Sonntag21. Dezember 2025

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Chroniques musicalesLes nouveaux disques de Yasmine Hamdan et Iman Europe dans le test

Chroniques musicales / Les nouveaux disques de Yasmine Hamdan et Iman Europe dans le test
    Quellen: yasminehamdan.bandcamp.com, music.apple.com 

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Le mois touche à sa fin, mais la musique continue: les nouveaux albums de Yasmine Hamdan et Iman Europe dans le test.

Yasmine Hamdan – „I Remember I Forget“

Yasmine Hamdan naît en 1976 à Beyrouth, à peine un an après que la guerre civile a fissuré son pays. Son enfance se déploie en éclats, entre Golfe et Grèce, avant un retour au Liban en 1990, dans une ville encore grisée de ruines. À la fin de la décennie, elle fonde avec Zeid Hamdan Soapkills, une pierre angulaire de l’électro libanaise. Sa voix franchit alors les frontières; elle invente un idiome singulier, où l’arabe se frotte à la fois au synthétique et aux miroitements de la guitare.

Collaboration avec Jim Jarmusch, détours par Paris, Londres ou Beyrouth, l’artiste revient en 2025 avec „I Remember I Forget“ après trop de temps d’absence. Co-produit avec Marc Collin, fondateur et producteur de Nouvelle Vague, le projet qui reprend des classiques post-punk en version bossa nova avec des chanteuses, Yasmine Hamdan franchit un nouveau seuil.

Rating: 8/10
Rating: 8/10 Quelle: yasminehamdan.bandcamp.com 

Écrit entre Paris et Beyrouth, l’album se dresse comme une image de l’exil et de la mémoire, traversée par les secousses de l’histoire récente. „Hon“, écrit avec le poète palestinien Anas Alaili, ouvre le disque dans l’écho du port de Beyrouth détruit, ses paroles lacérées, qu’il faut traduire („Un pays minuscule/Avec une blessure béante“) résonnant désormais au rythme des tragédies de Gaza. „Shmaali“ revisite une tarweeda palestinienne, ces berceuses codées qui, autrefois, trompaient les gardiens d’occupation. „Vowse“ commence comme une ballade avant de s’enfoncer dans une nuit de percussions sourdes, là où „The Beautiful Losers“, composé avec Omar Harb, est un chant résigné („Tout est pourri/L’espoir est paralysé“). „Shadia“ convoque l’ombre de la chanteuse tunisienne Habiba Msika et les pulsations nubiennes soudanaises, alors que „Mor“ est comme suspendu par un beat aléatoire et des synthés sombres, comme si la mémoire se dissolvait dans la poussière.

Les compositions font toujours le grand écart entre deux rives, l’ancien et le moderne, mais aussi l’intime et le politique. Quant aux chansons, elles sont peuplées d’absences, mais elles se tiennent comme un refus du silence. „I Remember I Forget“ se souvient tout en s’arrachant à la mémoire pour inventer un présent habitable.


Iman Europe – „Chrysalis“

Depuis près d’une décennie, Iman Europe avance avec une constance discrète. Rappeuse et chanteuse soul à parts égales, elle cultive un style hybride qui ne tranche pas entre la mélodie et le flow. En 2015 déjà, sa mixtape „Caterpillar“ formulait le programme; elle s’y déclarait chenille, à travers la fragilité avant l’envol. Sur „Chrysalis“, son nouveau disque façonné avec le producteur Kaelin Ellis, ce fil rouge se déploie en quinze titres assez courts, comme autant de vignettes qui reflètent ce passage d’un état à un autre.

Rating: 7/10
Rating: 7/10 Quelle: music.apple.com

Entre le rap et la soul, il y a un espace flottant où l’efficacité pop épouse la lenteur des atmosphères. Par-delà les nappes éthérées, sa voix occupe le premier plan, doublée d’harmonies en lévitation qui amplifient son introspection. „Come and Get Me“, en duo avec Rexx Life Raj, choisit l’énergie, via un R&B où il est question, entre (ou sur) les lignes, d’amour numérique et de l’instantanéité des désirs. Mais même dans ce registre plus direct, l’ambiance reste flottante, comme ralentie par une gravité intérieure. Dans „Breaking Everyday“, c’est de son cœur dont elle parle, sur de la soul gorgée de cliquetis de synthés; Europe y affronte ses propres failles en les exorcisant. Sur „Closer“, mid-tempo R&B baigné de synthés oniriques, la basse palpite doucement, les percussions caressent, mais c’est toujours la voix qui guide, couches de velours qui se rapprochent peu à peu de la lumière sans se brûler. „Surrender“, une belle rencontre avec Iman Omari, repose sur des percussions poum-tchak et un groove ambient; leurs voix s’entrelacent. Et puis „Magic“ bifurque vers un reggae-ragga ample: la chrysalide s’ouvre ici d’un coup sec, comme si l’envol était soudain irrépressible.

„Chrysalis“ est un album de R&B atmosphérique autant qu’un disque de passage, dans lequel chaque morceau figure une étape de transformation. Iman Europe continue d’y cultiver une double identité, sur le fil, à mi-chemin entre la rappeuse soul et la chanteuse imprégnée tant de rythme que de blues. Elle épouse le rythme de la métamorphose elle-même, par ce déroulé lent et progressif, comme une chenille qui, au creux du cocon, prépare en secret le moment de se déplier en ailes.