Sonntag9. November 2025

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FranceLe gouvernement échappe à la censure, mais pas aux inquiétudes pour l’avenir

France / Le gouvernement échappe à la censure, mais pas aux inquiétudes pour l’avenir
Marine Le Pen et les élus RN ont surpris avec une spectaculaire volte-face de dernière minute  Photo: AFP/Julien de Rosa

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L’exécutif français a touché du doigt, avec ce triple scrutin parlementaire de lundi, l’absolu inconfort avec lequel il lui faut désormais naviguer entre les écueils. 

Comme on s’y attendait, aucune des trois motions de censure soumises lundi au vote des députés n’est parvenue à renverser le gouvernement d’Elisabeth Borne. Celle qui a remporté le plus de suffrages, celle de la Nupes soutenue au dernier moment par Marine Le Pen et l’ensemble des élus RN, n’a recueilli que 239 voix, alors que la majorité absolue requise pour obliger le gouvernement à démissionner était de 289.

L’arithmétique parlementaire, il est vrai, ne laissait guère de place au suspense à partir du moment où le groupe des Républicains avait, lui, clairement indiqué qu’il ne voterait pas la censure. Pour autant, ce scrutin aura été l’occasion d’une spectaculaire volte-face de dernière minute.

Mme Le Pen avait en effet multiplié, ces derniers jours, les déclarations, expliquant que comme la Nupes prétendait censurer le gouvernement pour des raisons contraires à celles du RN, il n’était pas question que ce dernier pût mêler ses bulletins à ceux des élus mélenchonistes et de leurs alliés. C’est en fait au cours d’une réunion du groupe lepéniste à huis-clos, lundi juste avant l’ouverture de la séance, qu’elle a demandé à ses troupes, tout compte fait, de voter la motion d’extrême gauche.

Ce qui fut fait sans broncher par les intéressés, sans doute convaincus par le raisonnement tactique de leur „patronne“. Mais le saisissement était visible sur tous les visages à gauche de l’hémicycle lorsqu’elle a annoncé cette décision à la tribune, en saluant, contre toute attente, les „termes acceptables“ utilisés par la Nupes pour tenter de renverser le gouvernement. Une décision qui n’annonce évidemment pas une alliance durable, ni surtout programmatique, entre les deux extrêmes de la vie publique française, mais relève à l’évidence d’un calcul.

Apparaître comme la seule vraie opposition

Un calcul où le bénéfice a semblé l’emporter largement sur le risque d’apparaître comme une girouette politique, prompte à faire ce qu’elle excluait un peu plus tôt et de manière catégorique. Et de créer dans l’esprit de ses supporters une certaine confusion, encore que de ce point de vue, le péril semble bien minime. „Nous ne construirons jamais de majorité avec le Rassemblement national, et nous ne voterons jamais de motion de censure d’extrême droite“, s’est d’ailleurs senti obligé d’affirmer aussitôt après le scrutin le président du groupe socialiste, Boris Vallaud.

Mais quel bénéfice, en échange? Celui, probablement fort et durable, d’apparaître comme la seule vraie force d’opposition à Emmanuel Macron, dans la mesure où les élus mélenchonistes, eux, se sont bien gardés de soutenir, le moment venu, la motion du RN, en vertu de leurs principes … et sans doute soucieux de dissiper toute ambiguïté pour l’avenir. Sans parler des députés LR qui, eux, n’ont même pas souhaité déposer de motion, et n’ont voté aucune des trois présentées par la Nupes et le RN.

A gauche, où l’on ne s’attendait pas à l’emporter, et où l’on se serait sans doute bien passé du soutien lepéniste, on s’est tout de même félicité du score de la motion de la Nupes, dans lequel on veut voir le signe de la fragilisation du pouvoir (qui ne change pourtant rien par rapport à l’effectif déjà connu des groupes). „Il n’aura manqué que 50 voix pour censurer le gouvernement, Macron et Borne sont plus faibles que jamais!“, s’est ainsi réjoui le député mélenchoniste Manuel Bompard.

Les prochains écueils

Une déclaration qui pourrait sembler paradoxale après que ledit gouvernement eut surmonté sans problème trois motions de censure le même jour; mais qui avait au moins le mérite de cerner à quoi, très exactement, tient sa survie. Laquelle est, il est vrai, protégée par la menace brandie par le chef de l’Etat, qui se disait récemment résolu à dissoudre l’Assemblée si le gouvernement était renversé, et à convoquer de nouvelles élections.

Reste que l’exécutif a touché du doigt, avec ce triple scrutin parlementaire de lundi, et même s’il s’en est sorti sans surprise, l’absolu inconfort avec lequel il lui faut désormais naviguer entre les écueils. On laisse déjà entrevoir de nouveaux usages budgétaires de l’article 49-3, qui susciteront très probablement autant de nouvelles motions de l’opposition. Et que se passera-t-il lorsque la faculté d’engager la responsabilité gouvernementale aura été épuisée, très vite puisqu’elle est unique par session en dehors des lois de finances – par exemple lors du débat et du vote sur la si controversée réforme du système des retraites? Ou sur un texte pour lequel les Républicains seraient tentés de voter eux aussi la censure?

Le problème étant que des législatives anticipées qui suivraient une dissolution ne donneraient pas nécessairement – c’est même un euphémisme, en l’état actuel de l’opinion – une nouvelle Assemblée disposant enfin d’une majorité homogène, quelle qu’elle soit.