Sans doute l’exécutif a-t-il échappé, jeudi soir, à l’issue de la „niche parlementaire“ de La France Insoumise – un créneau réservé par roulement à chacun des groupes – à un vote qui aurait abrogé la réforme des retraites, ramenant l’âge maximal de celles-ci à 62 ans contre 64 actuellement, et aurait accru encore le déficit déjà dramatique des finances publiques. Il l’a fait en jouant l’obstruction, autrement dit en encourageant sa „majorité“ toute relative à multiplier les propositions d’amendements – près de 900 – dont l’examen, même très limité, a empêché la séance d’aboutir.
Procédé que les mélenchonistes ont dénoncé comme anti-démocratique, ce qui n’est pas faux, mais oubliant qu’eux-mêmes, aux mêmes fins dilatoires, en avaient déposé plus de 13.000 lors du débat sur ladite réforme! La séance a en outre été marquée par un violent accrochage entre deux élus qui ont failli en venir aux mains, illustrant le climat d’extrême tension dans lequel travaille désormais l’Assemblée.
Mais quoi qu’il en soit, le fait d’avoir conjuré ce premier péril ne rend pas la situation de Michel Barnier beaucoup plus confortable. Le premier ministre a pourtant concédé à Marine Le Pen, fût-ce sans jamais la nommer, un certain nombre de reculades par rapport à ses ambitions initiales, lui qui s’était pourtant promis de réaliser au moins 60 milliards d’euros d’économies par rapport au budget 2024. Il a ainsi annoncé qu’il renonçait à augmenter les taxes sur l’électricité, augmentation qui devait rapporter 3 milliards d’euros supplémentaires l’an prochain. Il s’est aussi engagé à revoir à la baisse l’aide médicale d’Etat (AME), qui permet un accès aux soins des immigrés en situation irrégulière sous conditions de résidence et de ressources.
Un exécutif aux abois
Ces deux points tenaient à cœur du RN; tout comme celui que concerne sa troisième concession, non-budgétaire, elle: M. Barnier annonce pour le début du printemps, sous réserve naturellement qu’il n’ait pas été renversé d’ici là, la mise en chantier d’un projet de loi visant à introduire une dose de représentation proportionnelle dans la désignation des députés. Une modification qui concerne la formation lepéniste, mais aussi d’autres partis (en particulier les centristes du MoDem et les Verts) qui s’estiment, comme le RN, sous-représentés au Palais-Bourbon du fait du mode actuel de scrutin, uninominal majoritaire à deux tours. Ce qui est très probablement vrai, mais aurait sans doute aussi pour conséquence d’accroître encore le morcellement du corps législatif – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les constituants de 1958 n’en avaient pas voulu.
De toute façon, pour l’instant, Mme Le Pen n’en démord pas: elle veut faire voter la censure à ses troupes, ce qui, en additionnant celles-ci à celles de la gauche tout entière, suffirait largement à faire passer la censure. Et l’on imagine bien que, constatant que ses mises en demeure au gouvernement ont jusqu’ici bien fonctionné, elle cherche à obtenir plus encore face à un exécutif aux abois. Elle s’en est à peine cachée en déclarant jeudi: „Il reste encore quatre jours à M. Barnier de faire les gestes qu’il faut, s’il veut éviter de voir son gouvernement censuré.“
Pourquoi quatre jours? Parce que c’est lundi que se présentera pour l’opposition, avant même un vote sur le projet de budget général, une occasion de déposer une motion de censure: le scrutin sur le projet de budget de la Sécurité sociale. La commission mixte paritaire du Parlement, composée de sept députés et sept sénateurs, a fini par trouver une proposition médiane, mais celle-ci n’a aucunement convaincu l’opposition. On devrait donc savoir après-demain après-midi si ce premier texte suscite déjà une motion de censure, et quarante-huit heures plus tard – ainsi le veut la règle – si elle recueille, comme tout le laisse craindre pour l’instant au gouvernement, une majorité de voix parmi les députés. En attendant, s’il survit cette fois-ci, l’obstacle suivant; et cela en s’appuyant sur un „bloc central“ qui, de toute façon, est de plus en plus fissuré.
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