Pour bien savoir de quoi on va parler, d’abord quelques explications et précisions historiques préalables.
Commençons par le terme de „liberticide“. Le dictionnaire nous donne l’explication suivante: „Ce qui porte atteinte à la liberté, aux libertés (…) qui détruit la liberté.“
Le deuxième terme renvoie à une loi appelée „muselière“, de l’année 1937, et avait, dans un premier temps, comme objectif d’interdire le parti communiste, mais surtout, par extension, de dissoudre toute organisation politique susceptible, selon le gouvernement CSV de l’époque, de mettre en danger les institutions constitutionnelles. La porte pour toute forme de dérives, d’abus, d’arbitraires et d’amalgames, était largement ouverte. Heureusement un référendum national, devenu culte, a stoppé net les velléités du gouvernement réactionnaire de l’époque.
Joseph Bech et Petit Luc, même combat?
Alors que l’objectif premier de ce projet de loi se proposait de cibler le parti communiste, en fait il visait globalement l’ensemble des organisations, politiques, syndicales ou autres, qui risquaient de gêner le gouvernement.
Aujourd’hui, en 2024, nous voilà confrontés avec le projet de loi „Platzverweis“ (un terme qui vient directement de la sphère footballistique, synonyme de carton rouge), en fait une mesure d’éloignement forcée visant, dans un premier temps, les seuls mendiants. Maintenant, dans un deuxième temps, il est remplacé par le „Platzverweis renforcé“ et constitue en fait un arsenal de mesures progressives pour éloigner quiconque, et pas seulement les mendiants, se montrant gênant sur la voie publique en entravant la circulation, en troublant la tranquillité, la salubrité ou la sécurité publiques. Donald Trump pourrait en être l’auteur.
Autant profiter de l’occasion, a dû se dire Petit Léon, soutenu, les yeux fermés, par Petit Luc, pour s’attaquer non seulement aux pauvres parmi les plus pauvres (au lieu de combattre la pauvreté), mais à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, gênent sur la voie publique, les manifestants de toute sorte, mendiants ou non, étant bien sûr dans le même collimateur. Vive les dégâts collatéraux, tant pis!
En fait le gouvernement, sous la pression de quelques „hardliners“, du CSV et du DP, bien identifiés, se propose de renouer avec l’esprit et la démarche de 1937. Cette fois le DP, une fois n’est pas coutume, se joignant au parti de droite, sachant que les idées libérales, depuis longtemps, ne figurent plus dans le registre de ce parti. En politique, contrairement au proverbe issu de la philosophie d’Héraclite, on peut se baigner deux fois dans le même fleuve, on peut donc vivre deux fois la même chose, à la rigueur, même plus de 87 ans après.
Le „Platzverweis renforcé“, une déportation déguisée
Les personnes qui enfreignent la loi seront, selon le projet de loi déposé par le gouvernement, d’abord confrontées à un rappel à l’ordre, suivi d’une injonction de s’éloigner (ou de déguerpir), puis d’un éloignement musclé par la police. Ce dernier sera pratiqué dans un rayon d’un kilomètre au maximum, et ce pour un minimum de deux jours. Comme il faut appeler un chat un chat, il s’agit d’une forme de déportation „soft“ (sic). En cas de refus d’obtempérer, le bourgmestre (pourquoi pas le juge?) pourra prononcer une interdiction temporaire de lieu pour une durée maximale de 30 jours. Il n’est pas précisé que pour accomplir cette nouvelle mission/fonction, le bourgmestre sera obligé de se vêtir d’un quelconque uniforme, d’une veste anti-balles ou s’il devra suivre une formation spéciale ad hoc. Le fait de déléguer le pouvoir de police à une autorité politique, de l’enlever donc au pouvoir judiciaire, constitue une nouveauté contraire à toute pratique institutionnelle démocratique et traditionnelle dans notre pays. Toute dictature ou régime autoritaire ferait de même. Une dérive très très dangereuse pour notre Etat de droit.
Il faut savoir qu’en 2018 cette mesure, déjà en discussion, n’a pas trouvé grâce auprès du ministre de la Sécurité intérieure de l’époque, qui arguait que les risques d’une telle loi risquaient, à juste titre, de remettre en question les droits fondamentaux du citoyen, voire de s’opposer aux Droits de l’homme en général.
Une question se pose: le gouvernement a-t-il analysé et respecté la proportionnalité des mesures, un aspect très très important dans le cadre de toute mesure répressive? Une telle mesure d’éloignement ou de déportation est-elle légitime à la vue des Droits de l’homme, dans un régime qui se veut démocratique? Il est permis, plus que jamais, d’en douter!
Permettez une autre question de principe: un problème d’ordre social peut-il être résolu par des mesures répressives? Avons-nous plus besoin de policiers que de travailleurs sociaux? Une fois de plus, il est permis d’en douter!
Est-ce que nous ne risquons pas de ne pas répondre à la question sociale posée, mais simplement de déplacer le problème de A à B et de stigmatiser, voire criminaliser les mendiants ou autres? Beaucoup d’autres questions juridiques se posent et demandent des réponses. A moins que le gouvernement ait décidé de piétiner les Droits de l’homme élémentaires, retenus pourtant dans la Charte européenne éponyme et signés par le Luxembourg.
Quand le gouvernement, pour éviter des questions juridiques gênantes, s’abstient de consulter volontairement le Parquet, voire de l’ignorer carrément, alors que ce dernier est en première ligne et le premier concerné, en dit long sur ses véritables intentions. Or, dans la presse, il nous revient que la Procureure générale de l’Etat, un des plus hauts dignitaires de l’appareil judiciaire de notre pays, regrette que le Parquet n’ait pas eu droit au chapitre et, en mots à peine couverts, mais pleins de sous-entendus, constate que le texte envisagé est d’un arbitraire incroyable, qui laisse trop d’espace d’interprétation à la police, alors que cette dernière, pour faire un travail respectable et conforme aux principes élémentaires d’un Etat de droit qui se respecte tant soit peu, a besoin d’instructions claires et nettes, pour mériter cette dénomination.
D’autres aspects sont évoqués et Petit Léon, jusqu’à présent, n’a pas daigné y répondre ou probablement ne connaît-il pas la réponse. Exemple parmi d’autres: comment faire pour convoquer une personne par lettre recommandée alors que cette personne (un mendiant ou autre sans-abri), presque par définition, ne possède ni domicile fixe ni adresse?
Autres questions à Petit Léon:
Comment justifier que des policiers ont été retirés de plusieurs localités ou de la police judiciaire pour les concentrer à Luxembourg-ville et à Esch? Est-il plus important de poursuivre les mendiants pour faire plaisir à l’un ou l’autre bourgmestre, au lieu de poursuivre les criminels, en col blanc notamment? Sans même parler des trafiquants de drogue qui se la coulent douce.
Ce déplacement des policiers, sans aval ou avis du Parquet, dans les deux localités les plus importantes du pays, est-il notamment l’explication d’une recrudescence importante des cambriolages dans quasi toutes les autres localités du pays? Le ministre de l’Intérieur indirectement coupable des cambriolages en nette augmentation partout, qui l’aurait cru? Qu’en dit le Syvicol, qui se réduit bientôt à un simple rôle de club de supporters du gouvernement? Encore un poste stratégique occupé par le CSV dans notre quasi-dictature de ce parti, alors que les résultats des dernières élections ne traduisaient pas un tel amoncellement de postes. Comme aux USA: the winner takes it all?
Que répond Petit Léon, notre bien-aimé ministre de l’Intérieur, au reproche d’une immission du politique dans le domaine judiciaire, n’en déplaise, contraire à tout Etat de droit qui se respecte et à la séparation des pouvoirs qui en est l’élément essentiel? Cf première année de droit, à toute université, en France et en Navarre!
Aucun texte, et surtout pas la Constitution, n’autorise un tel amalgame entre pouvoir judiciaire et pouvoir administratif. Le Conseil d’Etat aura du pain sur la planche! Verra-t-on bientôt participer les bourgmestres à des rondes nocturnes de la police, épée et flingue en bandoulière? Et vêtus d’un treillis militaire? Et en souliers à talons hauts, le cas échéant? Ça promet !
Monsieur le ministre de l’Intérieur, cher Petit Léon.
Deux choses pour finir: Sachez d’abord que je fais partie des nombreuses personnes qui ne sont pas dupes de votre politique répressive contre les mendiants. Je vous accuse notamment de vouloir instrumentaliser l’image et la présence des mendiants au service d’un discours alarmiste, populiste, faussement sécuritaire. Et vous ne cessez de lorgner en permanence vers la majorité silencieuse la plus droitière pour trouver des supporters de votre triste besogne antidémocratique. Ayez honte!
Par ailleurs je vous invite à procéder à un sondage d’opinion en posant la question suivante à nos concitoyens: De quoi faut-il avoir peur le plus, des mendiants ou des cambrioleurs?
Je connais la réponse. Et vous?
Alors agissez en conséquence …
Et je n’ai même pas parlé des plus de trente morts par an à la suite de l’insécurité routière grandissante, où on peut constater véritablement des „conduites agressives“ de plus en plus nombreuses avec des conséquences autrement plus néfastes … Cela me fait trop peur, tous les jours!
Alors ne vous trompez pas de priorité et agissez en conséquence …

De Maart
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