25. Dezember 2025 - 10.52 Uhr
Akt.: 25. Dezember 2025 - 10.55 Uhr
CinémaLes 30 ans de Tarantula: Entretien avec un producteur d’émotions
ls sont les artisans de succès internationaux. Sans eux pas de „La Cache“ (Lionel Baier, 2025), pas de „Io Capitano“ (Matteo Garrone, 2023). En amont, deux hommes de l’ombre: Donato Rotunno, fondateur & CEO de Tarantula Luxembourg, et Joseph Roeschop, producteur Tarantula Belgique, réunis sous une bannière commune. Tarantula voit le jour en 1995.
Depuis, le duo enthousiaste de la boîte dont le logo représente une tarentule (signe des origines italiennes de Donato Rotunno) contribue au dynamisme de la production audiovisuelle avec des films comme „Nue Propriété“ de Joachim Lafosse, „Mobile Home“ de François Pirot, films co-produits par les deux sociétés, mais aussi „Frères d’Exil“ d’Yilmaz Arslan (Léopard d’argent à Locarno en 2005), co-produit par Tarantula Luxembourg, et bien d’autres encore.
Diplômé en études cinématographiques de l’IAD, en Belgique, il vient du court-métrage, travaille dans une logique artisanale et mise sur des films d’auteur et populaires. Son premier travail pour le cinéma, Donato Rotunno l’exerça comme assistant-réalisateur et régisseur de longs-métrages. Il se lance ensuite dans ce qui deviendra son métier pour de bon: la production. En 30 ans, Donato Rotunno a vu toute l’industrie audiovisuelle luxembourgeoise naître et évoluer. Son entreprise apporte un vent de nouveauté dans le paysage encore balbutiant de la construction de ce qui allait devenir un secteur audiovisuel „quand même important et reconnu au niveau international“.
Tageblatt: Tarantula est née dans quel contexte audiovisuel au Luxembourg?
Donato Rotunno: Quelques boîtes de production dont Samsa Film (qui fête ses 40 ans l’année prochaine) tâtaient déjà le terrain, composaient les choses. On s’est un peu inscrits dans cette continuité et on a fait partie, probablement, des premières boîtes qui ont pu profiter d’une institution qui était en train de se créer: le Film Fund l’équivalent du CNC (Centre national du Cinéma et de l’Image animée, en France) qui fête ses 35 ans cette année. Cet environnement était très nouveau, très frais. On s’était jetés dans l’aventure de façon énergétique. On n’avait pas d’argent, pas de connaissances du secteur a priori. Je venais d’accomplir trois ou quatre ans de premier assistant sur des longs-métrages, mais la production en tant que telle, c’était quelque chose de tout à fait nouveau pour moi. Nous sommes entrés dans une nébuleuse artistique qui aimait le cinéma. Un grand nombre de cinéphiles avaient envie de raconter des histoires à travers ce média-là. C’était une autre époque. On a créé cinq boîtes de production à travers l’Europe sur trois décennies. Deux continuent à grandir: Tarantula Belgique et Tarantula Luxembourg avec l’idée de mettre en commun nos productions. On a produit ensemble plus de 180 longs-métrages. Depuis 30 ans, nous avons un nom qui existe dans le milieu du cinéma indépendant européen.
En 30 ans, le métier de producteur a forcément changé.
L’ensemble du secteur a évolué au niveau européen. Il s’est professionnalisé. Il a été accompagné par des partenaires et des institutions officielles au niveau régional, national, européen, avec la naissance d’Eurimages, des programmes médias, de l’accompagnement de certains programmes de la Commission européenne. On a vu un secteur culturel qui s’est organisé et qui s’est financé par toutes sortes d’outils: des subsides aux avances sur recettes en passant par les crédits d’impôts, les avances sur coproductions avec les télés. Tout cela s’est organisé de façon très rapide. 30 ans, ce n’est pas beaucoup. Deux générations ont mis vraiment tout en œuvre pour que la culture cinématographique ait une vraie place dans l’esprit et le débat sociétal.

Quelle est la première qualité d’un bon producteur? Trouver l’argent?
Un des premiers challenges d’un producteur, c’est de trouver une histoire qui vaut la peine d’être racontée parce que tout commence par là. Des histoires, il y en a beaucoup. Certes, on ne réinvente pas la roue. Mais ce qui me motive quand je lis un scénario et que je rencontre une ou un réalisateur, c’est de comprendre quelle est la raison fondamentale pour laquelle cette œuvre doit exister. Quelle est la motivation profonde de parler de ce sujet sous cette forme-là, à ce public-là. Et retrouver ces réponses-là, dans un scénario, c’est le point de départ absolu de l’envie de faire du cinéma. Mais effectivement, on a un tout petit territoire, on n’a pas de télé, on n’a pas de région, on n’a pas de crédit d’impôt. Au Luxembourg, heureusement nous avons le Film Fund qui est en charge de l’attribution des fonds publics à notre secteur mais nous n’avons que cela comme source de financement.
Le Film Fund est suspecté de favoritisme dans l’attribution des aides et de mauvaise gestion. Son image est-elle ternie?
Si le Film Fund ne se portait pas si bien que ça, on n’aurait pas voté un budget de 180 millions il y a quelques semaines à la Chambre des députés, budget qui est attribué au Film Fund sur les quatre prochaines années. Je n’ai pas de point de vue juridique à porter sur les rapports de force entre la direction du Film Fund et certains producteurs. Il faudrait connaître tous les détails, que je n’ai pas. Qu’il y ait des gens qui soient mécontents des résultats et des soutiens, cette situation existe partout, que ce soit en Belgique, en France, en Allemagne. Quand on a l’argent, on est content et on trouve que tout est formidable. Quand on n’est pas soutenu, on trouve que c’est pourri. Alors moi, je n’ai pas de soutien automatique. A chaque fois, il faut se battre pour que le projet passe ou pas. Et parfois, il ne passe pas. C’est le jeu.
Le cinéma n’est pas un but en soi. Il est un outil, un vecteur d’émotions et de réflexion pour mener le débat, pour éduquer, se divertir, chercher à comprendre le monde, avoir la curiosité de l’autre et de soi-même.
Quel est votre premier souvenir de cinéma?
Je suis un grand cinéphile. J’ai appris le cinéma en allant le dimanche matin à 14 heures, après la messe, tout seul avec mon cousin, voir les films de l’époque: „La Grande Vadrouille“ ou „La bataille de Midway“. On regardait tout ce qui passait en salle. „Le voleur de bicyclette“ est LE film de référence, pour moi. On y trouve tout ce qui accompagne la vie: l’amour paternel, le besoin de survie, l’honnêteté, la trahison de soi, la valeur de l’être humain par rapport à la société … Ces valeurs-là résument très bien le genre de cinéma que j’aime à chaque fois qu’on produit un film. Le cinéma n’est pas un but en soi. Il est un outil, un vecteur d’émotions et de réflexion pour mener le débat, pour éduquer, se divertir, chercher à comprendre le monde, avoir la curiosité de l’autre et de soi-même. Le but, c’est que le cinéma puisse faire quelque chose avec l’œuvre qu’elle porte en elle.
Vous portez aussi la casquette de réalisateur. Quels sont vos projets?
J’ai effectivement le plaisir de faire ma propre psychanalyse à travers mes propres films. Cela étant, je fais surtout un cinéma populaire, accessible et de partage. L’année dernière, j’ai sorti „La Fourchette à gauche“ sur les traces de mon italianité à Luxembourg et sur des questions politiques qui agitent la société. Je viens de terminer un autre documentaire: „L’Europe: la bataille des sièges“. Une avant-première sera projetée le 9 mai 2026 en ciné-concert à la Philharmonie du Luxembourg, autour des 70 ans de construction européenne. Pourquoi a-t-on oublié de décider où était la capitale européenne? Louis Michel, Jean-Claude Juncker et Catherine Trautmann nous racontent des anecdotes croustillantes sur la „guerre“ entre Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg. Par ailleurs, plusieurs longs-métrages seront en compétition dans les premiers festivals de l’année 2026. Deux films vont aussi être présentés au Luxembourg City Film Festival. On a réalisé „Projecto Global“ d’Ivo Ferreira et la série en même temps. Le film sortira le 25 avril 2026.
De Maart
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