Freitag24. Oktober 2025

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FranceLe débat sur le verdict contre Le Pen devient plus juridique

France / Le débat sur le verdict contre Le Pen devient plus juridique
La présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, Marine Le Pen (centre), participait mardi au débat à l’Assemblée nationale Photo: Anne-Christine Poujoulat/AFP

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Le verdict condamnant Marine Le Pen, lundi, pour usage abusif des assistants parlementaires du RN au Parlement européen, à quatre ans de prison dont deux fermes, cent mille euros d’amende, et à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat, continue d’agiter la classe politique, les médias et l’opinion. Mais une fois surmontée le choc – de surprise pour beaucoup, et de colère pour les militants et électeurs lepénistes – commence aussi à émerger une réflexion plus juridique sur ce qui reste un séisme politique.

„Le ‚droit’ contre le ‚peuple’“: ainsi le grand quotidien de droite Le Figaro titrait-il hier son éditorial, quitte à en nuancer le contenu. De fait, une telle réaction semblait, avant même toute campagne de propagande du Rassemblement national, assez largement partagée dans cette fraction de l’électorat. Puis différentes voix, qui n’étaient pas nécessairement de gauche, ont commencé à exprimer des considérations plus subtiles, et plus juridiques.

Notamment pour souligner que la condamnation de la fondatrice du RN, qui siégeait au Parlement européen à l’époque des faits incriminés (l’affectation desdits assistants, au sein du parti, et selon un système organisé, à des tâches n’ayant rien à voir ni avec le Parlement ni avec l’Europe), a tout de même coûté aux contribuables de l’UE quelque quatre millions d’euros sur la période concernée. Et que Mme Le Pen, pas plus que ses co-accusés, n’a nié ni regretté les faits: elle s’est au contraire employée à les justifier au nom de la vision qu’elle se faisait de la mission de ces collaborateurs.

Certes, il est toujours délicat de réécrire l’histoire, en particulier celle d’un procès. Mais ce constat n’en laisse pas moins penser que sa défense s’est fourvoyée, au moins tactiquement: s’il lui était impossible de nier les faits, face à l’accumulation de témoignages, du moins aurait-elle sans doute pu plaider une mauvaise interprétation, de la part de son parti, de la mission des attachés parlementaires. Ce qui, au vu des complexités du règlement du Parlement européen, et plus encore de la multiplication de pratiques elles aussi contestables mais impunies, aurait pu lui valoir un peu plus d’indulgence.

Je ne veux pas laisser dire ici que notre démocratie serait mise à mal par l’autorité judiciaire; ce n’est pas vrai

François Bayrou, premier ministre français

Il est vrai que Marine Le Pen ne veut même plus entrer dans le détail du processus qui a conduit au verdict de lundi: pour elle, il ne fait aucun doute qu’elle était, de toute façon, condamnée d’avance, car, assure-t-elle, le but des juges n’était ni la manifestation de la vérité, ni l’établissement d’un jugement équitable, mais de l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2027. Et elle en veut pour preuve le fait que, contrairement à un vieux et fort principe du droit français qui établit que „l’appel est suspensif de la peine“, le tribunal a aussi prononcé contre elle une inéligibilité immédiate.

Mais cette attaque lui vaut une riposte embarrassante. Sur la chaîne de télévision parlementaire Public Sénat, celle qui était encore présidente du FN fondé par son père avait déclaré à propos de l’affaire Cahuzac, l’ancien ministre socialiste condamné pour fraude fiscale en 2013: „Quand allons-nous enfin mettre en place l’inéligibilité à vie pour tous ceux qui ont été condamnés pour des faits commis à l’occasion de leur mandat?“. Il s’agissait, il est vrai, d’enrichissement personnel, ce qui n’est pas en cause dans l’affaire présente. Et tout le monde a le droit de changer d’avis. Mais …

Un premier sondage assez modéré

Le Rassemblement national, en tout cas, veille à éviter que ses troupes ne se lancent dans des manifestations violentes, dont les militants d’aujourd’hui n’ont d’ailleurs plus du tout l’habitude, et qui seraient très contre-productives. Et il a condamné sans délai les menaces que certains avaient cru bon de proférer à l’égard des juges. On évite en outre, pour l’instant, de trop mettre en avant le „plan B“, B comme Bardella, bien sûr, pour ne pas avoir l’air d’enterrer déjà, politiquement, „la patronne“. En fait, on n’en est encore qu’à distribuer des tracts barrés d’un „Soutenons Marine“, et à préparer une campagne d’affichage et de meetings, dont le premier aura lieu dimanche à Paris.

D’autant plus que l’opinion publique, dans sa masse, n’est pas aussi enflammée qu’on l’espérait au RN: un premier sondage montrait hier que 37% des personnes interrogées se déclaraient satisfaites de l’absence forcée de Mme Le Pen à la prochaine présidentielle, contre 35% qui s’en disaient choquées, et 28% indifférentes; 54% estimant en outre qu’elle a été traitée comme n’importe quel justiciable, le même pourcentage considérant que l’issue du procès „est le signe que notre démocratie fonctionne bien“.

Reste le gouvernement, qui évite de prendre parti et va répétant qu’il n’est pour rien dans une décision de justice prise, par principe et comme toutes les autres, en toute indépendance des magistrats. Mais un bruit venu de Matignon attribuait tout de même à François Bayrou d’avoir laissé échapper lors d’une réunion ministérielle: „Il n’y a qu’en France qu’une inéligibilité peut être immédiatement applicable!“

Hier après-midi, interpellé par le PS à l’Assemblée nationale, il a corrigé le tir: „Je ne veux pas laisser dire ici que notre démocratie serait mise à mal par l’autorité judiciaire; ce n’est pas vrai.“ Et le premier ministre de rappeler: „La loi à partir de laquelle les juges ont pris leur décision a été votée par le Parlement.“ Quant au garde des Sceaux Gérald Darmanin, il a émis le vœu que la justice puisse organiser sans trop tarder le procès en appel demandé par Marine Le Pen.