Montag22. Dezember 2025

Demaart De Maart

Chroniques estivalesSababa 5 et Debby Friday remplissent le vide de l’été avec de nouveaux albums

Chroniques estivales / Sababa 5 et Debby Friday remplissent le vide de l’été avec de nouveaux albums
Sababa 5 et Debby Friday Collage: Tageblatt; Sources: sababa5.bandcamp.com, debbyfriday.bandcamp.com 

Jetzt weiterlesen!

Für 0,99 € können Sie diesen Artikel erwerben:

Oder schließen Sie ein Abo ab:

ZU DEN ABOS

Sie sind bereits Kunde?

L’été, le soleil, la musique: Sababa 5 et Debby Friday remplissent le vide estival avec de nouveaux albums. De quoi se laisser emporter? Test d’écoute.

Sababa 5 – „Nadir“

Les membres de Sababa 5 (de gauche à droite): Eitan Drabkin, Ilan Smilan, Itamar Weinstein et Amir Sadot
Les membres de Sababa 5 (de gauche à droite): Eitan Drabkin, Ilan Smilan, Itamar Weinstein et Amir Sadot Source: sababa5.bandcamp.com

La première écoute de „Nadir“ est un vertige calme, un atterrissage inversé, comme si l’on tombait vers le haut. Tout l’album agit ainsi, en courbe douce, jamais anodine; il fait mine de flotter pour mieux creuser. Dès les premières secondes, le battement de „Into Orbit“, la dernière piste, étale son groove comme un drap humide sur une corde d’été, quelque part entre Tony Allen sous chlorophylle et un rêve de „La Ritournelle“ qui aurait oublié sa voix. Le club des quatre que composent Sababa 5, tous fusionnels au point de devenir masse unique – Smilan, Sadot, Drabkin, Weinstein – n’interprètent pas tant qu’ils invoquent. Leur funk soul psychédélique, hydraté à la dub et au boogie, s’imprègne d’orient et de moire synthétique. La guitare wah-wah sur „Tell“ ou „Atom“ n’est pas un gimmick, c’est un langage. Elle parle et elle caresse l’oreille en sous-entendus. On croit même entendre un vieux film qui ne serait jamais sorti, sinon une bande-son suspendue.

Rating: 8/10
Rating: 8/10 Source: sababa5.bandcamp.com

Et puis „Sab“. Un titre qui sonne comme une confidence. Le diminutif du groupe, bien sûr, mais aussi un autoportrait flou, de ceux qu’on croque au coin d’un carnet dans un moment d’oisiveté. Il y a dans ce morceau la nonchalance fondatrice, la légèreté d’août où même la mélancolie se fait tiède. On ne pleure pas; on sifflote. Et c’est peut-être ça, la musique de Sababa 5: celle qu’on fredonne sans savoir d’où elle vient, parce qu’elle vient de loin. Comme leurs pairs de Tel Aviv – Hoodna Orchestra, Ouzo Bazooka, Kutiman ou Liraz Charhi – Sababa 5 synthétisent, distillent et surtout composent une mémoire sonore partagée, en étant à la fois enracinés et cosmiques. Et „Nadir“, plus encore que leurs précédents albums, est ce point d’orgue inversé où le fond du ciel devient miroir.

„Nadir“, au sens astronomique, c’est l’antithèse du zénith. Une chute verticale vers le centre de la terre ou vers soi. Et c’est exactement ce que produit le disque. Il explore un contre-jour, un revers de lumière: les textures s’assombrissent („Ignition“), les lignes de basse s’épaississent comme une ombre portée. L’électronique devient vénéneuse, modulée avec flegme, tandis que la guitare prend ces inflexions cinématographiques aux reflets italiens – Stelvio Cipriani au bord du Bosphore. Le morceau-titre s’écoute à la lisière de la nuit, vibrionnant, proche d’un rêve dont le sens s’échappe à mesure qu’il s’installe. „2025“ ressemble à une anticipation fatiguée du présent – clin d’œil subtil à une temporalité en spirale: on croit reconnaître quelque chose, mais tout a changé. Le souvenir devient sensation rythmique.


Debby Friday – „The Starrr of the Queen of Life“

Dans les limbes sonores de „The Starrr of the Queen of Life“, Debby Friday traverse les genres comme on découpe des rideaux de fumée: avec la netteté d’un beat chirurgical de celle qui, depuis un sous-sol canadien, a appris la musique à la dure, c’est-à-dire seule, tutoriels à l’appui, instincts en bandoulière. Née au Nigéria, forgée entre Toronto, Montréal et Londres, Friday ne revendique aucun territoire, elle les traverse. DJ avant d’être productrice, elle connaît la danse par l’intérieur: ses fièvres, ses ivresses, ses retours à l’aube. L’album en est l’écho: extatique puis hagard, mécanique puis tendre.

Debby Friday sur la couverture de son nouvel album „The Starrr of the Queen of Life“ (Rating: 9/10)
Debby Friday sur la couverture de son nouvel album „The Starrr of the Queen of Life“ (Rating: 9/10) Source: debbyfriday.bandcamp.com

L’excellent „All I Wanna Do Is Party“ ouvre le bal et dans l’intitulé il rappelle un mix entre les Beastie Boys du „(Got Gotta) Fight For Your Right (To Party!)“ et la Cyndi Lauper de „Girls Just Wanna Have Fun“. Mais très vite, le plafond s’abaisse, les stroboscopes s’inversent. „In The Club“, en compagnie de HiTech, est une merveille crépitante: un club track au bord du vertige, comme si l’euphorie elle-même n’était qu’un prélude à l’effondrement. Plus loin, „Arcadia“ brouille les pistes – beat mutant, vocoder alangui, phrases en français susurrées comme des aveux: „Je suis le fruit de votre imagination.“ Le décor devient mental, le club se dissout dans la tête, les sons se dédoublent et se distordent. On pense à l’apesanteur trouble de l’électro-pop à son point de fusion.

Sur „Leave“, le beat cède. La voix reste, retouchée. L’autotune ici souligne la faille, l’écho d’un cri sans cri. La chanson est à mi-chemin entre le spleen d’un matin trop clair et la beauté intacte d’une défaite intime. „ppp (Interlude)“ y répond comme un bois qui cliquette, magique, organique. Mais Debby Friday sait aussi relancer l’allure. „Bet On Me“ cavale. Drum and bass ragaillardie, chœurs d’enfants en soutien, on sautille, on rebondit. Et quand arrive „Darker The Better“, on rebascule vers l’ombre; la boîte à rythme, le riff (et le nom de la chanson) semblent revenir vers le post-punk. Avec „The Starrr of the Queen of Life“, Debby Friday sculpte un disque mouvant ou un passage, celui d’une artiste qui transforme le club en chambre d’écho intérieure.