Pour la première fois depuis sa fondation officielle par Jean-Marie Le Pen en automne 1972, sous le nom de Front national, le mouvement n’aura donc plus désormais à sa tête, au moins formellement, un(e) Le Pen, puisque la fille du patriarche, Marine, a elle-même fait entériner son retrait avant-hier. Encore son jeune successeur n’est-il pas sans lien personnel avec le clan et son fondateur, puisqu’il partage la vie d’une petite-fille de ce dernier …
Du moins une page symbolique de l’histoire du courant aujourd’hui le plus important de l’extrême droite française s’est-elle tournée ce week-end. Et de manière indiscutable, puisque Jordan Bardella a obtenu 84,84 pour cent des suffrages des militants, contre 15,16 à son rival Louis Aliot, maire de l’importante cité méditerranéenne de Perpignan, et – on a toujours du mal quand même, chez les Le Pen, à quitter complètement l’orbite de la famille – ancien compagnon, lui, de … Marine Le Pen.
Un saut de génération
Mais cette élection ne visait évidemment pas à solder quelques affaires personnelles: son but était avant tout de marquer un saut de génération, et il a été largement atteint. Dans le profil du nouveau président du RN, tout aura compté en effet. A commencer par sa jeunesse, bien sûr, mais aussi le fait que ce n’est pas celle d’un fils de la bourgeoisie aisée. Il est né dans une famille issue de l’immigration, italienne et algérienne, du département de la Seine-Saint-Denis, dans la banlieue plutôt déshéritée de la capitale, a fait des études relativement limitées (avec tout de même une mention „très bien“ au baccalauréat), puis s’est consacré tout jeune encore à l’action politique, très à droite bien sûr.
En gravissant rapidement les échelons qui allaient le mener, en quelques années, à la présidence du RN, après avoir, à 23 ans, hissé son parti au premier rang lors des dernières élections européennes. Ces débuts flatteurs de self-made-man sorti du rang lui ont donné, dans l’esprit de beaucoup de militants du RN, et concurremment à son nationalisme exacerbé, l’image d’un leader du courant „social“ du lepénisme. Conformément à la nouvelle coloration dominante du parti, devenu de loin la première formation politique de l’Hexagone en termes de votes ouvriers et paysans.
Son élection de samedi, pour avoir été très large, n’est cependant pas allée sans une acerbe contestation interne. Non pas de la part de Louis Aliot, son rival malheureux, qui s’est incliné de bonne grâce et a d’ailleurs aussitôt été désigné comme premier vice-président. Ce sont deux autres personnalités importantes du RN qui ont suscité des remous: le maire d’Hénin-Beaumont, commune de 26.000 habitants du Pas-de-Calais, Steve Briois, et son compagnon, le député du même département Bruno Bilde, qui ont tous deux beaucoup aidé Mme Le Pen à s’installer électoralement dans la région.
Pas de vacances pour „Marine“
Ni l’un ni l’autre n’ont apprécié de ne se voir proposer que des postes plutôt modestes dans le nouvel organigramme du RN. M. Briois, en particulier, a publié un communiqué incendiaire dans lequel il se dit victime d’une „purge“, et ajoute: „Je regrette que des années de dédiabolisation soient en train d’être réduites à néant avec l’adoption de postures contraires au ,ni droite ni gauche‘ qui avait prévalu.“ On se demandait avant l’ouverture du congrès si celui-ci serait troublé par la toute récente „affaire de Fournas“ (voir Tageblatt du 5 novembre) qui avait tant ému l’Assemblée la semaine dernière, mais c’est donc finalement à cette mini-rébellion de deux élus majeurs du RN qu’est revenu ce rôle de trouble-fête.
Voici en tout cas le mouvement doté de nouvelles instances, et d’un président qui espère bien rajeunir – aussi – les militants, après l’avoir fait sans ménagement pour certains cadres, dont les deux protestataires. Cependant que „Marine“, évidemment très applaudie elle aussi, et qui a signifié sur le ton de la plaisanterie, mais en n’en pensant pas moins, qu’elle ne „se retirait pas pour partir en vacances“, va pouvoir se consacrer pleinement à la direction de son groupe au Palais-Bourbon.
Et aussi, cela semble de plus en plus évident, à sa prochaine campagne présidentielle. D’autant plus que court à nouveau à Paris la rumeur d’une possible dissolution de l’Assemblée par un Macron épuisé et découragé par la perpétuelle guérilla parlementaire auquel l’astreint l’absence d’une majorité absolue pour soutenir son gouvernement. Ce qui ouvrirait la porte à bien des scénarios possibles …
De Maart
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