La Cour des comptes s’est manifestement interdit de formuler des recommandations, se contentant – si l’on peut dire – de décrire les carences du système actuel, et les différentes pistes possibles pour y remédier à l’avenir, si possible de manière durable. Mais il ressort très clairement des 95 pages de son rapport que la France n’échappera pas à une nouvelle réforme du système des retraites, si elle veut le préserver, face à deux problèmes au moins qui tendent à saper son équilibre.
Le premier est l’allongement de la vie humaine, bienfait biologique, mais évidente source de complications budgétaires, et la baisse de la durée de cotisation, même si le gouvernement d’Elisabeth Borne avait tenté, en 2023, mais en soulevant une grande impopularité, de remonter l’âge de l’arrêt du travail à 64 ans, après une première réforme qui l’avait déjà porté à 62 ans. Cet âge de la retraite avait jadis été abaissé par la gauche à 60 ans, mesure évidemment très populaire, elle, mais qui allait avoir lourdes répercussions sur l’équilibre du système général.
Tout n’est cependant pas si noir dans les relevés de la Cour, qui constate, pour l’exercice 2023, un excédent de 8,5 milliards d’euros, dû en partie aux précédentes réformes, mais aussi à l’impact de l’inflation (laquelle se répercute plus rapidement sur les recettes que sur les dépenses). Et aussi à un mode de calcul particulier, englobant les six grandes catégories de régimes de retraite: le régime général, celui des non-salariés, celui, particulier, des fonctionnaires civils et militaires – au sujet duquel le rapport Moscovici s’applique au passage à clarifier ce qu’on dénonce souvent comme un important „déficit caché“ – ainsi que les régimes spéciaux (dont celui, souvent décrié, de la SNCF), la caisse des fonctionnaires dits „territoriaux“ et „hospitaliers“, et les régimes complémentaires. Mais l’ensemble du système est cependant déficitaire pour l’année écoulée, et serait promis, sans politique de redressement, à le devenir bien plus encore au fil des ans.
Plus que jamais donc, c’est l’équilibre financier global du système qui est la clé de la pérennité du système. En l’absence d’une nouvelle réforme, la Cour en estime le déficit à 15 milliards d’euros en 2035, et 30 milliards en 2045. Chiffres fort inquiétants, mais qui restent largement inférieurs au quelque 40, voire 50 milliards que redoutait M. Bayrou. Ce serait là „une dégradation nette, rapide et croissante“, écrit M. Moscovici, même si la réforme de 2023 a permis quelques économies en reculant l’âge de départ, de l’ordre de 10 milliards d’euros d’ici 2030. Ce qui veut dire qu’abroger cette nouvelle „retraite à 64 ans“ qui a tant mobilisé contre elle syndicats et manifestants coûterait cette même somme de 10 milliards à l’Etat.
Il n’y a pas que l’âge de départ
La Cour des comptes s’est essayée à d’autres calculs: rabaisser l’âge de départ à 63 ans coûterait ainsi, selon elle, quelque 5,8 milliards d’euros, alors que le porter à 65 ans permettrait au contraire d’économiser jusqu’à 8,4 milliards d’ici 2035. Cette dernière hypothèse n’ayant particulièrement aucune chance de recevoir l’approbation des syndicats, qui déjà réclament au contraire un abaissement de ces 64 ans fatidiques, et ne manqueront pas de le rappeler dès la semaine prochaine lors des négociations qui vont s’ouvrir avec le patronat.
De toute façon, souligne le rapport Moscovici, il existe d’autres moyens d’abonder le budget des retraites, outre le relèvement de l’âge du départ à la retraite. On peut notamment imaginer de jouer sur la prise en compte des trimestres de cotisation ouvrant droit à une pension à taux plein; mais il est à prévoir qu’une telle astuce serait très vite aussi impopulaire que la réforme Borne sur les 64 ans. Plus classiquement, et un peu plus insidieusement, on peut remonter le taux de ces cotisations, ce qui peut être plus progressif. Il y a aussi la possibilité de jouer sur le montant des pensions, par exemple en les désindexant de l’indice du coût de la vie; ou encore de réduire un peu celles des Français déjà retraités qui sont les plus élevées.
Mais on voit bien que de toute façon, aucune solution n’a de chance de séduire spontanément les représentants des salariés, et ceux du patronat ne semblent guère plus enthousiastes. François Bayrou comptait bien sur cette „démarche de clarté et de concertation“, selon sa formule, pour apaiser, si ce n’est tout le climat social, du moins le débat sur une réforme de 2023 qui reste très contestée. „Le seul scénario que nous envisageons à ce stade, c’est celui d’un accord entre les partenaires sociaux, et le premier ministre leur fait confiance pour s’emparer de ce rapport“, assure-t-on à Matignon. Où l’on souligne aussi que syndicats et patronat choisiront eux-mêmes les thématiques à aborder, car „le gouvernement ne mettra rien sur la table“.
Il n’en reste pas moins que l’objectif d’aboutir à un accord d’ici trois mois au plus tard, faute de quoi la réforme de 2023 serait purement et simplement reconduite, semble tout de même bien ambitieux.
De Maart
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