JazzNew Jam veut bousculer le bassin minier: Jazzmen en embuscade

Jazz / New Jam veut bousculer le bassin minier: Jazzmen en embuscade
Steve Lacy en 1988 au café „Den Artist“ à Esch, à la grande époque du JAM Photo: Alfred Bisenius

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Le dernier concert organisé par New Jam, c’était le 24 février à l’Ariston avec le tromboniste sarrois Christof Thewes, le batteur luxembourgeois Michel Meis, le contrebassiste berlinois Jan Roder et l’incontournable Luciano Pagliarini au saxophone
Le dernier concert organisé par New Jam, c’était le 24 février à l’Ariston avec le tromboniste sarrois Christof Thewes, le batteur luxembourgeois Michel Meis, le contrebassiste berlinois Jan Roder et l’incontournable Luciano Pagliarini au saxophone Photo: Fred Bisenius

Le musicien Luciano Pagliarini et le photographe Fred Bisenius redonnent vie au „Jazz am Minett“ (JAM), en mettant à disposition des centres culturels leurs réseaux de musiciens. Sixième concert sous la houlette de l’association New Jam ce vendredi à la Metzeschmelz, entre jazz et acier.

Créé en novembre 2022, le New Jam a une histoire que son nom indique, le Jazz am Minett, soit une structure qui a organisé plus de 200 concerts jazz dans le bassin minier entre 1987 et 2005. Il a aussi une préhistoire, un premier concert de jazz resté mythique dans la galerie Terre Rouge, à la Kulturfabrik. On peut aussi dater son big bang – et non son big band – à la rencontre du saxophoniste (et futur historien de l’industrie) Luciano Pagliarini et du photographe amateur Fred Bisenius, par connaissances interposées, en 1976. C’était l’époque où le Melusina à Clausen était le centre névralgique du jazz au Luxembourg, par lequel nombre de musiciens américains et allemands firent un crochet lors de leurs tournées européennes. 

Dix ans plus tard donc, Fred Bisenius évoluait dans le giron de galeristes installés à la Kulturfabrik et qui jugèrent intéressant d’agrémenter de concerts de jazz les vernissages de leurs expositions qui se tiennent dans ce qui était la porcherie des anciens abattoirs. A cette époque, Luciano Pagliarini vit dans le Sud de la France. Il est devenu musicien professionnel et finira par remonter en 1990. Il a quitté la musique mainstream, pour lui préférer l’improvisation. C’est ce style de musique libre qu’avec son compère ils suggèrent d’enraciner dans le bassin minier. „On voulait tenter un coup, convoquer des musiciens et faire une action“, se souvient Luciano Pagliarini. Le concert se transforme en boeuf phénoménal, que personne ne peut abattre.

1987 année charnière

Ce concert, conçu comme un galop d’essai, pour voir s’il y avait un public pour ce type de musique, a apporté une réponse claire. Et c’est alors „Jazz am Minett“, structure légère et flexible, qui se lance dans une série de concerts, financée par un crowdfunding à l’ancienne, une quarantaine de personnes qui mettent chacun 1.000 francs dans le panier, pour faire venir le jazzman américain Leo Smith pour commencer. Le ministère de la Culture apporte ensuite son soutien financier. C’est alors que les concerts s’enchaînent, jusqu’au jour où on demande à JAM de payer pour jouer à la Kulturfabrik. „Jazz am Minett“ devient alors nomade et prend ses quartiers dans les bars du bassin minier, à Esch („Artistes“, „Chez Tina“, „Theaterstiffchen“), à Differdange („Café A“, mais aussi parc Laval), à Dudelange. JAM propose des contrats avec les musiciens aux bars et centres culturels. L’aventure prend toute son ampleur – et se termine – avec le théâtre d’Esch, dirigé par Philippe Noesen. JAM organise des concerts au café „Ubu“ du théâtre et des ciné-concerts dans la grande salle. Et ce jusqu’au changement de direction du théâtre, plus ou moins contemporaine de la rupture biographique dans la trajectoire de Luciano Pagliarini, un AVC en 2005, qui l’éloigne des scènes. 

Cette retraite forcée fait sans trop de peine pour le saxophoniste qui a une autre passion, l’histoire du bassin sidérurgique. „Pour moi ce n’était pas dramatique de ne plus faire de musique. Mais il y a une forme d’extase qu’on vit en musique qu’on ne peut pas vivre en faisant de la recherche.“ Alors quand son vieil ami Fred Bisenius l’emmène en 2018 assister à un petit festival de jazz en Allemagne, l’ambiance qui y règne et le niveau très moyen des musiciens qui en profitent, le motivent à reprendre du service. Un an après, en marge d’une visite en famille de New York, il reprend contact avec Joe Fonda, ancien bassiste d’Antony Braxton, figure de l’avant-garde. Il trouve sa famille dans cette musique faite dans l’instant, celle qu’il a envie de faire partager et pour la promotion de laquelle, avec Fred Bisenius, il a lancé New Jam, il y a deux ans.

Raconter des histoires

„En tant que musicien, avec certains groupes à la troisième mesure je sais comment le morceau va se finir. Par contre, des musiciens comme Joe Fonda racontent une histoire. Tu ne sais pas comment ça se termine. C’est ce que j’exige“, explique le musicien. Luciano Pagliarini a les contacts sur la scène new-yorkaise, Fred Bisenius sur la scène allemande. Et ils veulent mettre à disposition leurs carnets d’adresse aux centres culturels. Il y a potentiellement des centaines de musiciens, par leur entremise, capables de faire un crochet par le Luxembourg. „Ils sont là-devant les portes“, explique Fred Bisenius. „Si on veut faire venir les musiciens, il y a moyen. Si on veut attendre que les gens programment, c’est une autre histoire“, renchérit Luciano Pagliarini.

C’est d’ailleurs à la suite d’une annulation de concert que s’est profilée la possibilité d’organiser ce vendredi 12 avril le sixième concert. En collaboration avec Ferro Forum, New Jam organise un concert de jazz/musiques improvisées sur le site que gère Ferro Forum dans l’ancien atelier central de l’usine désaffectée d’Esch-Schifflange, la Metzeschmelz. Luciano Pagliarini reprendra du service pour accompagner le bassiste Joe Fonda, le batteur Joe Hertenstein, dans une quête du lien qui unit leur musique improvisée et l’acier, qui sera représenté par Misch Feinen, percussionniste.

New Jam a l’avantage sur les agents professionnels de ne rien coûter. L’association mûrit des idées de disques, mais aussi de manifestations originales. Ainsi, rôle dans l’air l’idée de faire jouer une figure historique du jazz européen, Alexander von Schlippenbach, 85 ans, devant l’usine de Differdange, dont un de ses aïeux fut le sous-directeur avant la Première Guerre mondiale. Le défi serait justement d’allier, comme pour „De fer et de feu“ en 1997, les images d’usine et la musique live. Un concert hommage à Michel Pilz est aussi en projet. Ce dernier fut l’un des plus programmés des concerts du JAM (avec une vingtaine d’apparitions). Et c’est lui qui écrivit un jour dans les années 90: „Grâce au JAM, Esch figure sur la carte mondiale du jazz.“ Ce concert-hommage l’y fixerait un peu plus.

Concert

Le prochain concert de New Jam a lieu vendredi 12 avril à 19.30 h, au Ferro Forum sur le site de la Metzeschmelz. Avec Luciano Pagliarini (saxophone), Joe Fonda (basse), Joe Hertenstein (batterie), Misch Feinen (batterie). Il faut réserver sa place à l’avance, le nombre des spectateurs sur le site Ferro Forum étant strictement limité à 90 personnes. Il faut pour cela verser 20 euros sur le compte de New Jam. Les portes seront ouvertes à 19.00 h (accès au site par navette). Se vêtir de vêtements chauds.