FranceLes faits divers interethniques s’aggravent à la veille du débat sur l’immigration

France / Les faits divers interethniques s’aggravent à la veille du débat sur l’immigration
Des membres du club de rugby du RC Romans-Péage rendent hommage à Thomas Photo: AFP/Olivier Chassignole

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Alors que s’ouvre aujourd’hui à l’Assemblée nationale l’examen du projet de loi gouvernemental tendant à réformer la législation sur l’immigration, l’opinion française est confrontée à des faits divers croisés qui alimentent les passions et le discours des extrémistes des deux bords.

„Il y a aujourd’hui deux France qui vivent côte à côte, et si nous n’y prenons garde, bientôt elles vivront face à face!“ Cet avertissement prémonitoire, c’est Gérard Collomb, ancien maire socialiste de Lyon puis premier ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, qui l’avait lancé lors de sa démission en décembre 2018. Les hasards de l’existence font que Gérard Collomb est mort ce week-end des suites d’un cancer, sa mémoire étant largement saluée par la classe politique française, au moment où sa sombre prophétie semble connaître un début de réalisation. Et cela à travers deux faits divers d’importance inégale, mais représentatifs l’un et l’autre, chacun à sa manière, des tensions qui se manifestent d’une manière croissante au sein de la population de l’Hexagone.

Le premier, qui a été enregistré sur un téléphone portable et donc très largement diffusé à la télévision et sur les réseaux sociaux, met aux prises, le 17 novembre dernier, un septuagénaire manifestement irascible et un jardinier de 29 ans, dont la camionnette obstrue la sortie de son jardin et qui – sans doute pour peu de temps, mais la vidéo ne permet pas d’en évaluer précisément la durée – se refuse à la dégager. Le vieux monsieur s’énerve et l’altercation dégénère: il traite son gêneur, de type maghrébin et qui finissait son travail semble-t-il, de „bougnoule“, lui demande de „rentrer chez lui“, et finit par aller chercher dans sa propre voiture un cutter avec lequel il va lui infliger à la gorge une coupure d’une dizaine de centimètres, qui aurait évidemment pu être très grave. Après intervention de la police, l’agresseur, maîtrisé, comparaîtra devant un juge au printemps prochain.

Seconde affaire, deux jours plus tard: à Crépol, petit village de la Drôme, dans le Sud-Est de la France, qui ne compte guère plus de 500 habitants. Un adolescent de 16 ans, le jeune Thomas, connu pour sa passion du rugby, est poignardé à mort lors d’une fête, en principe privée, par une bande de voyous, qui étaient venus en voiture, armés de couteaux, de la ville de Romans, distante d’une vingtaine de kilomètres. D’autres adolescents sont grièvement blessés, deux d’entre eux luttant toujours contre la mort dans un hôpital voisin. Les obsèques de Thomas, devenu bien malgré lui une sorte de héros national posthume, réuniront une foule considérable mais dignement silencieuse, après une „marche blanche“ qui l’était aussi.

Les prénoms tenus secrets …

Entre-temps, l’enquête va aller bon train. Neuf participants à cette équipée meurtrière sont arrêtés, tous sont mis en examen au terme de leur garde à vue, six d’entre eux étant aussitôt placés en détention provisoire. Au dernier conseil des ministres, celui de l’Intérieur, Gérald Darmanin, indique à ses collègues que „tous sont français, mais aucun n’a de prénom français.“ Les médias devront se contenter de cette indication encore vague (et d’ailleurs due à une fuite), car le parquet interdit la publication de l’état civil des agresseurs. Il faudra attendre le Journal du Dimanche pour connaître la liste de ces fameux prénoms que la justice veut tenir secrets, dont ceux d’Ilyes, Chaïd, Yasir, Fayçal, Kouider, „pour ne pas jeter d’huile sur le feu.“ Noble souci, mais terrible aveu.

Certains, en général à la droite de la droite, assurent même que les jeunes meurtriers avaient assuré autour d’eux, avant leur passage à l’acte, qu’ils se rendaient à cette fête de Crépol pour „casser du blanc.“ Il n’en aura évidemment pas fallu davantage pour qu’une petite manifestation, d’extrême droite d’après ses slogans (environ 80 personnes), ait lieu dans la cité de Romans où vivaient les assaillants. Manifestation aussitôt dispersée par les forces de l’ordre, qui ont interpellé une vingtaine de personnes, et au cours de laquelle un participant a été roué de coups par des individus non identifiés. On en est là …

Politiquement, l’extrême gauche s’est évidemment saisie de la première affaire – M. Mélenchon n’hésitant pas à y voir une „tentative d’égorgement arabophobe“, trop heureux de pouvoir inverser l’image traditionnelle de ce genre de crime – et la droite et l’extrême droite de la seconde, dans laquelle elles ne se privent pas de trouver un nouvel argument contre le projet de loi gouvernemental sur la réforme de l’immigration, dont l’examen en commission commence ce lundi à l’Assemblée nationale, dans un climat passionnel qui pouvait difficilement être pire.