30. Dezember 2025 - 16.54 Uhr
Akt.: 30. Dezember 2025 - 17.16 Uhr
MusiqueLes albums Pop de l’année 2025
Erika de Casier – „Lifetime“
Quelque chose s’est déréglé, imperceptiblement d’abord, puis avec fracas: l’an 2000 est arrivé comme une frontière instable, emportant avec lui une idée du futur, celui que les années 1990 imaginaient encore possible. Depuis, l’horizon s’est pixelisé. Hyperconnexion rime avec saturation. Face à ce vertige et ce chaos, il y aurait comme le désir de revenir à un moment suspendu, juste avant la bascule. „Lifetime“, le deuxième album d’Erika de Casier, est, quelque part, cette capsule sonore, à la fois un refuge de calme et une fiction rétrofuturiste sans l’air d’y toucher. En onze morceaux, la Dano-portugaise réactive les textures sensuelles et digitales des nineties, entre trip-hop vaporeux, R&B élégant et soul synthétique. L’héritage est là, comme si c’était hier, de Sade à Janet Jackson en passant par Massive Attack, mais il est recomposé dans une esthétique de chambre loin du boucan. Les rythmiques boom-bap claquent doucement sous des nappes ralenties et planantes; les mélodies s’étirent comme si le temps même hésitait à passer. Une brève flûte synthétique renvoie à Enigma sur „December“, un hennissement spectral perce sur „Delusional“. Le tempo traîne, la voix rassure et s’efface dans l’écho, jusqu’à ce que sur le super „Two Thieves“ les BPM cessent de battre jusqu’à l’arrêt cardiaque. Sur la pochette, Erika de Casier est allongée sur un lit, apaisée, alors qu’à la fenêtre les nuages enveloppent, c’est un image-miroir de sa musique: un cocon en lévitation. „Lifetime“ ne cherche pas tant à ressusciter une époque engloutie qu’à en exhumer le climat et, en 2025 autant qu’en 1995, c’est le meilleur qui soit.

Destroyer – „Dan’s Boogie“
Il fallait attendre 2025 pour que Dan Bejar livre son meilleur album, et pourtant il en a signé des belles chansons, à l’instar de „Song for America“, même si, par ci par là, l’excès de saxophone façon Roxy Music ou „Careless Whisper“ pouvait gaver certaines oreilles. Sur „Dan’s Boogie“, Bejar ressemble à un autre Dan, Treacy, de Television Personalities, car parfois il chante aussi mal que lui, mais qu’il le fait très bien, en fait tellement que ça en est bouleversant. Sur le magnifique „Hydroplaning Off the Edge of the World“, les choeurs accompagnent son timbre qui tangue; dans le tout aussi splendide „Bologna“, Fiver est là pour aider sa voix à marcher. Pour le reste: éclats de jazz et cordes, baroque et bricolo, le disque est une espèce d’élégie pop désordonnée et soignée, où la chanson-titre déplie un rêve lucide joué par des cuivres étincelants et des nappes brumeuses alors que „Cataract Time“ se déploie sur huit minutes de musique de bord de falaise, là où, quand tout se fissure, la beauté finalement l’emporte.

Debby Friday – „The Starrr of the Queen of Life“
Autodidacte, Debby Friday a sculpté sa musique entre Lagos, Toronto, Montréal et Londres. Ex-DJ devenue productrice, elle transpose sur disque une énergie de club sublimée par l’instinct et le contrôle. Si „The Starrr of the Queen of Life“ est un bloc pulsatile, varié mais pas fourre-tout sans raccords, c’est aussi une mécanique extatique où chaque beat est exalté. Mais encore? Il s’agit d’un disque qui danse et où la noirceur affleure sous un chant altier et habité. „Lipsync“ engloutit les tympans, hymne dark, martial et synthétique, et le mélancolique „Alberta“ aussi, tout comme le spleen d’„Arcadia“ avec ses vers murmurés en français – „je suis le fruit de votre imagination“ – pendant que „Bet On Me“ fait dans la drum and bass galopante et „Darker The Better“ dans le post-punk à même le titre. En 1992, Robert Smith chantait: „Friday I’m love“; il en va de même pour qui écoute „The Starrr of the Queen of Life“.

De Maart

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