A Matignon, on laissait entendre hier qu’il ne fallait pas s’attendre à des annonces concrètes et immédiates – la loi de finances ne viendra normalement devant le Parlement qu’à l’automne – et que ce rendez-vous avait surtout pour ambition de sensibiliser les Français aux „pathologies budgétaires“ dont ils souffrent. Autrement dit exprimer en termes les plus froidement cliniques possibles une réalité dont les conséquences seront douloureuses, sans entrer encore dans le détail des potions amères qui les attendent.
On laisse cependant filtrer l’idée qu’il faudrait trouver 40, voire 50 milliards d’euros, entre accroissement des ressources de l’Etat et réduction de ses dépenses. L’accroissement des ressources s’opère en général par la hausse des impôts; mais Eric Lombard, le ministre des Finances, persiste à assurer qu’il n’y aura aucune augmentation de la fiscalité sur le revenu des personnes physiques. Au moins pour les revenus moyens, les plus modestes en étant déjà exemptés depuis longtemps.
Quant à la réduction de la dépense publique, l’exécutif cherche manifestement à préparer les Français qui pourraient être directement concernés, autrement dit les agents de l’Etat et assimilés, à des coupes budgétaires plus ou moins sévères selon les cas, dans les effectifs, les salaires et les budgets de fonctionnement. Mais le terrain sur lequel ces économies risquent d’être le plus douloureusement ressenties est celui des dépenses de Sécurité sociale, avec des déremboursements au moins partiels de médicaments et des modifications de durées de congés médicaux indemnisés. Sans parler du toujours lancinant problème des retraites …
Toujours l’affaire Bétharram
Encore sous le choc de ce que fut l’âpre bataille budgétaire de la fin de l’année 2024, M. Bayrou entend manifestement procéder par étapes puisque, à l’inverse de l’an dernier, le calendrier parlementaire lui en laisse normalement le temps. Mais c’est plutôt le déroulement de la vie politique telle qu’elle va, cahin-caha, depuis la dissolution de juin dernier, qui risque de venir bouleverser ses plans. Car après la relative accalmie du début d’année, les nuages s’amoncellent sur lui.
Il y a d’abord, sur un plan au fond plus personnel que politique, mais fort embarrassant, cette affaire de Bétharram qu’il a si maladroitement géré et à propos de laquelle il doit s’expliquer jeudi après-midi devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Certes, nul ne l’accuse d’être directement responsable ou complice des violences et abus sexuels qui ont été commis jadis au sein de ce pensionnat religieux des Pyrénées-Atlantiques, département dont il fut président de l’assemblée locale avant que de devenir ministre de l’Education nationale.
Mais ces deux fonctions auraient dû le conduire à s’intéresser au scandale, et le pousser à y mettre un terme. D’autant plus que ses propres enfants y étudiaient et que son épouse y enseignait le catéchisme. Il a d’abord assuré qu’il n’était pas au courant à l’époque, puisqu’il n’était jamais intervenu pour protéger l’établissement; ce qui est faux pour le premier point, et probablement aussi pour le second. Ce scandale a certainement contribué à la baisse de sa popularité, qui stagne désormais à 27 pour cent, soit 11 points de perdus en un mois.
Un sentiment d’inaction
Encore cette mésaventure aurait-elle pu rester seulement anecdotique. Mais la dégradation de l’image de François Bayrou a aussi des causes plus profondes. Dans les premiers temps de son installation à Matignon, sa modération, son souci de consulter tout le monde, son refus des solutions tranchées, avaient été plutôt appréciés même hors du cercle de ses amis politiques. On parlait avec un certain respect de la „méthode Bayrou“, qui tranchait agréablement avec l’agitation parfois forcenée qui marquait depuis des mois, jusque sur les bancs de l’Assemblée, cette période pleine de bruit et de fureur.
Mais le temps a passé, et ce qui était au début un apaisement plutôt bienvenu est devenu un sentiment d’inaction, de paralysie, d’incapacité à agir. Même dans le „bloc central“ soutenant en principe le premier ministre, on a commencé à trouver le temps long, et à s’affliger de moins en moins discrètement de l’absence de projets de loi, d’avancées, de réformes. Oubliant d’ailleurs au passage que compte tenu de la composition actuelle du Palais-Bourbon, toute initiative gouvernementale était sans doute condamnée d’avance. A quoi il faut sans doute ajouter deux difficultés supplémentaires pour François Bayrou.
La première est que le président Macron, mis sur la touche par sa propre maladresse stratégique avec la dissolution, s’efforce aujourd’hui de se réimposer au milieu de la scène, diplomatique pour l’instant, fût-ce avec des succès inégaux comme on le voit avec l’Algérie. La seconde est que plusieurs grands partis sont en pleine préparation de leur congrès, ce qui ne porte pas leurs dirigeants à l’indulgence vis-à-vis du gouvernement. Que ce soit au PS ou Olivier Faure voit sa reconduction comme premier secrétaire menacée; chez LR, où Laurent Wauquiez est en difficulté pour la présidence du parti face au ministre Bruno Retailleau, et pilonne donc le gouvernement; ou encore chez les Verts, où la contestation interne monte aussi face à Marine Tondelier. Sans parler du RN où l’on recommence à évoquer le spectre d’une motion de censure, que LFI voterait sûrement. Et qui d’autre? C’est la question qui hante Matignon.
De Maart
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