Cet échec, à comparer l’évolution des positions des uns et des autres, en tous cas des centrales syndicales qui avaient voulu poursuivre le dialogue jusqu’au bout, la CFDT, la CFTC et la CGE-CGC (les cadres) principalement, et du côté patronal le MEDEF et la CGPME (les petites et moyennes entreprises), semble surtout imputable à ces deux dernières formations. Lesquelles, jusqu’aux pourparlers additionnels d’hier après-midi, se sont refusées au compromis espéré. Elles estimaient trop coûteuses et contraignantes les procédures qui auraient permis de prendre en compte, pour pouvoir prendre sa retraite avant 64 ans, les carrières longues ou physiquement pénibles. Et cela au nom de la dégradation de la conjoncture et de l’intensification de la compétition économique internationale.
Si d’aucuns voulaient tout de même évoquer hier soir une ultime tentative de sauvetage des négociations, peut-être jusqu’à la fin de la semaine, l’opération était pourtant terminée dans l’esprit de beaucoup. Et cela alors même que les syndicats restés en lice avaient fini par accepter, fût-ce à contrecoeur, le retour de la retraite à 64 ans, en échange de promesses d’avancées sociales substantielles, concernant notamment la carrière des femmes et la modulation de certains critères en fonction de l’âge du premier emploi, ou encore de l’emploi des seniors (les salariés de plus de 50 ans), dont le taux est en France un des plus faibles d’Europe.
Selon toute vraisemblance, c’est donc bel et bien d’échec du „conclave“ social qu’il faut parler, même si, hier de bon matin à la télévision, François Bayrou a affirmé qu’il ne pouvait „se résoudre à échouer alors qu’on était si près du but“, une proximité dont les indiscrétions qui avaient pu filtrer des états-majors patronaux et syndicaux ces derniers jours ne donnaient d’ailleurs guère le sentiment. Mais on comprend que le premier ministre ait voulu y croire jusqu’au bout: c’était sa fameuse „méthode Bayrou“ qui était en jeu, autrement dit sa foi en l’idée que la discussion permet (presque) toujours de sortir des impasses.
Bayrou, jusqu’à quand?
Ce recours au „conclave“ était d’autant plus précieux pour lui qu’il lui avait permis, en convainquant le PS de lui accorder un sursis parlementaire, d’échapper à la motion de censure dont, au début de l’hiver, il faisait à son tour l’objet. Mais si cette procédure révèle son inaptitude à surmonter les clivages sociaux, alors les socialistes n’ont plus de raison de lui faire de cadeau, même conditionnel. Et cela d’autant moins, même, que La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui veut censurer le gouvernement, les attaque de plus belle sur leur incapacité présumée à s’opposer efficacement au bloc central, alors que le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, réélu de justesse, se refuse à entériner la rupture entre les deux partis. LFI le met au pied du mur, et le groupe socialiste a lui aussi annoncé hier le prochain dépôt d’une motion de censure. Plus que jamais, donc, la question se pose de savoir jusqu’à quand M. Bayrou pourra rester à la tête du gouvernement, même si, pour l’instant, le RN ne fait pas connaître ses intentions à cet égard, point mécontent sans doute de retrouver sa position de „faiseur de roi“.
Cet échec du premier ministre, s’il achève de se confirmer, risque en tout cas de plonger la France à la fois dans un certain chaos parlementaire et gouvernemental, et dans une nouvelle vague de contestation sociale forte, le dispositif antérieur restant donc en vigueur. Tout cela à un moment où les soubresauts du monde peuvent à tout instant compliquer encore sa situation économique.
Mais cet échec du „conclave“ est aussi une déception humiliante pour les syndicats qui auront accepté de se prêter jusqu’au bout, malgré leurs réticences, à la négociation. Et, au-delà, il ravivera l’amertume de tous ceux qui, à gauche comme au centre ou dans la droite modérée, se désespèrent de voir la France afficher une fois de plus une certaine incapacité à la concertation.
De Maart
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