Histoire du temps présentLa frustration du Gauleiter

Histoire du temps présent / La frustration du Gauleiter
Inspection des troupes par le Gauleiter Gustav Simon Photo: Archives Tony Krier

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Il y a exactement 80 ans, une cérémonie était organisée en l’honneur des volontaires luxembourgeois dans les forces armées du Troisième Reich. À ce moment-là, ils étaient près de 1.500 – soit le contingent proportionnellement le plus important de tous les territoires occidentaux annexés par l’Allemagne. Et pourtant le Gauleiter était tout sauf satisfait. C’est qu’il savait quelque chose de terrible que le reste de l’assistance ignorait.

Le samedi 5 juillet 1942, la halle d’expositions et de congrès de Limpertsberg fut le théâtre de l’une de ces grands-messes que le régime nazi affectionnait tant. 3.000 personnes étaient venues y prendre part, et pas des moindres. Le Gauleiter et ses plus proches conseillers étaient là, tout comme la fine fleur de la collaboration, en premier lieu Damien Kratzenberg, le chef de la VdB. Un invité de marque était également venu spécialement d’Allemagne, le général Steppuhn, commandant du 12e district militaire, celui-là même dont dépendait le territoire de l’ancien Grand-Duché.

Tout ce beau monde était venu rendre hommage aux 400 jeunes hommes, également présents, qui venaient de rejoindre volontairement la Wehrmacht et la Waffen-SS. Dans son édition du lendemain, l’Escher Tageblatt consacra deux pages entières, dont sa une, à l’événement et en fit cette description:

„Die Ausstellungshalle […] prangte gestern im schönsten Festschmuck. Auf der Bühne hatten ein Musikkorps der Wehrmacht und ein Soldatenchor Aufstellung genommen, die durch den Vortrag von schneidigen Soldatenmärchen die schon gehobene Stimmung der vieltausendköpfigen Kundgebungsteilnehmer noch mehr hoben. Die Ehrenplätze waren selbstverständlich für die bereits im Feldgrauen Rock angetretenen Lützelburger Freiwilligen bereitgestellt, die in strammer Haltung ein eindrucksvolles Bild von soldatischer Zucht boten. Auf manchem Rock sah man schon das E[iserne] K[reuz] hervorleuchten, ein Zeichen, dass die Lützelburger Freiwilligen an der Front zu kämpfen verstehen1.“

Un discours particulièrement long et terne

L’atmosphère festive et virile décrite dans ces lignes ne semble toutefois pas avoir eu d’impact sur les orateurs. Le discours prononcé par le Gauleiter était particulièrement long et plutôt amer. N’était-il pas censé célébrer l’engagement de ces jeunes hommes prêts à sacrifier leurs vies pour le grand Reich allemand? Au final, il passa plus de temps à justifier son action et à dénoncer, en des termes parfois très violents, la passivité d’une partie de la société luxembourgeoise:

„Aber gegenüber diesem Soldatentum und gegenüber den Lützelburgern, die ihm verbunden sind, gibt es auch wertlose Kreaturen, die mit dem Hang zur Minderwertigkeit geboren sind. Es sind jene Kreaturen, die heute noch vor Angst in die Hose machen, wenn sie nur auf den Gedanken kommen, es könnte hier einmal die allgemeine Wehrpflicht eingeführt werden […] Hierzu muss festgestellt werden: An der Einstellung zur deutschen Wehrmacht scheiden sich die Geister. Das muss man hier jedem sagen, und erklären: Wer nicht zur deutschen Wehrmacht steht, wer nicht im innersten Herzen die Wehrhaftigkeit bejaht, und wer nicht bereit ist, wenn es sein muss, mit dem Degen für das Reich zu kämpfen, der hat damit bewiesen, dass er die neue Zeit noch nicht vollkommen verstanden hat. Denn die Welt und ihre Werte stehen heute auf des Degens Spitze2.“

Le fait que le Gauleiter ait parlé à cet endroit de service militaire obligatoire était tout sauf fortuit.

Lëtzebuerger Fräiwëlleger rekrutéieren

La cérémonie du Limpertsberg devait être le point d’orgue d’une ambitieuse campagne de recrutement qui avait débuté près d’un an plus tôt. Le commandement du 12e district militaire avait ouvert un bureau à Luxembourg au mois de novembre 1940. Sa principale raison d’être était d’enrôler les ressortissants allemands en âge de porter les armes, installés dans le pays. Il pouvait aussi accueillir les volontaires luxembourgeois même si, à cette époque, il ne cherchait pas activement à les recruter.

Tout changea après l’invasion de l’Union soviétique. L’appareil de propagande fut alors mis en branle, avec le soutien du Gauleiter Simon. Ce dernier voyait dans la levée de volontaires un moyen de hâter la fusion des Luxembourgeois et des Allemands par une expérience commune du feu. Il y voyait aussi un moyen de démontrer que sa politique de conquêtes des cœurs et des esprits avait porté ses fruits.

À l’été 1942, près de 1.500 Luxembourgeois s’étaient engagés dans les forces armées allemandes. Leur nombre s’accrut encore légèrement par la suite. L’historien belge Peter Quadflieg estime que 2.000 des 11.000 Luxembourgeois qui portèrent l’uniforme allemand pendant la guerre étaient des volontaires. Soit presque 20% du total. Voilà une information qu’on n’entend pas souvent3.

Qui étaient les volontaires luxembourgeois?

Il faut toutefois nuancer. Tous ces volontaires n’étaient pas de nationalité luxembourgeoise. Parmi eux il y avait probablement des Allemands, des hommes qui n’étaient pas en âge d’être conscrits mais souhaitaient tout de même se battre. Leur nombre est inconnu. Tous n’étaient pas non plus d’ardents soldats du nazisme. Après la guerre, certains déclarèrent même qu’on leur avait forcé la main. Il n’est pas exclu que cela soit arrivé dans certains cas. Il faut toutefois aussi garder à l’esprit que ceux qui affirmaient cela étaient jugés pour collaboration et avaient tout intérêt à minimiser leur responsabilité.

Ensuite, il y avait des profils comme celui de Josef F. Orphelin de père, cadet d’une famille de 16 enfants, déscolarisé très tôt pour pouvoir travailler, il avait tenté de s’engager dans la Légion étrangère française au début de la guerre, mais cela n’avait pas marché. En juillet 1941, il s’enrôla dans la Waffen-SS4. Cinq générations en arrière, quelqu’un comme lui se serait probablement enrôlé dans les armées napoléoniennes, pas par choix politique, mais par désir de fuir une existence sans perspectives, de voir du pays et, qui sait, trouver sa voie.

Enfin, il y avait tout de même aussi des convaincus. Des anticommunistes partis sauver l’Occident du danger moscovite et d’authentiques nationaux-socialistes luxembourgeois – comme ce Schifflangeois de la SS-Division Totenkopf qui, au moment où avait lieu la cérémonie du Limpertsberg, se battait dans le sud de la Russie et tirait de son expérience du combat des lettres enflammées destinées à son Ortsgruppenleiter:

„Seit dem 20.6.42 befinde ich mich wieder im Felde und habe jetzt den gewaltigen Vormarsch von Rostow bis zum Kaukasus hinter mir. Er war hart und mühsam. Aber der gewaltige Erfolg ließ keine Schlappheit aufkommen. Mit blitzenden Augen und gestähltem Mut ging es immer wieder weiter. Über Berge und Sümpfe, staubige, holperige, verschlammte Wege und Strassen, durch Flüsse und Urwälder, Sonnenblumen- und Maisfelder und dergleichen. Aber der deutsche Soldat wird, wie bisher, alle Schwierigkeiten überwinden. Der Sieg wird unser sein5.“

La donne change

La campagne de recrutement de volontaires fut un succès. Proportionnellement à saz population, le Luxembourg fournit le contingent le plus important de tous les territoires occidentaux annexés par l’Allemagne – plus important que celui d’Eupen-Malmédy, plus important que celui de Lorraine, plus important que celui d’Alsace. Et pourtant le Gauleiter n’était pas satisfait. Et cela était probablement dû au fait qu’il savait déjà à ce moment que le service militaire obligatoire allait être imposé aux Luxembourgeois.

Ses rivaux en Alsace et en Lorraine, les Gauleiter Wagner et Bürckel, plaidaient en faveur de cette mesure depuis l’année précédente. Simon était pour sa part beaucoup moins convaincu. Il ne pouvait ignorer que l’enrôlement de leurs enfants était le pire cauchemar des Luxembourgeois, qu’une décision le leur imposant risquerait de provoquer des troubles et que, quoi qu’il arrive, cela lui compliquerait très fortement la tâche.

Hitler et ses conseillers militaires hésitaient eux aussi à mobiliser des conscrits qui n’étaient pas de nationalité allemande. Mais début 1942, lorsque l’Armée rouge arrêta les forces allemandes devant Moscou et les força même à reculer, la question fut de nouveau abordée. Au mois de février Hitler donna son accord de principe. L’annonce de l’introduction du service militaire obligatoire n’était donc plus qu’une question de temps.

Pas le méchant dans cette histoire

Le 5 juillet 1942, lorsqu’il s’adressa aux volontaires assis devant lui, Simon savait que leur nombre importait peu désormais. La stratégie qu’il avait défendue pendant des mois, qu’il avait appliquée avec succès, était dorénavant caduque. Les Luxembourgeois seraient enrôlés de force et il se doutait probablement que cette annonce passerait très mal. C’est peut-être pour cela que son discours fut si sombre et agressif; peut-être pour cela aussi qu’il traita ces Luxembourgeois qui ne l’avaient pas suivi de créatures inférieures, incapables de comprendre leur époque.

Ce jour-là, il tenta vraisemblablement de les prévenir – évoquant même directement le service militaire obligatoire – mais aussi de se dédouaner. Il n’était pas le méchant dans toute cette histoire, il avait essayé de faire comprendre aux Luxembourgeois que leur sort était désormais lié à celui de l’Allemagne. Il avait essayé de les mobiliser plutôt que de les contraindre. Ils n’avaient pas voulu l’entendre? Ils en payeraient désormais le prix.


1 „Ihr Deutschbekenntnis durch die Tat besiegelt“, in: Escher Tageblatt, 6 juillet 1942, p.1

2 „Die Rede des Gauleiters zu den Freiwilligen“, in: Escher Tageblatt, 6 juillet 1942, pp.1 et 2, ici p. 2

3 Voir notamment: Quadflieg, Peter: „Die Zwangsrekrutierung von Luxemburgern zur deutschen Wehrmacht im Spiegel von Wehrmachtspersonalunterlagen“, in: Hémecht 59. Luxembourg 2007, pp. 401-427

4 Archives nationales de Luxembourg (ANLux), Fonds Affaires politiques (AP) F64

5 ANLux, AP M73, lettre du 23 août 1942

Robert Hottua
10. Juli 2022 - 22.53

Guten Tag Herr Artuso, ich weiß nicht, ob die Bischöfe in Lothringen, im Elsaß und in Malmédy ihre Gläubigen gezwungen haben, nationalsozialistisch zu denken und zu handeln. Meine katholischen Eltern mußten dem luxemburgischen Bischof gehorchen, weil sie nicht in die Hölle kommen wollten. Die Auswirkungen dieses episkopalen Zwangs in Luxemburg müssen in ihrer Gesamtheit wissenschaftlich untersucht werden. Zu dieser wissenschaftlichen Untersuchung gehört auch die Untersuchung der Dienstbarkeit der medizinischen Wissenschaft im schwarz-braunen Luxemburg. MfG Robert Hottua