Montag22. Dezember 2025

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Artistes entre Luxembourg et BerlinLisa Marie Janke: Trouver et cultiver les bons partenariats

Artistes entre Luxembourg et Berlin / Lisa Marie Janke: Trouver et cultiver les bons partenariats
Vit à Berlin depuis presque 20 ans: Lisa Marie Janke Photo: Mathias Bothor

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Actrice, comédienne de théâtre, voix, enseignante et nouvellement mère, Lisa Marie Janke prend un plaisir profond à mettre son corps, sa voix et sa créativité au service de la vision de partenaires qu’elle choisit avec soin, puis accompagne tout au long de leur parcours.

Lisa Marie Janke vit à Berlin depuis 2006. Après avoir grandi entre la campagne bavaroise et le Luxembourg d’où sa mère est originaire, elle fait ses études à l’école d’art dramatique de Bochum. Sa carrière commence avec l’ensemble du Hamburger Schauspielhaus et se poursuit par de nombreuses collaborations sur différentes pièces du Maxim Gorki Theater à Berlin, de la Münchner Kammerspiele, la Comédie de Reims et bien d’autres. On la connaît également pour ses rôles au cinéma („Die Mittagsfrau“), à la télévision et sur les plateformes, dans les séries qu’on ne présente plus: „Tatort“ (l’épisode „Dreams“, tourné à Munich), ou encore „4 Blocks“, qui se déroule à Berlin.

À Berlin, Lisa Marie Janke découvre une richesse artistique et intellectuelle qui influence et nourrit sa créativité: „La subculture était très forte, il y avait toutes ces petites galeries, tous ces endroits où vivre des expériences uniques. Il y avait aussi évidemment le Berliner Ensemble, la Schaubühne, la Volksbühne, que j’adore, qui a été longtemps mon théâtre préféré, à cause des personnes qui y travaillaient — en particulier René Pollesch ou Frank Castorf avec sa mise en scène de ‚Faust’. Ces pièces m’inspiraient de façon incroyable, tout comme les comédiens et comédiennes qui y participaient. Ils avaient tous une écriture personnelle dans le jeu qui me fascinait: Sophie Rois, Alexander Scheer ou Martin Wuttke … Il y avait également la danse, avec Meg Stuart, qui était très présent, et aujourd’hui Constanza Macras ou Florentina Holzinger. La Volksbühne reste un sommet pour moi. Berlin m’a offert un formidable spectre artistique. Et j’ai vite trouvé une communauté de personnes dont je partageais les intérêts.“

Collaboration avec Panhans et Winkler

L’une des relations artistiques les plus importantes de la carrière de Lisa Marie Janke est sa collaboration avec le duo d’artistes visuels Andrea Winkler et Stefan Panhans, dont les œuvres interdisciplinaires abordent de manière critique et poignante les répercussions des médias contemporains, de l’hyper-capitalisme et de la numérisation-robotisation sur notre monde, mais également sur nos corps, notre psyché et notre capacité à continuer de former société. Janke rencontre Panhans à Hambourg, lors d’un dîner chez des amis. À cette époque, l’artiste allemand est à la recherche d’un comédien pour interpréter le texte qu’il a écrit pour un projet de vidéo expérimentale, „Sieben bis zehn Millionen“. Désireuse de lui venir en aide, Janke fait passer le message à ses collègues masculins, mais tous refusent: „Le texte leur semblait trop long, trop compliqué.“ Janke adore l’idée derrière le film et propose alors à Panhans de jouer elle-même le rôle du personnage principal. „On voulait que j’ai l’apparence d’un vrai jeune mec. On a donc engagé une maquilleuse qui m’a fait une fausse barbe de trois jours. Aujourd’hui — heureusement! – la notion de genre est devenue beaucoup plus fluide, mais à l’époque … J’ai joué ce jeune type et Stefan était ravi.“

J’ai moi-même eu beaucoup de chance car je n’ai jamais travaillé avec des metteuses ou metteurs en scène qui ne m’ont pas respectée. Je n’ai jamais subi de comportements abusifs. Mais il y a des histoires terribles, au théâtre comme au cinéma, alors cela fait partie de ce que j’enseigne aux jeunes comédiens. Connaissez vos limites, sachez les faire respecter.

Lisa Marie Janke, actrice

C’est le début d’une longue et fructueuse collaboration. Suivront notamment les vidéos „Defender“, et plus récemment „Anima Overdrive“ et „Open Call“. À chaque fois, les vidéos contiennent des textes comme des coups de poing, mêlant philosophie, métaphysique, politique, critique, approche ironique, sens aigu du rythme et de la mélodie. „Stefan a toujours une idée très forte quant à la musicalité de son texte. On travaille toujours la prononciation de très près. Il aime faire un grand nombre de répétitions, avec une véritable exigence, un niveau de jeu, un rythme très soutenu. C’est très différent de la préparation habituelle au cinéma ou au théâtre. En tant qu’actrice, c’est très stimulant.“

Dans „Anima Overdrive“, un personnage aux mouvements robotiques, obsessionnels et répétitifs débite à toute vitesse sa gamme de services: „I deliver deliver. I deliver aaaaaalll your medicine right before you know you’re ill. (…)“ Critique acerbe et fascinante de l’hyper-capitalisme, le texte fait l’effet d’un mantra du marketing et des offres promotionnelles que réciterait en boucle une intelligence artificielle obsessionnelle compulsive, avec pour seule boussole les méandres des algorithmes. Une œuvre qui reflète nos angoisses, semble constituée de la matière de nos cauchemars, et permet en même temps de se sentir moins seuls face à une réalité dystopique.

Si Lisa Marie Janke prend un profond plaisir à incarner les textes aussi exigeants que ceux de Stefan Panhans, elle n’éprouve pas le besoin d’écrire elle-même. „Je me vois plutôt comme un médium en tant qu’actrice et j’aime bien ce rôle, être devant la caméra et incarner les textes des autres. J’aime interpréter leur vision et trouver mes personnages.“ Le fait qu’elle ne caresse pas l’idée de passer de l’autre côté de la caméra confirme qu’elle a trouvé les bonnes personnes avec lesquelles travailler, dans un renouvellement artistique et une inspiration constante. „Avec Stefan et Andrea on travaille presque chaque année ensemble et à chaque fois, c’est tellement inspirant que cela me porte pour longtemps ensuite. Travailler avec eux est comme un îlot créatif pour moi — de même qu’avec Liss Scholtes dans la pièce ‚Und jetzt: Die Welt!’ de Sibylle Berg au Théâtre National de Luxembourg fin 2023. Si on trouve ses partenaires, on a toujours le désir que la collaboration continue. Je comprends maintenant que Christian Petzold, par exemple, travaille avec Nina Hoss ou Paula Beer sur quantité de films. Car si on rencontre une personne avec qui partager sa vision et établir un vrai rapport de confiance, c’est fantastique. Ça aide énormément.“

Transmettre et enseigner

En plus de son métier d’actrice, Lisa Marie Janke est une voix, notamment dans le doublage de films, et depuis fin 2023 elle enseigne à la BIMM University à Berlin. Une nouvelle corde à son arc qui vient compléter sa palette de talents quant aux arts de la scène et du drame. „Les castings en ligne se sont multipliés lors du corona. J’en ai moi-même passé beaucoup, et j’ai obtenu quelques rôles ainsi. Je me suis donc dit que c’était un sujet que je voudrais enseigner, mais c’était une expérience pour moi aussi, car j’ignorais si je serais une bonne enseignante. Mes étudiants apprennent à être leur propre réalisateur ou réalisatrice, à choisir les costumes qu’ils vont porter, l’angle et la distance à laquelle ils installent la caméra, choisissent la lumière, la valeur de plan. Cela me satisfait profondément que de les voir gagner en confiance à chaque monologue ou chaque enregistrement. Travailler et essayer différentes méthodes avec ces jeunes comédiennes et comédiens m’a permis de beaucoup apprendre moi-même.“

Série

Cet article fait partie de la série „Artistes entre Luxembourg et Berlin“ dans laquelle notre correspondante Amélie Vrla présente des artistes luxembourgeois-es vivant à Berlin.

Janke met également un point d’honneur à aborder avec ses étudiants les notions essentielles à l’établissement de rapports sains et sûrs entre les différentes personnes du métier. „J’ai moi-même eu beaucoup de chance, car je n’ai jamais travaillé avec des metteuses ou metteurs en scène qui ne m’ont pas respectée. Je n’ai jamais subi de comportements abusifs. Mais il y a des histoires terribles, au théâtre comme au cinéma, alors cela fait partie de ce que j’enseigne aux jeunes comédiens. Connaissez-vos limites, sachez les faire respecter. C’est fondamental, dans notre métier, étant donné qu’on travaille avec les émotions. Une émotion, ce n’est pas calculable. Chacun crie ou pleure de façon différente, mais on se met dans un état de vulnérabilité. Et il faut donc savoir se protéger, apprendre à le faire. Les jeunes personnes y sont très réceptives, j’ai l’impression qu’elles ont déjà tout ce qu’il faut pour pouvoir le faire: il y a une conscience de la nouvelle génération face à tout ça. Et c’est tant mieux!“