Mittwoch24. Dezember 2025

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FranceLa „loi spéciale“ va permettre de reporter à janvier le débat budgétaire

France / La „loi spéciale“ va permettre de reporter à janvier le débat budgétaire
Le premier ministre français, Sébastien Lecornu, ne semble pas être très heureux mardi à l‘Assemblée nationale Foto: Thomas Samson/AFP

Les députés français ont adopté, hier après-midi, le projet de „loi spéciale“ qui leur était soumis par le gouvernement, et ils l‘ont même fait à l‘unanimité: par 496 voix contre 0. Un score dont on avait perdu l’habitude dans cet interminable débat budgétaire, mais qui ne règle rien sur le fond, et auquel les groupes d‘opposition ne se sont ralliés, ont déclaré leurs représentants, que „par esprit républicain“.

A ce bel élan unanimiste, l’arrivée de la période des fêtes de Noël puis de Nouvel An n’est pas étrangère, surtout auprès d’un Parlement épuisé par le marathon ainsi suspendu: il s’agit tout simplement de reporter la reprise du débat au mois de janvier. Probablement le 9, après une nouvelle réunion de la commission des finances du Palais-Bourbon. Tout en évitant à la puissance publique de connaître une sorte de „shut down“ à la française, autrement dit la mise de l’Etat en situation de cessation de paiements faute de budget.

La semaine dernière, après les votes respectifs du Sénat et de l’Assemblée sur deux versions fort différentes du projet de loi de finances, et l’échec de toute conciliation en commission mixte paritaire (composée de sept membres de chacune des deux chambres, celle-ci avait mis moins d’une demi-heure à vérifier que tout accord était impossible), il était devenu à peu près évident qu’aucune autre solution n’était envisageable.

Le premier ministre, s’étant engagé à l’orée du débat budgétaire, en septembre, à ne pas recourir à l’article 49-3 de la Constitution qui lui aurait sans doute permis de passer en force (sans certitude, toutefois), avait mis le week-end à profit pour tenter une énième fois de rapprocher les points de vue entre majorité et opposition(s), afin d’obtenir un vote de compromis. Peine perdue, malgré (ou peut-être à cause de) l’insistance avec laquelle le président Macron exigeait de M. Lecornu „un vrai budget le plus vite possible“, ce qui ne pouvait que hérisser la gauche et l’extrême droite, sans doute aussi quelques autres élus, de LR notamment.

Certains opposants, pressés eux aussi d’en finir, et soucieux de ne pas apparaître comme des adversaires trop intransigeants à toute loi de finances, fût-elle insatisfaisante et bancale, avaient même, pourtant, fait discrètement savoir à Matignon qu’en cas de recours à cet article 49-3 pourtant abhorré par eux officiellement, ils ne censureraient pas le gouvernement. Mais le premier ministre ne voulait pas qu’il soit dit qu’il avait renoncé à sa promesse devant l’obstacle; et dès lundi soir, au cours d’un conseil des ministres extraordinaire, la décision était actée de soumettre le lendemain au vote du Parlement ce projet de „loi spéciale“, un système qui avait finalement réussi vaille que vaille l’an dernier.

Zèle conciliateur

„Il faut mettre rapidement fin aux ultimes négociations“, a tempêté le président Macron; ce qui pouvait manquer de gratitude à l’égard de son premier ministre. Lequel, tout au long de cette crise qui est sans doute encore loin de toucher à son terme, aura déployé un zèle conciliateur pour protéger l’Elysée, dont le locataire n’était pourtant pas sans responsabilité dans la tourmente ainsi infligée à son gouvernement. Les députés en ont donc validé hier, sans joie mais sans broncher, les trois modestes articles.

Ce qui, pour le spécialiste socialiste du budget Philippe Brun au Palais-Bourbon, „revient à solder trois mois de débats qui tombent ainsi à l’eau, avec des conséquences qui pourraient se révéler cataclysmiques“. Ces débats ne sont pas, cependant, „soldés“ purement et simplement: c’est forcément sur leur base que reprendra le mois prochain, dans une large mesure – ce qui, au demeurant, n’est pas forcément bon signe – ce débat budgétaire appelé à figurer parmi les pages les plus sombres des annales parlementaires de la Ve République.

Cette courte période que les commentateurs français appellent si volontiers la „trêve des confiseurs“ laissera-t-elle à Sébastien Lecornu le temps et l’occasion d’inventer la formule magique qui lui permettrait de trouver enfin une majorité au sein d’une Assemblée qui en est si manifestement et résolument dépourvue? Sinon, il faudra bien, plutôt que de laisser le gouvernement et le Parlement poursuivre de concert leur naufrage dans l’opinion, recourir malgré tout à l’expédient de l’article 49-3. Mais dans ce cas, la fin du second quinquennat d’Emmanuel Macron, qui n’en a déjà pas besoin, apparaîtra sans doute plus médiocre encore.