans lesquelles un adolescent victime de harcèlement à l’école a été poussé au suicide par l’indifférence de l’administration.

L’indifférence, et même le mépris, manifesté par écrit par le rectorat de Versailles, le plus important de France, à la suite d’une plainte des parents du jeune Nicolas, âgé de 15 ans, lequel, de plus en plus désespéré, a fini par se pendre le 5 septembre dernier. Face au harcèlement dont était victime leur fils de la part de certains de ses condisciples dans un collège de Poissy, dans la banlieue ouest de Paris, ils avaient d’abord saisi la direction; puis, faute d’une réaction de celle-ci, ils avaient déposé plainte au commissariat de leur ville, et changé leur fils d’établissement.

A la suite de quoi ils allaient recevoir une lettre ahurissante du rectorat (s’ouvrant d’ailleurs sur deux grossières fautes d’orthographe!) les menaçant de poursuites judiciaires pouvant aller jusqu’à une condamnation à „cinq ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende“. Cyniquement, le rectorat ajoutait dans cette lettre que „dans l’intérêt de leur enfant“, et afin de lui donner le bon exemple, il ordonnait aux parents de Nicolas „d’adopter désormais une attitude constructive et respectueuse“ à l’égard de l’institution qui avait pourtant si mal protégé l’adolescent qui lui était confié.

Lequel allait donc mettre fin à ses jours, car, explique sa mère dans le Journal du Dimanche d’hier, „Nicolas avait besoin de savoir que sa souffrance était entendue et reconnue, et qu’une sanction, même symbolique, avait été prise contre les deux élèves“ qui le harcelaient. Ajoutant: „Avant ces événements scolaires, il avait un idéal très élevé de la justice et des adultes. Il ne supportait pas l’injustice. Après, il n’était plus le même, il ne faisait plus confiance ni à l’une ni aux autres.“ Bel „exemple“ donné en effet à cette jeune conscience par le rectorat de Versailles …

Dès que le scandale a été révélé par les parents de l’adolescent – qui disent avoir été „outrés“ d’être ainsi devenus, de victimes qu’ils étaient, des coupables – l’émotion s’est emparée de l’opinion, et le gouvernement, en particulier, a très vivement réagi. Pour la première ministre, „il y a manifestement eu une défaillance sur le type de réponse adressé à des parents extrêmement inquiets, et il faut qu’on soit beaucoup plus attentif à la parole des enfants (…). L’objectif est que ça ne se reproduise plus.“

„C’est une honte!“

Mais c’est le ministre de l’Education nationale lui-même, Gabriel Attal, qui a eu la réaction la plus indignée: „Cette lettre du rectorat est une honte! Une honte!“, a-t-il insisté dès samedi à la télévision. Une enquête administrative a été lancée pour faire la lumière sur ces faits de harcèlement scolaire, mais aussi sur la gestion de cette crise par les services de l’Education nationale. Et M. Attal doit réunir ce lundi après-midi tous les recteurs d’académie de France, pour un audit d’ensemble sur toutes les situations de harcèlement signalées aux rectorats durant la dernière année universitaire.

Si l’affaire suscite un tel émoi dans l’Hexagone, ce n’est pas seulement par sa dimension tragique, ni même par l’incroyable brutalité épistolaire et l’effarante injustice du rectorat de Versailles, sans parler de sa maîtrise approximative du français. C’est aussi parce qu’elle vient appuyer deux critiques qui sont faites ces temps derniers avec une insistance croissante à l’Education nationale dans son ensemble.

La première est d’avoir tant de mal à faire cesser le harcèlement à l’école, phénomène qui n’est certes pas nouveau mais semble prendre une importance jusqu’alors inconnue. La seconde est de manifester souvent le souci d’éviter de „faire des vagues“, dans ce domaine comme dans celui du respect de la laïcité, plutôt que d’oser affronter les problèmes. Naturellement, il faut éviter toute généralisation abusive. Mais cette affaire, pour ponctuelle qu’elle soit, tombe on ne peut plus mal pour une administration qui cherche – et, pour le coup, fort légitimement – à restaurer l’image de l’école. Laquelle en a bien besoin, tout comme la France a besoin de son école.