6. November 2025 - 19.01 Uhr
FranceLe musée du Louvre dans le viseur de la Cour des comptes
On a „privilégié des opérations visibles et attractives au détriment de l’entretien et de la rénovation des bâtiments et des installations techniques, notamment de sûreté et de sécurité“, peut-on lire dans ce rapport. Et le vol de joyaux de la Couronne réalisé le 19 octobre pour un montant estimé à 88 millions d’euros „est, à n’en pas douter, un signal d’alarme assourdissant“, a déclaré le premier président de la Cour, l’ancien ministre socialiste de Finances Pierre Moscovici.
Plus précisément, la Cour des comptes déplore „un retard considérable dans le rythme des investissements“ face à une „dégradation accélérée“ du musée, qui a pourtant accueilli près de neuf millions de visiteurs en 2024. Elle constate, sur le terrain de la sécurité, „un retard persistant dans le déploiement d’équipements pour la protection des œuvres“, alors que „ces investissements sont pourtant indispensables pour assurer un fonctionnement pérenne de l’institution“.
Et M. Moscovici d’insister: „La priorité des priorités, aujourd’hui, doit être la rénovation du musée, la modernisation de ses infrastructures en matière d’incendie, en matière de sécurité, en matière de sûreté. Le Louvre mérite cela“, comme l’avait en particulier montré, ajoute la Cour des comptes, un audit de sécurité réalisé de 2015 à 2017 sans être suivi d’effet. La direction du Louvre a dit hier „accepter la plupart des recommandations“ de la Cour, tout en estimant que „son rapport méconnaît plusieurs de ses actions en faveur du renforcement de la sécurité“. Et de relativiser: „La gestion du musée le plus grand et le plus visité du monde ne peut faire l’objet d’un jugement équilibré que si ce dernier se fonde sur le temps long.“
Idée intéressante, car elle a le mérite de renvoyer à une réflexion plus large que celle qui résulterait d’une simple approche comptable. A laquelle ce cambriolage, à la fois très simple mais très spectaculaire, a donné naissance: au fond, que veut-on faire de ce très précieux musée du Louvre? S’il ne s’agit que de persévérer dans l’être, en offrant à l’infini (ou plutôt de vendre, car l’entrée est couteuse) les mêmes prestations, ce qui ne serait certes déjà pas rien, il suffit – si l’on peut dire – d’affecter une plus grande part du budget à des mécanismes et des personnels de sécurité.
Des trésors que le public ne peut jamais admirer
Mais à l’évidence, les ambitions de la direction actuelle sont plus élevées: acquérir plus d’œuvres encore, et ouvrir plus de salles, voire une nouvelle aile entière (un projet que l’on dit soutenu avec ferveur par le président Macron) pour les exposer – sans parler de délocalisations partielles en province, comme à Abu-Dhabi. Entre 2018 et 2024, si le Louvre a ainsi mobilisé 26,7 millions d’euros pour des travaux d’entretien, il en a dépensé 105,4 millions pour de nouvelles acquisitions, constate encore la Cour des comptes.
Est-ce condamnable? Evidemment pas, même si le musée regorge déjà d’innombrables trésors que le grand public ne peut jamais admirer car ils dorment dans ses immenses réserves. Mais encore faut-il assurer la sécurité de l’ensemble sans cesse élargi, non pas seulement face aux cambrioleurs mais aussi face aux risques d’incendie ou autres détériorations. Des cambrioleurs dont, humiliation supplémentaire pour l’ancien palais des rois de France avant Versailles, l’enquête – qui progresse vite – montre qu’il s’agit bien davantage de petits malfrats que de nouveaux Arsène Lupin de stature internationale.
L’affaire du 19 octobre aura donc eu, malgré ses désolantes conséquences, le mérite d’obliger la France à réfléchir à ce qu’elle veut faire de son plus éclatant joyau muséal. Et aux moyens d’en proscrire plus efficacement l’accès aux voleurs, tout en l’ouvrant au contraire davantage à ces visiteurs venus du monde entier pour s’imprégner de splendeurs qui sont, elles aussi, bien loin d’être seulement françaises.
De Maart
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können