Ce retrait était dans l’air depuis le dernier coup d’État à Bamako, et était devenu une quasi-certitude depuis un mois (voir Tageblatt du 17 janvier), les relations entre Paris et la junte malienne, qui avait notamment décidé d’expulser l’ambassadeur de France, passant de mauvaises à exécrables. Et M. Macron était notoirement exaspéré par le climat d’hostilité entretenu pas les militaires putschistes de Bamako, lesquels s’étaient empressés d’oublier que c’étaient leurs prédécesseurs maliens qui avaient appelé la France au secours en 2013.
Mais le président français a su gérer le divorce avec une certaine habileté. Il a en effet attendu que le sommet euro-africain de Bruxelles, qui s’est tenu hier après-midi à Bruxelles dans la foulée de la réunion parisienne du matin, rapproche de la capitale française des chefs d’État africains dont la présence à ses côtés allait donner à sa déclaration une tout autre dimension qu’un simple communiqué franco-français; et cela d’autant plus que le président du Conseil européen, l’ancien premier ministre belge Charles Michel, était également présent.
C’est en effet flanqué, outre de ce dernier, des présidents du Sénégal, Macky Sall, et du Ghana, Nana Akufo-Addo, qu’Emmanuel Macron a tenu hier matin sa conférence de presse élyséenne. Or le chef de l’Etat sénégalais préside aussi, actuellement, l’Union africaine, et son collègue ghanéen, la Cédéao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Deux organisations internationales majeures en Afrique qui avaient d’ailleurs condamné le coup d’État au Mali. „Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés“, a martelé M. Macron. Ajoutant: „La lutte contre le terrorisme ne doit pas, sous prétexte d’être une priorité absolue, se transformer en exercice de conservation indéfinie du pouvoir.“
Le rôle des Russes
Allusion au report de cinq années des élections d’abord promises pour janvier, et surtout à l’appel fait aux milices privées russes des groupes Wagner, connus pour leur férocité et leur pillage méthodique des ressources locales, deux caractéristiques qui se sont abondamment manifestées depuis leur engagement en Syrie et en Libye, et dont la tâche unique pour laquelle ils sont rémunérés par Bamako (10 millions de dollars par mois, dit-on) est d’assurer la sécurité des putschistes.
Le Renseignement français sur place est d’ailleurs convaincu que la propagande russe a joué un rôle très actif dans le revirement de l’opinion publique du Mali à l’égard de la France. Encore cette propagande, basée notamment sur un usage immodéré d’„informations“ invraisemblablement mensongères, n’aurait-elle pas trouvé un tel écho s’il n’y avait eu au Mali, comme dans les autres pays impliqués directement par les opérations militaires (Burkina, Tchad, Niger), une lassitude désormais extrême à l’égard de leur durée, et de ce qui était perçu comme leur manque de résultats concrets pour la population. La „dezinformatziya“ russe, pour réelle qu’elle soit, n’explique sans doute pas tout.
Tel qu’il a été évoqué hier à Paris, le retrait, concrètement, sera méthodique et coordonné … mais va donc prendre du temps. Non que ni la France ni ses alliés aient envie de s’éterniser dans un pays qui ne veut plus d’eux; mais le démontage d’un certain nombre d’installations, dont les bases de Gossi, Ménaka et Gao, après celles de Kidal, Tessalit et Tombouctou fermées en 2021, ne saurait s’effectuer en un clin d’œil. D’autant plus qu’il s’agira d’en établir d’autres ailleurs, et de les sécuriser.
Et maintenant?
Même remarque pour l’évacuation de milliers d’hommes vers d’autres zones d’activités de Barkhane. Ce qui aura d’ailleurs pour conséquence de priver le Mali de toute protection contre les raids, pillages et massacres djihadistes, et les troupes de Bamako de tout appui aérien si elles vont elles-mêmes au contact. Ce que l’on fait valoir à Paris sans joie mauvaise, tout au contraire, car on y mesure qu’un Mali partagé entre l’islamisme et les milices russes sera tout sauf indépendant, contrairement à ce qu’affirme la junte militaire, et deviendra un danger pour ses voisins.
Une autre ambition du redéploiement franco-européen est de protéger davantage la zone du golfe de Guinée. Les djihadistes ont manifestement l’intention de s’y établir solidement. Non pour y tenir un accès à la mer, dont une armée sans marine n’a que faire, mais pour y faire main basse sur le trafic de drogue qui aborde le continent noir par cette région, et qui pourrait procurer au terrorisme islamiste d’importantes ressources supplémentaires.
A ce repli militaire raisonnable mais sans gloire, comment vont réagir les électeurs français, à quelque 50 jours du premier tour de la présidentielle? Emmanuel Macron a pris soin de récuser tout échec français au Mali, où, a-t-il dit, „nous avons évité le pire“. L’homme de l’Elysée, qui est aussi, constitutionnellement, le chef des armées, s’est ingénié à présenter les choses avec un habile accent de vérité, et les premières déclarations des candidats à la présidentielles sont partagées. Mais au-delà, beaucoup de citoyens de base se souviendront sans doute avec tristesse, et certains avec colère, que sur les 53 soldats français tombés au Sahel depuis 2013, 48 sont morts en protégeant le Mali.
De Maart
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