Donnerstag11. Dezember 2025

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FranceLa bataille budgétaire a creusé des fractures à droite et à gauche

France / La bataille budgétaire a creusé des fractures à droite et à gauche
Les divisions au sein de l’Assemblée nationale s’agrandissent Foto: Julien de Rosa/AFP

Le budget de la Sécurité sociale pour 2026, incluant la suspension de la réforme des retraites, ayant été approuvée de justesse par l’Assemblée (voir Tageblatt du 10 décembre), le calme n’est pas pour autant revenu dans le paysage politique français.

Non pas seulement parce que le plus dur reste probablement à faire pour Sébastien Lecornu, même si ses troupes se sont finalement assez bien sorties de l’épreuve. Mais aussi parce que cette bataille a suscité des fractures à l’intérieur de deux autres grandes familles politiques. A commencer par la droite non extrême, qui s’est déchirée sur le vote du projet de loi de finances pour la Sécurité sociale, au risque de le faire aussi sur celui du projet de budget général de l’Etat. Sans parler d’autres grands textes à venir, du moins si le gouvernement Lecornu et l’Assemblée nationale poursuivent de concert leur incertaine et acrobatique survie de scrutin en scrutin.

Sur un effectif de 41 députés inscrits au groupe Les Républicains (LR), que préside Laurent Wauquiez, auxquels il faut ajouter huit apparentés, le parti dans son ensemble étant coiffé, lui, par Bruno Retailleau, 18 élus ont voté en faveur du projet du gouvernement, alors que leur chef de file parlementaire prônait l’abstention, et Retailleau le vote contre. Certes, les élus restent toujours libres de leur décision personnelle. Mais au sein du parti qui se veut l’héritier (de plus en plus lointain) du gaullisme, la tradition n’est pas vraiment à ce genre de comportements.

Et il ne s’agit manifestement pas là d’un mouvement d’humeur sans racines ni conséquences, notamment vis-à-vis du président de LR. M. Retailleau s’est montré fort courroucé par le résultat du scrutin – lequel, avec seulement 13 voix d’avance pour le oui, doit tout à ces 18 frondeurs de la droite modérée: il s’agit, a-t-il dit, „d’une victoire pour Olivier Faure [le dirigeant du PS] et d’une défaite pour la France, car c’est un budget socialiste“. Il est vrai que l’ancien ministre de l’Intérieur, qui s’était acquis à ce poste une certaine popularité, en a au contraire beaucoup perdu en popularité, de même qu’en influence à la tête de son propre parti, depuis qu’il a refusé de poursuivre sa mission dans le nouveau gouvernement Lecornu au motif que son ennemi intime, l’ex-ministre des Finances Bruno Le Maire, risquait d’en faire partie.

Reste à savoir si son rival interne, Laurent Wauquiez, qu’il avait très largement battu lors de l’élection à la présidence des LR, saura tirer parti de ce quasi-désaveu de son vainqueur d’hier de la part du groupe parlementaire. Ce n’est pas certain, dans la mesure où le vote positif de ces 18 élus contredit aussi, fût-ce moins rudement, l’appel de Wauquiez à l’abstention. Mais de toute façon, le parti aborde les prochaines échéances dans un état de division qui ne lui laisse guère de chances de se refaire une santé à cette occasion.

Quelles conséquences électorales?

Sans parler de la fascination qu’exerce sur l’électorat LR, à en croire les sondages, la perspective d’une „union des droites“, autrement dit avec le RN pour la présidentielle du printemps 2027 et les législatives qui suivront immanquablement. Une fascination à laquelle, dans ses réflexions écrites durant son (court) séjour à la prison de la Santé, Nicolas Sarkozy semble désormais apporter sa caution, après avoir tant prêché le contraire.

Mais à gauche, le vent n’est pas davantage à la concorde interne. La décision d’Olivier Faure de faire voter ses amis socialistes en faveur du projet gouvernemental pour la Sécurité sociale, si elle peut lui conférer dans l’électorat l’auréole de celui qui aura officiellement repoussé (pour ne pas dire, en réalité, enterré) cette réforme des retraites dont personne ne voulait à gauche et au-delà, a aussi radicalisé, du côté des mélenchonistes, à commencer par leur chef, une opposition au PS qui n’en avait déjà pas besoin.

Les élections municipales de mars 2026 devraient en fournir de nombreuses illustrations, au risque de voir l’ensemble de cette famille politique, y compris peut-être les Verts dont les „grands maires“ ne sont pas, dit-on, en très bonne posture électorale, perdre quelques forts bastions locaux. Quant à l’élection présidentielle de 2027, on voit mal comment elle pourrait être précédée de ces „primaires“ que beaucoup appellent encore de leurs vœux tout en reconnaissant que la perspective en recule de semaine en semaine. Et l’on peine à imaginer quelles clarifications, dans les différents camps, pourraient intervenir d’ici là.

A moins que la perspective d’une victoire du candidat RN dans la course à l’Elysée, qu’il s’agisse de Marine Le Pen ou surtout de Jordan Bardella, hyper-favori des sondages pour les deux tours et quel que soit son adversaire final, ne finisse tout de même par faire comprendre aux uns et aux autres qu’avec leurs divisions internes, leurs inimitiés personnelles et leurs médiocres calculs, ils jouent avec le feu.