FranceSix jeunes complices présumés de l’assassinat du professeur Paty devant la justice

France / Six jeunes complices présumés de l’assassinat du professeur Paty devant la justice
Six jeunes sont jugés depuis lundi pour leur participation présumée à la décapitation d’un enseignant par un islamiste radical Photo: dpa/Bertrand Guay

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Ce qui rend ce procès si exceptionnel, c’est qu’il va s’agir de juger des adolescents, qui étaient même des enfants au moment du crime – et qui risquent aujourd’hui jusqu’à 30 mois de prison.

Trois ans après l’assassinat du professeur d’histoire et géographie Samuel Paty, poignardé puis décapité le 16 octobre 2020 à la sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine, dans la région parisienne, par un islamiste tchétchène de 18 ans, Abdoullakh Anzorov, le premier procès suscité par cette affaire s’est ouvert hier à Paris et devrait se conclure le 8 décembre.

Le premier seulement, car il ne s’agit pour l’instant que de juger des mineurs, qui comparaissent à ce titre devant le tribunal pour enfants pour avoir contribué, consciemment ou non, à ce terrible crime, lequel avait traumatisé non seulement le milieu enseignant, mais l’opinion en général. Le second procès, concernant, lui, huit majeurs potentiellement impliqués dans l’assassinat du professeur, devrait avoir lieu du 12 novembre au 20 décembre 2024, étant entendu qu’Anzorov avait été abattu par la police juste après son forfait.

Ce qui rend ce procès si exceptionnel, c’est qu’il va s’agir de juger des adolescents, qui étaient même des enfants au moment du crime, et qui risquent aujourd’hui jusqu’à 30 mois de prison. L’enquête a permis d’en reconstituer le déroulement, qui ne saurait se résumer au geste atroce du terroriste islamiste décapitant l’enseignant en pleine rue, à la sortie de son collège. Et ce déroulement montre à la fois l’implication terrible des six élèves concernés, et la responsabilité, outre celle du tueur, d’autres adultes – ceux-là mêmes qui comparaîtront devant la justice dans un an.

Tout commence avec un mensonge

Tout commence avec le mensonge d’une collégienne, qui a 13 ans à l’époque. Le 8 octobre 2020 en soirée, cette adolescente, élève de 4e, se rend avec son père, Brahim Chnina, qui appartient à la mouvance intégriste islamiste, au commissariat de police de Conflans pour porter plainte contre le professeur Paty, qu’elle accuse, selon les termes officiels, de „diffusion d’images pornographiques à un mineur“. Une de ces images représenterait Mahomet, de sorte que l’enseignant, toujours selon elle, aurait „demandé aux élèves musulmans de sortir, car ils pourraient être choqués“. Ayant refusé d’obtempérer, cette adolescente aurait été mise à la porte, de la classe d’abord et du collège ensuite, pour deux jours.

Le problème est que tout cela est faux. Confrontée à différentes preuves et à des témoignages de ses condisciples, la jeune plaignante finira d’ailleurs par avouer qu’elle n’a tout simplement pas assisté à ce cours et qu’elle a inventé le motif de son renvoi afin d’éviter de devoir en avouer la vraie raison à ses parents: le fait qu’elle n’a jamais effectué les douze heures de colle que lui a valu, depuis la rentrée pourtant point très lointaine, son comportement agressif ou méprisant à l’égard de ses professeurs et du personnel administratif du collège.

Outre qu’on imagine mal le très rigoureux et estimé professeur Samuel Paty exhiber des images pornographiques à ses élèves … Même si, à l’occasion d’un cours sur la laïcité, il leur avait montré une couverture de Charlie Hebdo, hebdomadaire satirique ayant coutume de décocher ses flèches à toutes les religions – et qui avait déjà payé à cette liberté de ton, on s’en souvient, un effroyable tribut lors de la tuerie islamiste de janvier 2015. Mais à partir de ce mensonge, pris à l’époque pour une vérité par ceux qui veulent y croire, va se mettre en place un redoutable engrenage.

Le père, Brahim Chinna, aidé par un autre intégriste, Abdelhakim Sefrioui, lance sur Internet une campagne particulièrement haineuse contre le professeur, qu’il traite de „voyou“ et dont il donne les coordonnées professionnelles. Voilà le tueur alerté, et renseigné; en gros, car il lui faut maintenant quelques détails. Et c’est là qu’interviennent cinq autres élèves (dont quatre sont musulmans, mais aucun islamiste) qui, moyennant 300 euros, vont désigner leur professeur au tueur – dont ils assurent qu’ils ignoraient le vrai projet. Vers 17 heures, Paty sort du collège. Les jeunes confirment à Anzorov qu’il s’agit bien de lui; quelques minutes plus tard, l’enseignant, qui a fait quelques pas dans la rue, est décapité. Livré à son bourreau, pour quelques billets, par ceux-là mêmes auxquels, dans sa classe, il consacrait sa vie.