Singulièrement? Pas tant que cela, en réalité, et d’une façon plus ambiguë qu’il n’y paraît. Naturellement, le mot de „submersion“, appliqué à l’arrivée en France d’immigrés très souvent chassés de chez eux par la misère, la dictature, et souvent les deux, a de quoi heurter beaucoup de consciences de gauche, et point seulement, d’ailleurs; et cela, quelle que soit l’ampleur de cette vague démographique sans guère de contrôle. Et ceux qui, à droite et à l’extrême droite, se fondant sur des statistiques qui montrent que la part des immigrés parmi les auteurs de crimes et délits est croissante, en France comme ailleurs dans l’UE, ne répondent pas pour autant à la question fondamentale: quelle réponse à la fois ferme et humaine apporter au problème?
Mais M. Bayrou a-t-il eu complètement tort, pour autant, de mentionner que le ressenti d’une grande partie de la population était bien celui d’une menaçante „submersion“, qui ne concernerait pas que la sécurité ou l’emploi mais aussi, peut-être même surtout, son identité culturelle? Philosophiquement, on pourrait sans doute en discuter à l’infini. Le problème est que le premier ministre, sans reprendre explicitement le terme à son compte, semble tout de même avoir fait en sorte qu’il flatte agréablement les oreilles de la droite, dont une bonne partie figure dans le „bloc central“ sur lequel il s’appuie, et surtout de l’extrême droite, qui cultive pour l’instant à son égard une sorte d’attentisme neutraliste.
Mais pourquoi avoir ainsi affiché une sorte de changement de pied, après avoir plutôt bien réussi à convaincre le PS de préférer redevenir un parti de dialogue – en échange, certes, de concessions non négligeables, en particulier par rapport aux positions de son prédécesseur à Matignon, Michel Barnier – et demain sans doute de gouvernement? Plutôt que de retourner à la tutelle mortifère d’une LFI cédant de plus en plus ouvertement aux démons islamistes et antisémites de quelques-uns de ses chefs. François Bayrou a peut-être fini par penser qu’à trop céder sur sa gauche, il lui fallait, d’urgence, rassurer sur sa droite?
Vallaud: „A parler comme l’extrême droite …“
Mais si c’est le cas, le calcul est risqué. Le PS, en effet, a aussitôt réagi, et le président de son groupe à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, a mis en garde le premier ministre: „A parler comme l’extrême droite, on finit par être gouverné par l’extrême droite.“ Et la nouvelle réunion de débat qui avait été prévue hier soir entre les dirigeants socialistes et le gouvernement a été annulée par le PS, qui a vainement appelé M. Bayrou a faire des excuses publiques sur ce mot de „submersion“, quitte, lui a-t-on soufflé discrètement, à dire que le terme avait dépassé sa pensée. Ce qui aurait pu passer, s’agissant d’un homme comme lui, qui n’a jamais paru, au cours de sa longue carrière, tenté de céder aux sirènes du lepénisme.
Pour autant, la direction socialiste est beaucoup plus embarrassée qu’il n’y paraît par cet accident de parcours dans sa trajectoire de reconquête d’une image responsable et modérée. Si le PS décide tout de même de ne pas censurer le gouvernement Bayrou lors du débat sur la loi de finances la semaine prochaine, il paraîtra, sous les huées des mélenchonistes, avoir décidément vendu son âme au diable. Mais s’il se joint aux partisans de la censure, à commencer par LFI, il semblera faire un piteux retour au bercail sur le thème: finalement, Mélenchon avait raison, nous nous sommes égarés à croire que la discussion était possible.
Le dilemme est d’autant plus cruel que dans à peu près tous les milieux économiques et sociaux, la colère monte contre l’incapacité de la classe politique dans son ensemble à trouver enfin le moyen de doter la France d’un budget pour 2025. Car l’absence de ce dernier commence à avoir de lourdes retombées sur les entreprises, qui auraient besoin d’un peu de visibilité pour investir et relancer la production, et donc sur le chômage, qui repart spectaculairement à la hausse ce dernier trimestre.
De Maart
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