Dienstag28. Oktober 2025

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Grand EstLe départ de Jean Rottner pour une société d’aménagement fait des vagues

Grand Est / Le départ de Jean Rottner pour une société d’aménagement fait des vagues
Jean Rottner s’est fait engager par une grande société d’aménagement  Photo: AFP/Sébastien Bozon

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Annoncée fin décembre, la démission de Jean Rottner, président LR de la région Grand Est, n’en finit pas de susciter dans cette importante région de France, et même à Paris où certains lui prédisaient un avenir ministériel, des interrogations et des critiques. M. Rottner a d’abord annoncé renoncer non seulement à son mandat à la tête du Conseil régional, mais aussi à tout mandat en général, „en raison d’impératifs familiaux“.

Cette démission, devenue effective vendredi dernier, avait surpris à peu près tout le monde, en s’en tenant à la raison invoquée, qui semblait tout au plus un peu mystérieuse, mais relevant après tout des considérations respectables, appartenant à la sphère strictement privée. Puis est venue la révélation de la véritable raison de ce départ aussi spectaculaire qu’inattendu: l’embauche du désormais ex-élu par le puissant cabinet de conseil et promoteur immobilier „Réalités“.

Cotée en Bourse, cette entreprise se présente comme „un groupe de développement territorial“ menant de grands projets immobiliers et a tranquillement annoncé sur son site Internet „l’ouverture à l’été 2023 de sa direction régionale Grand Est“. Laquelle sera dirigée – quelle surprise! – par … Jean Rottner, „qui, après avoir quitté la vie publique, rejoint l’aventure entrepreneuriale“. Ce qu’on appelle savoir vendre son carnet d’adresses, pour ne pas dire son influence, fût-ce en toute légalité, et devait laisser à beaucoup un arrière-goût assez désagréable.

Un arrière-goût amer

Arrière-goût qu’a par exemple résumé un des élus lorrains du PS, Michaël Weber, maire de Woelfling-lès-Sarreguemines (Moselle) en se disant „amer“ de voir Jean Rottner „quitter ses fonctions dix-huit mois seulement après son élection“, pour un mandat qui courrait normalement jusqu’en 2028. „On ne connaissait pas trop les raisons de son départ, mais maintenant on sait“, a-t-il ajouté: „Il avait une opportunité professionnelle avec un meilleur salaire et sans doute moins d’ennuis. Mais je pense que quand on a un engagement politique, on le mène jusqu’au bout, on ne trompe pas les électeurs.“

Les élus régionaux ne placent pas seulement l’affaire sur le seul terrain de l’élégance morale. Ainsi d’Eliane Romani, chef de file du groupe écologiste, pour qui, outre que „cette annonce vient un peu vite, ce qui laisse penser que c’était déjà conclu depuis un certain temps“, le démissionnaire „utilise le réseau qu’il a acquis dans ses fonctions publiques pour aller servir une organisation privée qui a des rapports avec les collectivités“.

Même tonalité dans le groupe macroniste Renaissance du Conseil régional, comme l’explique le maire centriste de Maxéville (Meurthe-et-Moselle), Christophe Choserot, pour qui M. Rottner „part avec une quantité de données territoriales importante, alors qu’on était en plein révision du schéma régional d’aménagement. Il sait exactement quelles vont être les modifications de ce schéma, les atouts et les difficultés des territoires, ce n’est pas rien. Peut-être qu’un jour, en tant que maire, je devrai le recevoir pour tel ou tel projet … C’est troublant!“

„Ça ne le faisait plus rêver“

En septembre, cependant, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), saisie deux mois plus tôt par M. Rottner lui-même, avait rendu un avis „compatible“, quoique „avec réserves“, à sa reconversion. Elle estimait „ne pas disposer d’éléments de nature à faire douter du respect, par l’intéressé, de l’exigence de prévention des conflits d’intérêts“. Mais elle soulignait néanmoins „la nécessité d’encadrer les futures relations professionnelles“ de M. Rottner et invitait ce dernier „à s’abstenir, dans le cadre de son activité privée, d’accomplir toute démarche auprès des élus et des agents de la région Grand Est“, ce dont elle comptait assurer une surveillance régulière de trois ans.

Bref, si l’intéressé peut se prévaloir de ce feu vert de la Haute Autorité, au demeurant réticent, celle-ci semble toutefois lui mesurer sa confiance. Son successeur à la tête du Conseil régional du Grand Est sera désigné à la fin de la semaine prochaine; il pourrait s’agir de Franck Leroy, premier vice-président de la région et maire d’Epernay (Marne), proche de l’ancien premier ministre Edouard Philippe. Le député lepéniste Laurent Jacobelli est également candidat.

„Que voulez-vous, la politique ne fait plus rêver Rottner“, explique, fataliste, un de ses amis. Désamour qui, y compris sur le plan financier, relève certes de son droit le plus strict, mais ce n’est sans doute pas avec ce genre d’exemples que les politiques feront à nouveau rêver les électeurs.