Bien sûr, il y avait lundi soir à 20 heures beaucoup plus de Français rivés à leurs écrans de télévision – selon les statistiques officielles, quelque 13,5 millions – que de protestataires occupés à marteler, dans les rues de l’Hexagone, les casseroles et autres ustensiles de cuisine que les syndicats les avaient invités à arborer pour marquer par avance leur rejet des propos présidentiels, et leur souci d’assurer prioritairement le maintien de leur niveau de vie face à l’inflation alimentaire. Mais enfin, dès 20 heures 30, une fois conclu le discours élyséen et enregistrées les premières réactions, une chose était évidente: le miracle n’avait pas eu lieu.
Non que l’intervention de M. Macron ait été particulièrement mauvaise dans la forme. On y aura au contraire retrouvé ce qu’au fond il sait le mieux faire: parler. Mais cela ne suffit décidément plus, et comme devait le relever avec humour une des commentatrices chevronnées de la vie politique française, Arlette Chabot: „On se serait cru non le 17 avril, mais le 31 décembre, au moment des vœux de fin d’année.“ Tout à sa hâte de tourner la page d’une réforme dont il a tout de même reconnu qu’elle n’était „à l’évidence pas acceptée“, mais dont il a rappelé les raisons démographiques qui la justifiaient à ses yeux, les propos du locataire de l’Elysée rappelaient singulièrement, en effet, ceux que l’on entend invoquer à l’orée d’une nouvelle année, voire d’un nouveau mandat.
„La colère des Français“
Les chantiers qu’il a évoqués devraient permettre, selon son évidente conviction, le démarrage de son second quinquennat, fût-ce avec un an de retard, après un premier mandat particulièrement pauvre en réformes; et, d’ailleurs, lourdement parasité par trois crises majeures dont les deux dernières au moins ne lui étaient pas personnellement imputables: après celle des Gilets jaunes, le Covid et l’agression russe en Ukraine.
M. Macron a notamment évoqué, pêle-mêle, la reconstruction de l’Éducation nationale et de la Santé publique, le renforcement considérable de la sécurité des Français, mis aussi l’ambition de faire en sorte que „le travail paie mieux“ et que „l’emploi des seniors progresse“. Et aussi que, d’une manière générale, „la colère des Français soit mieux entendue“.
C’était parler d’or; mais il n’a pas évoqué la façon dont l’inflation serait maîtrisée, même s’il n’a pas résisté au passage à l’envie de souligner que dans certains secteurs, elle était pire chez les voisins européens de la France; ni celle dont l’endettement désormais dramatique de la France pourrait être contenu, ni le chômage réduit: il est rituel de souligner qu’il n’est plus „que“ de 7,1% en France, en oubliant de dire qu’il ne dépasse pas 3% en Allemagne.
„Cent jours“… et quatre ans
Curieusement, le chef de l’Etat a en outre fixé pour la mise en chantier de cette nouvelle phase de son action un délai de „cent jours, jusqu’au 14 juillet“, semblant oublier qu’il n’était en réalité distant de la Fête nationale que de … 88 jours. Péché arithmétique véniel, certes, mais qui augure mal de la précision de ses autres calculs! Rappelons en outre que la formule des „Cents jours“ n’a servi que pour qualifier le bref retour de Napoléon Ier, en 1815, après son évasion de l’île d’Elbe, et que cette période s’est très mal terminée à Waterloo …
Cent jours, c’est aussi le délai qu’a semblé fixer le président Macron à sa première ministre pour s’acquitter de deux missions essentielles. D’abord, mettre en œuvre ce plan de réformes, avec l’aide de syndicats qui pour l’instant ne veulent plus rien avoir à faire avec l’exécutif compte tenu de l’attitude macronienne dont ils ont fait l’objet. En second lieu, Mme Borne voit se renouveler les pressions présidentielles pour élargir la majorité parlementaire, pour l’instant toujours relative, voire de plus en plus. Là aussi, si aucun progrès n’a pu être fait dans ce domaine, à qui la faute?
De sorte qu’au lendemain de son allocution, M. Macron se retrouve face à des syndicats qui, dans l’immédiat (même si la CFDT et la CFTC au moins accepteront sans doute le jour venu de discuter d’améliorations sociales), refusent de le rencontrer, comme on a pu le vérifier hier matin; et d’une opposition certes politiquement diverse, mais que voit moins que jamais son avenir passer par un dialogue avec un pouvoir en pleine déconfiture. Le tout à quatre longues années encore de la fin du mandat présidentiel.
De Maart
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