KulturfabrikLa nuit en rose: L’électro florale d’Irène Drésel

Kulturfabrik / La nuit en rose: L’électro florale d’Irène Drésel
 Foto: AFP/Joel Saget

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S’il fallait inventer un terme pour qualifier la musique d’Irène Drésel, il s’agirait d’un mot-valise comme „électrose“, fusion entre électro et rose (fleur et couleur). Depuis „Rita“, son premier EP sorti en 2017, Irène Drésel invente une techno florale, nocturne et bariolée, droit au but et labyrinthique, charnelle et cérébrale, soyeuse, mais piquante – les épines, forcément. Le nouvel album de la compositrice techno s’intitule justement „Rose Fluo“. Elle le jouera ce vendredi à la Kulturfabrik. Interview.

S’il fallait inventer un terme pour qualifier la musique d’Irène Drésel, il s’agirait d’un mot-valise comme „électrose“, fusion entre électro et rose (fleur et couleur).Depuis „Rita“, son premier EP sorti en 2017, Irène Drésel invente une techno florale, nocturne et bariolée, droit au but et labyrinthique, charnelle et cérébrale, soyeuse, mais piquante – les épines, forcément. Le nouvel album de la compositrice techno s’intitule justement „Rose Fluo“. Elle le jouera ce vendredi à la Kulturfabrik. Interview.

Tageblatt: De l’artwork de vos disques jusqu’à „Rose Fluo“ aujourd’hui, l’électronique et l’imagerie florale se sont toujours enlacées.

Irène Drésel: J’habite à la campagne; chez moi, il y a des fleurs partout, dans la véranda, dans le jardin; il s’agit donc du prolongement de mon espace intime. J’aime beaucoup le côté cérémonial de la rose. Sur la pochette de l’album, entre le „d“ et le „l“ de Drésel, le „e“ refermé devient un „o“, ce qui fait „rose“.

Il y a une grande dimension spirituelle dans votre travail.

Mon premier EP s’appelle „Rita“, en hommage à Sainte-Rita; il est vrai que sur celui-ci, il y a „Thérèse“, en lien avec Sainte-Thérèse. Le morceau est né à sur les bases de „Heaven Scent“, le titre de Soulwax avec Chloë Sevigny qui renvoie à la prière de Sainte-Thérèse. Je suis repartie de zéro et je l’ai transposé en français, pour un résultat un peu moins … religieux. Cet album est plus fluo que spirituel, quand même.

Vous avez été plasticienne sous votre vrai nom, Irène Billard: comment voyez-vous cet album d’Irène Drésel?

Je développe un univers coloré, composé de paysages variés. Il y a des morceaux lents et introspectifs là où d’autres invitent à faire la fête. Si ce disque est plus dynamique, plus rentre-dedans, je n’ai pas changé depuis mes premières productions, il n’y a en tout cas pas de grosses ruptures notables – les albums s’intègrent les uns les autres, ils peuvent s’écouter à la suite. Ils possèdent en plus le même nombre de titres. Et la pochette de celui-ci a été dessinée par Ruben Gerard, qui avait déjà illustré celle de mon premier LP, „Hyper Cristal“.

„Carmen“, c’est un hommage à l’opéra de Georges Bizet?

À l’origine, ce titre est apparu parce que j’ai une statue dans mon jardin qui s’appelle Carmen. Le morceau tournoie beaucoup. Quand je le joue, je descends de la scène pour faire des pas de danse avec des chaussons, en référence à l’opéra de Bizet. Ayant fait de la danse classique lorsque j’étais enfant, ça me fait plaisir d’être en chaussons sur une scène techno, c’est amusant.

„Paula’s Birthday“ tranche un peu avec le reste de l’album, par son rythme plus lent, ses sonorités indiennes …

Dans ce titre, je joue du sitar et de la flûte à bec. Il s’agit d’une private joke, car je l’ai fait alors que c’était l’anniversaire de Paula Guastella, ma collaboratrice vidéo. Et ce n’est justement pas du tout un morceau d’anniversaire, il y a un bel écart, parce qu’il est très bizarre.

Vous aimez ce qui met mal à l’aise, comme en témoignent vos films fétiches, dont certains ont été une source d’inspiration, de „Midsommar“ à „Eyes Wide Shut“ en passant par „Sleeping Beauty“. Voulez-vous que votre musique procure un sentiment de malaise?

Oui, un peu. Après, je n’ai pas toujours envie d’y insérer des éléments trop étranges qui mettraient mal à l’aise: les morceaux „Rose“, „Glam“ ou „Thérèse“ ne procurent a priori pas cet état. Mais il peut en effet y avoir quelque chose qui grince, à un moment.

La rose est une fleur et, au masculin, une couleur: vous parliez de musique pour faire la fête, alors faut-il écouter Irène Drésel pour voir la vie en rose?

Je déteste les conflits. Irène veut d’ailleurs dire „paix“ en grec. Beaucoup m’écrivent, des lettres entre autres, pour me dire que ma musique leur fait du bien. S’il y a des phases de découragement, des moments difficiles en général, je dois tenir le coup. Je me dis, à mon échelle, que je suis un peu comme un médecin généraliste. Le jour où le mien est parti à la retraite, je me suis sentie mal. Il y en a qui écoutent mes morceaux le matin, en allant au travail, pour se mettre de bonne humeur. Très bien: la musique, c’est ça. Moi, je fais partie des personnes qui se restreignent à leurs obsessions musicales – ce que j’écoute, je l’écoute en boucle.

Rose est l’anagramme d’Éros: qu’en est-il de la partie charnelle de votre œuvre?

Tout ça n’est jamais très réfléchi, mais vous avez raison, il y a une part sensuelle, charnelle, bien sûr; ce que je fais n’est pas froid. Ça peut venir de mon passé: j’ai travaillé à l’accueil d’un spa naturiste, parallèlement à mes études aux Beaux-Arts. Ce sont des expériences qui marquent, qui peuvent transpirer sur la création.

Vous êtes la première femme à avoir obtenu un césar dans la catégorie „Meilleure musique originale“ (pour „À plein temps“ d’Eric Gravel, ndlr). Y a-t-il des cinéastes dont les films seraient des pendants visuels de vos morceaux?

Sébastien Marnier? Il y en a peut-être dans les courts-métrages. Je pense sinon à un film que j’ai vu cet été: „Sweet Dreams“ d’Ena Sendijarević. J’ai adoré son étrangeté, les coiffures, le stylisme.

Hier c’était la Saint-Valentin: quelle est votre chanson à l’eau de rose préférée?

Tous les ans, le 14 février, je crée un mix intitulé „Nuit d’amour“, en téléchargement libre sur mon Soundcloud. Une heure de musique pour faire l’amour. „Vous êtes des animaux (Positif)“ de Mr. Oizo, je pense que c’est bien! Ou „Aleph“ de Gesaffelstein, magnifique. On reste dans le champ électro, oui.