BerlinaleProjecteurs et projectiles: „Dahomey“ de Mati Diop, sacré Ours d’or à Berlin

Berlinale / Projecteurs et projectiles: „Dahomey“ de Mati Diop, sacré Ours d’or à Berlin
L’acteur Gildas Adannou, la réalisatrice Mati Diop et les productrices Eve Robin et Judith Lou Lévy du film „Dahomey“ Photo: dpa/Britta Pedersen

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La 74ᵉ édition du Festival du film de Berlin a couronné „Dahomey“, le documentaire de la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop, qui suit le parcours d’œuvres d’art restituées par la France au Bénin.

Présidé par l’actrice, réalisatrice, autrice et productrice mexico-kényane Lupita Nyong’o, le jury de la 74ᵉ Berlinale a décerné la plus prestigieuse récompense, l’Ours d’or, au documentaire „Dahomey“ de Mati Diop. En 2019, la réalisatrice franco-sénégalaise avait vu son premier film, „Atlantique“, recevoir le Grand prix du jury à Cannes. À la frontière entre documentaire et fiction, son second long-métrage, „Dahomey“, s’attache à suivre le périple de vingt-six trésors royaux depuis le Musée du Quai Branly à Paris jusqu’à leur terre d’origine, le Bénin, anciennement appelé Dahomey. Pillées par les troupes coloniales françaises en 1892, les vingt-six œuvres d’art ont été restituées en 2021, suite à une décision des présidents béninois et français, Patrice Talon et Emmanuel Macron. Mati Diop a suivi le voyage des statues, en choisissant de les doter d’une âme et d’une parole, afin que leur histoire soit racontée par nul autre qu’elles-mêmes. Ce faisant, Diop les fait passer du statut d’objets à celui de véritables sujets, les personnages principaux de son film qui en sont également la voix narratrice. Diop a demandé à l’auteur haïtien de descendance africaine Makenzy Orcel (finaliste du Prix Goncourt 2023 avec „Une Somme humaine“) de créer le récit que nous livrent les statues de leur rapt et de leur exil. Diop l’a ensuite fait traduire en vieux Fon, la langue que parlent tous les habitants du Bénin, dans un souci de justice et d’accessibilité. Récit de restitution, de retour et de réparation, „Dahomey“ fait également entendre la voix de la jeune génération béninoise, laquelle débat de son Histoire, ses vestiges, son héritage culturel, sa langue et les intentions politiques cachées derrière le rapatriement des trésors nationaux.

Hippopotame métaphysique

L’Ours d’argent du Grand prix du jury est allé au réalisateur coréen Hong Sang-soo pour „Yeohaengjaui pilyo“ (A Traveler’s Needs) avec Isabelle Huppert, tandis que Bruno Dumont remportait le Prix du jury pour „L’Empire“, un film qui, en revisitant „La Guerre des étoiles“ de façon déjantée, a divisé la critique et le public berlinois.

Le Dominicain Nelson Carlos De Los Santos Arias a de son côté décroché le Prix du meilleur réalisateur pour „Pepe“, un long-métrage qui fait entendre les réflexions métaphysiques d’un hippopotame surnommé Pepe par la presse colombienne. Le baron de la drogue Pablo Escobar avait en effet kidnappé l’animal dans sa Namibie natale, pour l’emmener en Colombie, où il fut tué. L’Ours d’argent du meilleur scénario est revenu à Matthias Glasner pour „Sterben“ (Mourir) avec l’acteur Lars Eidinger, un drame qui voit un chef d’orchestre et sa famille dysfonctionnelle renouer des liens alors qu’ils doivent se confronter ensemble à la mort, qui apparaît sous la forme d’un pronostic vital engagé et d’une composition musicale. Le film d’une durée de trois heures a également remporté le Prix de la Guilde des cinémas d’art et essai allemands ainsi que le Prix du jury des lecteurs de la Berliner Morgenpost.

Son rôle dans „A Different Man“ d’Aaron Schimberg a valu à Sebastian State d’être couronné de l’Ours d’argent pour le Meilleur acteur, tandis qu’Emily Watson était nommée Meilleure actrice dans un rôle secondaire pour „Small Things Like These“ de Tim Mielants. Enfin, c’est le travail du chef opérateur Martin Gschlacht qui a reçu la distinction de la Meilleure contribution artistique pour son travail dans le film germano-autrichien „Des Teufels Bad“ (Le Bain du diable) de Veronika Franz et Severin Fiala, produit par Ulrich Seidl.

Appels au cessez-le-feu

Les appels au cessez-le-feu en Ukraine et à Gaza se sont succédés lors de la cérémonie de remise des prix qui avait lieu au Berlinale Palast du Potsdamer Platz, durant la soirée du samedi. Le documentaire „No Other Land“, réalisé par un collectif de quatre réalisateurs activistes israélo-palestiniens s’est vu décerner le Prix du documentaire de la Berlinale ainsi que le Prix du public de la section Panorama. En recevant son prix, le journaliste palestinien Basel Adra, l’un des co-réalisateurs, a déclaré qu’il lui était très difficile de célébrer cette récompense, alors que des dizaines de milliers de ses compatriotes se faisaient tuer et massacrer par l’armée israélienne à Gaza. Le film iranien „My Favorite Cake“ du duo de réalisateurs Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha a reçu le Prix du jury œcuménique ainsi que le Prix du jury Fipresci, la Fédération internationale de la presse cinématographique. Cette comédie dramatique autour de la solitude d’une femme de soixante-dix ans à Téhéran a valu aux réalisateurs de se faire retirer leurs passeports par le gouvernement iranien et de se voir refuser le droit de venir présenter le film à la Berlinale.

La fin du festival signe le départ annoncé du duo de directeurs Carlo Chatrian et Mariette Rissenbeek, dans un contexte politique tendu. En début de Berlinale, plusieurs de leurs collaborateurs avaient appelé à un positionnement plus ferme et moins hypocrite du festival quant au conflit israélo-palestinien, en publiant sur les réseaux sociaux une lettre ouverte intitulée „Berlinale Workers Voice“ (la voix des travailleurs de la Berlinale): „Une plateforme internationale comme la Berlinale et nous, en tant que programmateurs, consultants, modérateurs, animateurs, accompagnateurs et autres travailleurs de la Berlinale, pouvons et devrions exprimer notre désaccord face à l’assaut qui sévit actuellement contre les vies palestiniennes. Nous nous joignons à un mouvement mondial de solidarité pour exiger un cessez-le-feu immédiat et demander la libération de tous les otages.“

Chatrian et Rissenbeek laisseront la place à l’Américaine Tricia Tuttle qui a notamment dirigé le festival du film de Londres (BFI) et travaillé pour l’académie du film britannique (Bafta).