Tageblatt: Vous êtes originaire de la Nouvelle-Orléans, le berceau du jazz: est-ce que cette ville a eu une influence dans votre passion pour la musique?
Greg Lamy: Avant tout, ce qui m’a influencé, c’est ma famille: ma mère, qui joue du piano, et mon grand frère, de la guitare. La musique a toujours été là à la maison. Mais, bien sûr, être né à la Nouvelle-Orléans stimule la curiosité. Et puis mon passeport américain m’ouvre plus de possibilités.
Vous avez étudié la guitare à Boston.
J’ai commencé tout seul ici, au Luxembourg. Par la suite, j’ai suivi des cours avec Mil Garofalo, mon premier prof, dans une petite école privée, avant d’intégrer le conservatoire à Luxembourg-ville. A l’époque, on pouvait faire des auditions, afin d’obtenir une bourse pour aller au Berklee College of Music de Boston, que j’ai intégré. Plus tard, j’ai vécu aussi à New York.
La musique existe pour se sentir bien
En plus des Etats-Unis et du Luxembourg, vous avez fait des études à Londres, vous avez un pied en France, vous avez joué avec le trompettiste italien Flavio Boltro et, plus largement, vous avez beaucoup voyagé, hors de l’Europe, pour vos concerts. Est-ce que le mélange de pays et de cultures a un impact direct sur votre travail?
Probablement, car la musique, par définition, c’est la rencontre entre des idées et des styles, donc entre des individus issus de différents horizons. Est-ce qu’à Luxembourg on est conditionnés par la multiplicité des origines et des langues? Oui, à l’évidence. Pour moi, en tout cas, dès le départ de mon parcours, ces mélanges se sont faits naturellement, avec mes profs ou avec les autres élèves. Mon dernier disque, „Letting Go“, je l’ai conçu avec Flavio Boltro, l’avant-dernier, „Observe The Silence“, c’était avec Bojan Z, un pianiste franco-serbe. Sans oublier ma collaboration avec le Béninois Lionel Loueke, le guitariste de Herbie Hancock.

Le jazz établit un langage commun, comme, plus globalement, la musique permet de bien s’entendre.
C’est une langue commune, reconnue partout. Il suffit parfois d’être en contact avec des musiciens qui ont quelques notions d’improvisations. Au Maroc, en Chine ou en Inde, peu importe la barrière de la langue, en jouant, on se comprend.
Le batteur Jeff Herr, avec qui vous jouez ce week-end, parlait ici de son projet The Liquid Pimps comme d’une cour de récréation ou d’une réunion entre amis sans prise de tête: est-ce le cas aussi pour votre groupe?
La musique existe pour se sentir bien. On se réjouit de jouer au „Gudde Wëllen“. C’est une aire de jeux, mais, cela dit, c’est quand même très préparé; j’aime répéter à l’avance. En 2019, j’ai réalisé qu’il était devenu rare de jouer tous ensemble, avec Pascal Schumacher, Marc Demuth et Jeff Herr. Et la fin de l’année, c’est la période de fêtes; beaucoup rentrent chez eux, donc je me suis dit que ça pouvait être le moment de réunir ces musiciens, qui, eux-mêmes, étaient certainement de retour à la maison. On a alors fait une soirée, sold-out en quelques heures. Depuis, on a décidé de maintenir ce rendez-vous chaque année; c’est une sorte de tradition.
L’identité sonore de ce projet est définie par notre répertoire, bien choisi, avec des compositions originales, et d’autres dont les auteurs sont encore en vie. C’est moderne et gorgé de groove.
Qu’est-ce qui fait votre cohésion musicale?
Quand je vivais à Bruxelles, en 2005, j’ai joué pendant deux ans avec Pascal Schumacher. Il a suivi sa route et moi la mienne, mais, pendant ce temps, on s’est toujours suivis. On a régulièrement joué ensemble. Je trouve que le son de son vibraphone se marie très bien avec ma guitare, au niveau des sonorités et des harmonies. En ce qui concerne la section rythmique, le choix a été simple à faire. Jeff Herr a beaucoup joué avec Pascal dans Drops & Points, là où Marc Demuth a beaucoup joué avec Pascal et moi quand on était à Bruxelles. Tout se recoupe. On a progressé à notre manière, chacun a eu son propre parcours, et ce groupe, c’est un peu la continuité et le résultat de ces parallèles qui sans cesse finissent par se croiser. L’identité sonore de ce projet est définie par notre répertoire, bien choisi, avec des compositions originales, et d’autres dont les auteurs sont encore en vie. C’est moderne et gorgé de groove.
Le Greg Lamy Quartet a pu être accompagné de Marco Massa au chant là où, avec Flavio Boltro, vous avez repris la chanson „Chi Tene O Mare“ de Pino Daniele, un morceau écolo. Alors que le quartet de ce week-end est instrumental, si votre musique contenait du texte, qu’est-ce que vous raconteriez?
Sur les mélodies il y a, normalement, un texte. Sauf que là, le texte, c’est nous qui l’interprétons, en jouant la mélodie. Prenons „Caravan“ de Duke Ellington, où il y a des paroles: soit le morceau est repris tel quel, soit n’importe qui, s’il veut, peut placer un texte sur la mélodie écrite par Ellington. Moi, par exemple, quand j’envoie des mélodies à Marco Massa, il s’amuse à mettre des textes dessus, selon ce que la composition lui inspire.
Que préparez-vous pour ce week-end?
Les gens peuvent s’attendre à de belles surprises. On va jouer deux sets courts: au total, il y aura neuf morceaux, dont deux compositions originales que j’ai écrites, mais aussi un morceau de Mike Mainieri, qui est également vibraphoniste, un autre de Lionel Loueke ou de Chico Buarque – „Samba e Amore“, qu’on va traiter avec de nouveaux arrangements. Si j’ai joué dans de grandes salles, ce que j’aime, au „Gudde Wëllen“, c’est l’atmosphère du club intimiste: les gens dansent près de nous, pendant que, selon l’ambiance du morceau, les couleurs et les effets des lampes varient. Il y aura de quoi passer un moment agréable.
Schumacher & Lamy & Herr & Demuth
Ce soir, le 21 décembre au „Gudde Wëllen“ à Luxembourg-ville à partir de 20 h, plus d’infos: deguddewellen.lu.
De Maart
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