Cela faisait plusieurs semaines, il est vrai, que rien n’allait plus entre l’irascible et tonitruant dirigeant de LFI et ce qu’il est convenu d’appeler la „gauche de gouvernement“ (le PS, le PCF et les Verts) avec une mention particulière pour les socialistes auxquels il reprochait de n’avoir pas voté la censure contre le gouvernement Bayrou, pour laisser au budget une chance d’être enfin adopté. La surprise des observateurs n’en est donc pas tout à fait une, même si l’on se demandait quand même si, tout à son souci d’apparaître le moment venu comme le candidat naturel et unique de l’union de la gauche, M. Mélenchon n’essaierait pas de se contenir jusqu’à la prochaine élection présidentielle.
La vanité de ses appels à la démission immédiate du président de la République l’a-t-elle convaincu de changer de tactique, et d’assumer enfin les conséquences du tir à boulets rouges dont il accable ses désormais ex-partenaires, qu’il accuse au passage d’avoir pris l’initiative de cette rupture? „Nous devons tourner la page d’une alliance toxique. On ne peut avoir pour alliés des gens qui ont pour activité principale de nous tirer dans le dos“, explique-t-il. Avant d’ajouter: „Nous ne voulons pas être confondus avec leur soutien à Bayrou et Macron.“
En fait, on ne se désole guère, au PS, de le voir ainsi rompre des liens qui, pour des socialistes fidèles aux valeurs de leur parti, commençaient à devenir plus qu’embarrassants: compromettants. Tout particulièrement depuis l’effroyable pogrom du 7 octobre 2023, dans lequel nombre d’orateurs de LFI voulaient voir „un acte de résistance“ de la part d’un mouvement, le Hamas, pour lequel ils ne cessaient d’afficher leur sympathie, jusque dans les travées de l’Assemblée nationale.
François Hollande, en particulier, mais aussi le premier secrétaire du PS Olivier Faure, se gênaient de moins en moins pour condamner les dérives antisémites de certains dirigeants de LFI. De même pour le soutien et l’amitié affichés par Jean-Luc Mélenchon en faveur de différents dictateurs, à commencer par celui du Venezuela, Nicolás Maduro, et le refus de certains élus européens „insoumis“ de soutenir la demande de remise en liberté de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné par le régime despotique d’Alger.
La „force de dissuasion“ de LFI
Est-ce à dire, alors, que la gauche modérée puisse considérer que son ciel s’éclaircit enfin un peu, maintenant qu’elle semble en passe de recouvrer une liberté dont son alliance de circonstance avec les mélenchonistes tendait à la priver? Et que cette liberté, dans un contexte où le macronisme des débuts semble se dissoudre dans l’air du temps, lui laisse espérer des succès à venir dans les urnes? C’est encore bien loin d’être acquis. Car LFI conserve sur le PS un pouvoir de nuisance électorale dont elle s’est servie jusque-là comme d’une force de dissuasion, et que la rupture officialisée hier n’a pas effacé.
Ce pouvoir, c’est celui de présenter partout des candidats (par exemple, l’an prochain, aux élections municipales, où le PS aimerait bien reconquérir au moins une partie des positions perdues la dernière fois) et de les maintenir au second tour chaque fois que cela sera possible, en empêchant les socialistes de l’emporter. Ce serait encore plus douloureux lors d’éventuelles législatives, après une nouvelle dissolution dans quelques mois, si M. Macron retente l’aventure.
Reste de toute façon l’échéance majeure, celle de l’élection présidentielle, en 2027 – ou avant, si malgré ses dénégations, l’actuel locataire de l’Elysée démissionnait. M. Mélenchon assure qu’il y aura quoi qu’il arrive un candidat LFI, et même s’il se montre favorable à l’idée que ce soit quelqu’un d’autre que lui-même, nul doute que sa garde rapprochée saura le convaincre qu’il est le meilleur possible. Comme on n’imagine guère les autres partis de gauche le laisser seul en lice au premier tour, cela pourrait signifier une nouvelle absence de la gauche au second, pour la troisième fois consécutive … A 73 ans, l’Insoumis en chef se lance dans une partie compliquée, qui n’a pas fini de donner des soucis – aussi – à ses anciens partenaires.
De Maart
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