Pourquoi avez-vous appelé votre festival „33,7“?
Pascal Meyer: On avait fait un festival intitulé „33.7“ à la KuFa en 2022, soit l’année où Esch-sur-Alzette a été désignée comme la capitale européenne de la culture. Le nombre 33.7 correspondait aux heures de musique diffusées pendant le festival. On avait dressé une cartographie musicale, en rassemblant toutes les nationalités d’Esch et, pour ce faire, on avait mis au point des calculs minutieux pour qu’elles soient toutes représentées; on avait donc eu, des artistes luxembourgeois, à l’évidence vu qu’il s’agit du plus grand pourcentage d’habitants à Esch, ensuite, en seconde position, le Portugal, puis l’Italie. Pendant trois jours, il y a donc eu 33.7 heures de musique – la folie totale. Et cette année, on fête les 25 ans de Lucilin, alors on s’est dit qu’on allait compter, cette fois, 25 h de musique. En plus, le festival démarre le 25 janvier.
Le 25 janvier de l’année 2025!
C’est dingue. Mais il ne s’agit pas d’un concert-anniversaire à proprement parler; c’est plus proche, dans l’esprit, d’un festival Lucilin. L’idée, c’est de présenter ce qu’on fait, à la fois ce qu’on a déjà expérimenté et un paquet de nouveautés.
La musique contemporaine est si large. Malheureusement, il y a des a priori qui restent coincés dans les esprits, comme quoi il serait question de musique, en effet, trop difficile, atonale, dénuée de mélodies.
Le collectif United Instruments of Lucilin défend la musique contemporaine: votre objectif, là encore avec 33,7, c’est de rendre accessible un genre de musique réputé exigeant?
Tout à fait. La musique contemporaine est si large. Malheureusement, il y a des a priori qui restent coincés dans les esprits, comme quoi il serait question de musique, en effet, trop difficile, atonale, dénuée de mélodies. Ce sont un peu les clichés du XXe siècle, mais le genre s’est tout de même éloigné de Pierre Boulez et de ces sonorités sèches ou compliquées. Aujourd’hui, et ce n’est pas une nouvelle tendance, les compositeurs se dirigent bien volontiers vers une musique tonale, voire électronique. Il y a davantage de crossover; les styles fusionnent. Nous, on a toujours proposé ces hybrides et ces ouvertures, et là le festival met clairement en œuvre toutes nos intentions, avec un programme éclectique, des installations aux concerts de musique minimaliste. Ce n’est pas uniquement réservé à un public d’initiés.
Le festival se veut transgénérationnel, en n’excluant pas le jeune public.
Il y a un workshop, animé par Klar Obscur, où les jeunes peuvent venir slamer. Aussi, Christelle Bertringer, une prof de musique, fait un atelier avec des petits qui ont entre 7 et 11 ans. Pendant ce temps, Guy Frisch et moi, nous proposons un live avec du toy piano et du glockenspiel, autrement dit des joujoux qui se sont, au fil du temps, intégrés dans la musique contemporaine. Et les enfants se joignent à nous, pour faire un long concert.
Il s’agit aussi d’un festival pluridisciplinaire, qui montre la „cuisine“ de la musique avec, par exemple, les vidéos „Intersections“ sur l’enregistrement des compositions.
Le festival est un condensé, à tous les niveaux, de ce qu’on réalise en une saison. A la Philharmonie, on avait fait „Lucilin: Now!“, avec quelques concerts durant lesquels on présentait de nouvelles compositions, accompagnées d’une création. Et là, au 33,7, on malaxe tout. Il y a, par exemple, le programme Bach & Present où les Variations Goldberg de Bach côtoient des compositions actuelles. Et, comme vous dîtes, on montre la cuisine, via la diffusion des vidéos de compositeurs qui parlent de leur travail ou d’autres où l’on suit un enregistrement.
C’est un peu à l’image des bonus d’un DVD, avec le making-of, les entretiens, etc.
Oui et d’ailleurs, il en va de même en ce qui concerne le live-cinéma; c’est une richesse supplémentaire pour nous.
Je n’ai jamais été aussi sûr de moi à propos de ce que la culture peut apporter à l’être humain
Est-ce qu’il y a des festivals qui vous ont inspirés pour élaborer le 33,7?
Peut-être indirectement, mais pas consciemment. Tout ce qu’on concocte chez Lucilin passe par un comité de musiciens; il y en a neuf au cœur de l’ensemble et il y a des invités. Une fois par mois, on se réunit pour échanger à propos du contenu artistique du groupe. Toutes les idées peuvent nourrir ce comité. Et le 33,7, c’est un melting-pot de propositions. De mon côté, je vis à Amsterdam depuis plusieurs années, alors je m’imprègne sans doute un peu de ce qui se fait en matière de concerts et, plus globalement, de son esthétique artistique.
La musique, selon vous, peut-elle encore changer le monde?
C’est amusant comme question, car, la saison précédente, un communiqué de presse affirmait: „La musique contemporaine va sauver le monde“ et on avait repris ce slogan. Mais je ne suis pas sûr qu’on y soit parvenus, vu l’état des choses.
Et à l’échelle individuelle?
Je n’ai jamais été aussi sûr de moi à propos de ce que la culture peut apporter à l’être humain. Je m’informe beaucoup sur tout ce qui a trait à la politique et à la géopolitique, mais à la longue, c’est fatiguant, voire même insupportable. Et quand je me mets face à mon piano ou quand j’écoute de la musique, quand je vais au théâtre ou au cinéma, je ressens la possibilité de relativiser, c’est ce qui fait vivre. A défaut de sauver le monde, j’espère au moins qu’on aura les moyens de sauver les âmes qui veulent bien être sauvées.
Programme du festival
Concerts samedi:
– Aussi Fragile Que Possible, 12.15 h, installation de la compositrice Elsa Biston
– Bach & Present, 11.00 & 15.45 h, un mélange d’ancien et de moderne, reliant des siècles d’histoire musicale
– Miniature, 14.45 & 17.45 h, des instruments miniatures comme le toy piano et le glockenspiel dans des performances en duo et en solo ludiques
– Winds, 14.30 & 17.00 h, un voyage coloré combinant des influences persanes et des grooves africains
– Say it Loud, 18.30 h, Lucilin et Klar Obscur élèvent leurs voix
– Pulsing, 20.00 h, „Quand vous écoutez, vous percevez un souffle de Radiohead, […] mais 90% du temps, ce n’est pas le cas“, Steve Reich
– Poliverse by Pol Belardi, 22.15 h, le voyage orchestral d’un esprit introspectif
Concert dimanche:
Lëtzebuerger Geschichten, 10.45 h, un mélange unique de littérature et de musique révélant l’âme du pays avec Samuel Hamen, Eluned Davies, Nik Bohnenberger, Hy-Khang Dang & Georges Sadele
Workshops samedi:
– Atelier musical pour enfants (7-11 ans) avec Christelle Bertringer, professeur de musique et musicienne-intervenante, qui accompagnera vos enfants dans la création de leur propre œuvre musicale. Les pièces musicales créées seront présentées lors du concert Miniature. 13.30-14.30 h ou 16.30-17.30 h.
– Atelier pour les plus de 12 ans avec la rappeuse, chanteuse et compositrice Klar Obscur en deux sessions: écriture et finetuning. Les participant·es auront l’opportunité de présenter leur œuvre juste avant le concert de Klar Obscur et United Instruments of Lucilin. De 11.00 à 13.00 h pour l’écriture, puis de 16.00 à 18.00 h pour le finetuning.
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