Après la manifestation „contre la vie chère“ organisée dimanche par la Nupes à Paris, le gouvernement français s’apprête à affronter durant le reste de la semaine un climat politique et social qui pourrait se révéler sensiblement plus dommageable pour lui. Avec, pour commencer, d’importants arrêts de travail qui, dès ce mardi, pourraient tourner à la grève générale.
Certes, Jean-Luc Mélenchon n’a pas réussi, avant-hier dans les rues de la capitale, la vraie démonstration de force qu’il espérait: l’estimation indépendante réalisée conjointement par les grands médias en a évalué la foule à 29.500 participants – très loin donc des 140.000 annoncés par la Nupes. Mais les pouvoirs publics ont toutes raisons de s’inquiéter de la suite de cette semaine de tous les dangers. Et le gouvernement doit désormais ferrailler sur trois fronts, dont il redoute la convergence.
Le premier est celui de la grève qui persiste dans les raffineries de pétrole, entraînant des difficultés d’approvisionnement pour un bon tiers des stations-service françaises. Ce qui exaspère les automobilistes, tout particulièrement à l’approche des vacances de la Toussaint. Les professions qui reposent partiellement ou totalement sur des déplacements routiers (camionneurs et livreurs, ambulanciers, commerciaux, médecins, infirmières libérales, etc.) sont en outre contraintes de réduire, voire de suspendre, leur activité, faute d’essence.
L’irritation et l’incompréhension des usagers de la route sont d’autant plus grandes que les chiffres des rémunérations des employés de ces raffineries encore en grève, essentiellement celles du groupe Total, commencent à circuler sans être démentis, et qu’ils montrent que leur niveau est des plus confortables. Et que le président Macron lui-même, ainsi que plusieurs membres de son gouvernement, vont répétant que le retour à la normale est imminent.
Il est vrai que cet optimisme, si peu convaincant soit-il, n’en a pas moins un fondement juridique: un accord sur de nouvelles augmentations des salaires a été conclu vendredi dernier et signé par les syndicats majoritaires, la seule CGT refusant de s’y plier et ne cessant de reconduire le blocage. Le recours à des réquisitions, qui a commencé ponctuellement, a commencé à soulager le dispositif, mais il durcit d’autant l’opposition des grévistes.
Encore un pilote dans l’avion?
C’est sur cette toile de fond déjà tendue que s’inscrit la grève d’aujourd’hui, lancée à l’appel de quatre syndicats: la CGT, FO, la FSU et Solidaires ainsi que par des organisations lycéennes et étudiantes. Tous appellent à cesser le travail pour obtenir de nouvelles mesures en faveur du pouvoir d’achat et pour défendre le droit de grève, que, précisément, les réquisitions dans les raffineries auraient mis à mal. SUD-Rail et la CGT font en outre planer la menace d’une grève reconductible demain et les jours suivants dans les transports, un secteur où les prévisions gouvernementales se veulent relativement rassurantes pour ce mardi (surtout pour les métros et bus parisiens).
Mais au-delà même de ces grèves, qui s’accompagneront un peu partout dans la journée de nouvelles manifestations, l’exécutif doit aussi, voire surtout, combattre l’impression globale qu’il ne „tient“ plus le pays. Impression que les oppositions s’emploient bien entendu à répandre, mais à laquelle la situation parlementaire tend à donner quelque crédit. Le débat budgétaire à l’Assemblée, en particulier, a été marqué ces jours-ci par le vote de plusieurs amendements contraires à la politique gouvernementale.
Y compris celui en faveur d’une surtaxation des profits exceptionnels des grands groupes industriels, et cela à l’initiative des centristes, en principe membres de la majorité, et avec le vote des Républicains, sur lesquels le pouvoir comptait, il y a peu encore, pour faire adopter son projet de budget – pour lequel le recours à l’article 49-3 ne fait plus de doute, de l’aveu-même de plusieurs ministres – ou au moins pour ne pas mêler leurs suffrages à ceux des lepénistes et des mélenchonistes.
C’est bien pourquoi, ce soir, le bilan de la journée sera examiné de très près à l’Elysée et à Matignon. Car de son bilan, et plus encore de la suite qu’il sera envisagé de lui donner en termes de grèves et de manifestations, dépendra directement la capacité de l’exécutif à reprendre la main, et à montrer qu’en dépit des turbulences, il y a toujours un pilote dans l’avion. Ou bien, au contraire, l’obligation qui lui serait alors faite d’affronter une météo politique de plus en plus dégradée.
De Maart
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