FranceMacron: „Nous n’excluons pas l’envoi de troupes au sol en Ukraine“

France / Macron: „Nous n’excluons pas l’envoi de troupes au sol en Ukraine“
Emmanuel Macron a surpris ses partenaires européens avec ses propos Photo: Gonzalo Fuentes/Pool/AFP

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Lors de la conférence de presse qu’il a tenu lundi soir à l’issue d’une rencontre de plusieurs heures avec les dirigeants des pays européens membres de l’OTAN, le président Macron a, parmi d’autres propos faisant référence au souci commun à tous les participants de renforcer l’aide à l’Ukraine, tenu un propos qui marquait à l’évidence une évolution spectaculaire de sa pensée stratégique. Il a en effet affirmé „ne pas exclure l’envoi de troupes au sol“, ajoutant: „Nous ferons tout pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre.“

C’est peu dire que cette déclaration a fait sensation, tant chez les dirigeants européens qui venaient d’être ses hôtes (lire d’autre part) que dans la classe politique française. L’entourage élyséen s’est hâté d’en tempérer la portée, assurant qu’il n’était aucunement question, dans l’esprit de M. Macron, de sonner la mobilisation générale et d’envoyer au front, face à l’armée russe, des soldats français, à plus forte raison des jeunes réservistes: le chef de l’Etat voulait simplement dire, ont assuré ses conseillers, que face aux appétits territoriaux du dictateur russe, les Européens ne devaient rien s’interdire si cela devenait nécessaire.

Soit: on peut en effet imaginer que le président français ne souhaite ni lancer son pays dans la guerre contre l’envahisseur de l’Ukraine, ni dicter à ses partenaires européens la conduite à suivre à cet égard! Il n’empêche: si ses propos ont soulevé un tel émoi, c’est qu’ils marquaient tout de même un nouveau pas très significatif dans son évolution politique et même psychologique à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine.

Mauvaise manière pour les Européens

Outre qu’ils constituaient une fort mauvaise manière faite aux autres participants à la rencontre, dans la mesure où, même en ayant pris soin de préciser qu’il „n’y a pas d’unanimité“ parmi eux en faveur d’une telle option – c’est même, à l’évidence, un euphémisme – il était censé résumer la teneur et les conclusions des échanges auxquels il venait de présider. Cette conférence de Paris avait pour but d’afficher l’unité des Européens membres de l’OTAN dans leur souci de contribuer à la défense de l’Ukraine, et elle semblait avoir atteint cet objectif, jusqu’à ce que la déclaration de celui-là même qui l’avait convoquée conduise au contraire à l’affichage d’une cacophonie entre la France et les autres.

Les réactions, en France même, sont très vives. Sans surprise, les deux extrêmes, qui restent plus proches du Kremlin que ne veulent bien le reconnaître Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, ont laissé éclater leur indignation. La première a déclaré: „Je ne sais pas si chacun se rend compte de la gravité d’une telle déclaration. Emmanuel Macron joue au chef de guerre, mais c’est de la vie de nos enfants qu’il parle avec autant d’insouciance.“ Et le second de surenchérir: „La guerre contre la Russie serait une folie, cette escalade verbale belliqueuse d’une puissance nucléaire contre une autre puissance nucléaire majeure est un acte irresponsable.“

Les autres partis d’opposition ont, eux aussi, réagi sèchement: „Macron entraîne la France et l’Europe dans une escalade guerrière terriblement dangereuse, il souffle sur les braises de la guerre“, pour Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a dénoncé „l’inquiétante légèreté présidentielle, qui au détour d’une conférence de presse se dit éventuellement prêt à engager la France comme nation cobelligérante dans cette guerre, ce qui serait une folie“.

Le président français revient de loin

Même sévérité à droite: „Cette déclaration lourde de terribles conséquences s’est faite sans le moindre débat parlementaire“, a déploré Eric Ciotti, président des Républicains. En fait, il devrait bien y avoir un tel débat avec vote, mais sur l’accord bilatéral de défense franco-ukrainien. Débat au cours duquel on peut, il est vrai, imaginer que les derniers propos du chef de l’Etat seront, eux aussi, mis en cause, comme cela a déjà été le cas hier lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron, dans ses sentiments à l’égard de Poutine, revient de loin. On a encore en mémoire ses longs appels téléphoniques au maître absolu du Kremlin, qu’il affectait de tutoyer, et son voyage tout aussi infructueux à Moscou où il avait été tenu à bonne distance par son hôte au bout d’une table interminable. Interrogé par des journalistes de retour en France, il refusait obstinément de le qualifier de „dictateur“. Et que dire de cette conférence annuelle des ambassadeurs français à Paris, en 2019, durant laquelle il avait exhorté ces derniers à développer partout dans le monde le dialogue avec leurs homologues russes, en vue d’un futur „partenariat stratégique avec la Russie“?

Certes, celle-ci n’avait pas encore lancé sa dernière tentative d’invasion de l’Ukraine, qu’elle avait cependant commencé à annexer en 2014. Mais le propos présidentiel avait déjà semé un profond désarroi dans le corps diplomatique français. Et la bombe lancée lundi soir par M. Macron, même si d’aucuns, non sans arrière-pensées, s’empressent de la sur-interpréter, ne devrait pas être de nature à améliorer son image – ni au Quai d’Orsay, ni, redoute ce dernier, sur la scène européenne.