FranceParis élude les questions sur son rôle aérien dans l’opération Sirli en Egypte

France / Paris élude les questions sur son rôle aérien dans l’opération Sirli en Egypte
Le président français Emmanuel Macron a reçu son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi (g.) le 12 novembre: l’affaire Sirli n’était probablement pas un sujet de discussion Photo: AFP/Ludovic Marin

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Effet de la précampagne présidentielle, qui focalise, concurremment avec le rebond épidémique et la crise antillaise, l’essentiel de l’attention des médias de l’Hexagone? Toujours est-il que l’affaire Sirli, telle qu’elle a été révélée par le magazine d’investigation „Disclose“, ne reçoit guère d’échos, pour l’instant, sur la scène publique française, où elle avait tout pourtant pour devenir, au minimum, l’objet d’une solide controverse.

Pour l’instant, oui; car il n’est tout de même pas exclu que le Parlement français ouvre une enquête. „Les révélations de Disclose, basées sur des documents classifiés, sont extrêmement graves et constitueraient, si elles étaient confirmées, un scandale d’Etat“, estime la présidente d’Amnesty International France. „C’est pourquoi nous demandons qu’une enquête parlementaire soit mise en place pour établir les faits et, le cas échéant, les responsabilités.“

De même, les députés mélenchonistes ont publié un communiqué dans lequel on peut lire: „Les commandes d’armements exorbitantes passées par l’Egypte auprès de la France pourraient expliquer le silence coupable des autorités françaises devant le détournement de cette mission et les violations des droits humains dont le régime égyptien s’est rendu coupable.“

Mais si enquête il doit finalement y avoir, elle ne sera pas facile: depuis la publication de ces révélations, les autorités françaises, sans entrer dans le détail de ce qui leur est imputé, se murent en effet dans le silence. A l’Elysée comme au Quai d’Orsay, on invoque le „secret défense“ à propos de cette mystérieuse opération Sirli.

Un partenariat datant de 2015

Quant à la ministre des Armées, Florence Parly, elle s’est bornée à déclarer: „L’Egypte est un partenaire avec lequel, comme avec beaucoup d’autres pays, nous entretenons des relations dans le domaine du renseignement et de la lutte antiterroriste au service de la sécurité régionale et de la protection des Français. Pour des raisons évidentes de sécurité et d’efficacité, nous ne communiquerons pas davantage sur la nature des dispositifs de coopération dans ce domaine.“

De quoi s’agissait-il, toujours selon Disclose? La France était censée chercher, et partager avec à l’Egypte en vertu de l’accord de partenariat militaire qu’elle avait signé avec cette dernière en 2015, des renseignements militaires destinés à aider Le Caire à lutter contre le terrorisme islamiste, principalement venu de Libye. Elle avait lancé à cette fin, voici cinq ans, une opération de repérage dans le désert occidental égyptien, une très vaste zone s’étendant du Nil à la frontière libyenne.

Dix agents seront mobilisés: quatre militaires et six anciens de l’armée reconvertis dans le privé (deux pilotes d’avion et quatre analystes). Ces derniers sont employés par la société CAE Aviation, basée au Grand-Duché, et spécialisée dans l’imagerie et l’interception des communications. CAE va aussi fournir un avion léger de surveillance et de reconnaissance de type Merlin III, idéal pour le repérage.

La „diplomatie des armes“

Le problème est qu’il semble que les renseignements recueillis aient surtout été utilisés par le pouvoir égyptien – celui, fort peu démocratique, du maréchal Al-Sissi – à d’autres fins que la lutte antiterroriste. Autrement dit, selon Disclose: pour tuer des civils accusés de contrebande. Et le média en ligne va jusqu’à préciser que „les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018“, ce qui constituerait „un dévoiement complet de leur mission“.

Si elle se confirme, cette affaire devrait venir illustrer une fois de plus les ambiguïtés de la „diplomatie des armes“ (et point seulement l’aspect commercial des ventes d’armes, secteur où la France occupe un rang important dans le monde, sans parler de leur dimension éthique) que Paris a pu, naguère encore, mettre en œuvre, y compris en faveur de régimes autoritaires.

On se souvient qu’il y a près de quarante ans, durant la Guerre des Malouines, à l’occasion de laquelle la dictature argentine à bout de souffle avait cherché à reconquérir sa propre opinion publique en cherchant à envahir l’archipel britannique austral, Londres avait peu apprécié de voir certains navires de la Royal Navy frappés au cœur par des missiles français Exocet qui avaient été vendus à Buenos Aires …