Dienstag23. Dezember 2025

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FolkMélodie nature: Cinder Well en concert à la Kulturfabrik

Folk / Mélodie nature: Cinder Well en concert à la Kulturfabrik
Se produit à la Kulturfabrik ce mardi: Cinder Well Source: Georgia Zeavin

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Multi-instrumentiste, chanteuse et productrice, Amelia Baker porte Cinder Well sur ses épaules et la guitare contre son cœur pour jouer un folk tantôt sombre tantôt lumineux, en connexion avec les paysages de sa vie. Elle est en concert ce soir à la Kulturfabrik. Focus.

Il en va de la musique comme des images, qu’il s’agisse de peinture ou de photographie. Certains artistes privilégient l’introspection et composent alors des portraits, en y insérant quelques éléments biographiques; d’autres captent l’air du temps et se situent dans une veine plus sociologique. Il y en a encore qui se focalisent sur les paysages. Si la nature est une source d’inspiration illimitée, la pop s’inscrit donc dans la continuité de siècles de poèmes et de tableaux, puis de clichés. Du „Sacre Du Printemps“ d’Igor Stravinsky à la „Symphonie d’Automne“ de Johannes Brahms, en passant par „La Pastorale“ de Ludwig van Beethoven, une flopée d’œuvres baroques, classiques ou modernes sont imprégnées de nature, en tant que métaphore des sentiments. Du côté de la pop, c’est amusant, des groupes ou artistes ont un nom d’animal, Caribou, Band Of Horses, Arctic Monkeys, Grizzly ou Panda Bear et plein d’autres. Et puis il y en a qui rendent un hommage à la nature, à linstar de Tom Petty avec „Windflowers“, et même au rayon house, quand Melchior Sultana incorpore des chants d’oiseaux sur le beat de son sublime „Paradise“. Le folk synthétique de Grandaddy est très marqué par l’environnement dans lequel il est échafaudé, c’est-à-dire un espace rural, loin de la civilisation, jusqu’à ce que Jason Lytle chante, accompagné par des enfants, un bel hymne à la nature, „Nature Anthem“. Car oui, le genre qui se rapproche le plus de la nature – à égalité avec le country – c’est sans doute le folk. La preuve à nouveau à travers „Big Yellow Taxi“ de Joni Mitchell ou „Blue Ridge Mountains“ de Fleet Foxes. Et à travers tout Cinder Well.

Souvenirs et paysages

Cinder Well, c’est l’alias de la multi-instrumentiste Amelia Baker. Ce nom de scène serait quelque part le seul artifice du projet. Il n’y a pas de maquillage dans la voix, comme il y a du minimalisme dans l’instrumentation, parfois en montées telle la marée. Son folk est en connexion étroite avec la nature et parvient ainsi à conjuguer la grandeur (les paysages) et l’intime (l’âme), jusqu’à concilier la préoccupation écologique et les tourments personnels. Les titres parlent d’eux-mêmes – „Queen Of The Heart, Child Of The Skies“ pour n’en citer qu’un. Si l’artiste a un pied en Californie, soit là où elle est née, et un autre en Irlande, autrement dit là où elle vit désormais, elle a aussi un œil rivé sur chacun des deux horizons. Sa musique goth-folk ressemble à un pont fictif entre ce qui est bien sûr tout sauf un décor. Une chanson telle que „From Behind The Curtain“ revient sur son changement d’environnement et les agitations sensorielles qui se manifestent; pour paraphraser Baker, le vent de l’Irlande ressemble aux vagues de la Californie. Alors que dans la photo ou la poésie, il peut y avoir une dissociation entre le portrait et le paysage, il va de soi que le premier est le reflet du second. Les paysages sont des souvenirs; les souvenirs sont des paysages. Les paysages constituent une part de notre identité; ils sont, à défaut du tableau littéral, la palette de couleurs qui composent les chansons d’Amelia Baker. Et puis, même si l’on parle de folk de chambre, chez Cinder Well, ladite chambre a les fenêtres grandes ouvertes.

Cinder Well présente son album „Cadence“
Cinder Well présente son album „Cadence“ Source: Georgia Zeavin

Par-delà les racines sombres du folk vers lesquelles lorgne Cinder Well, son dernier album intitulé „Cadence“ (2023), navigue entre sensations et mythologies. Baker y déclare, en mélodies douces, son amour pour la mer. „Two Heads, Grey Mare“ évoque les selkies, ces créatures imaginaires issues du folklore de Shetland, en Écosse, à savoir des jeunes filles qui se transforment en phoques pour explorer le monde sous-marin. Mais il y a aussi de vastes questions existentielles, à propos de nos places minuscules dans le monde, comme sur „Crow“, qui se demande comment traverser le chemin de notre vie en la gravant sur Terre pour toujours.

Mais il s’agit encore, dans le „folk nature“, du mot „nature“ en synonyme de „fait maison“, et ce afin d’accéder à une forme de pureté, jusqu’à atteindre l’épure, comme sur „I Will Close In The Moonlight“, un titre parcouru par le piano et le silence, pour que le son de l’extérieur complète les harmonies. Au milieu des trémolos, des cordes et des percussions, quand le ciel devient clair et que les accords se font plus éthérés, les ballades prennent l’allure de berceuses. Si Brian Eno a composé l’envoûtant „Always Returning“ comme une retranscription musicale potentielle des cycles, dans „Returning“ de Cinder Well, le son de la guitare forme un cercle et décortique la déception ressentie face à un lieu qui n’est plus le même que celui qu’il était lorsqu’il nous a bouleversé, à la fois hier et il y a une éternité. Ce qui compte le plus, au fond, ce sont les paysages mentaux. On peut perdre des illusions, mais pas les plus beaux souvenirs.

Kulturfabrik, Ratelach, 20h30.