Nieve Ella est une jeune compositrice et chanteuse anglaise d’indie-pop. Le terme „jeune“ n’est pas employé pour renvoyer à l’âge qu’elle a, mais par rapport à ses débuts dans la musique, récents, et son parcours, jusqu’à maintenant, rapide, sans faute et fulgurant. Le top départ de Nieve commence en 2022 et c’est un départ top. Depuis, qu’il s’agisse de morceaux, de clips, d’albums ou de concerts, Nieve semble ne jamais s’arrêter d’avancer, elle fonce même, la tête et la voix la première, un peu comme quelqu’un qui se serait trop longtemps retenu d’avoir trop attendu. Le terme „jeune“ est employé aussi parce que Nieve fait allusion à sa jeunesse, souvent. Lorsqu’elle sort „19 In A Week“ en 2023, en plus d’un bon repère, c’est un rappel mental pour lui souhaiter son anniversaire; le clip donne envie de partager des morceaux de gâteau en écoutant les siens, de morceaux.
Nieve Ella: quand jeunesse rime avec promesses
Et il en va de même avec la pochette du EP où la chanteuse s’apprête à soupirer sur ses 19 bougies. Comment s’intitule le disque en question? „Young & Naive“. Le mot „Jeune“, disions-nous. Les paroles aussi, sont „jeunes“, au sens où elles sont, à l’évidence, connectées à la jeunesse, la sienne, mais aussi à celle que l’on peut qualifier de transgénérationnelle; même avec toutes les avancées technologiques les plus froides du monde, un chagrin d’amour reste un chagrin d’amour. Nieve ouvre son journal intime en public, de „19 In A Week“ donc, qui traite l’adolescence, à „Big House“, un titre dans lequel la britannique exprime son désir de vivre avec son petit ami, en passant par „His Sofa“ où dans le clip on la voit étendue sur le canapé, en train d’envoyer des messages qui seront retranscrits à l’écran. Plutôt que de se contenter de pianoter sur son clavier de téléphone et de faire part de ses états d’âme sur les réseaux sociaux, Nieve prend la guitare et le micro, elle chante qu’elle ne va pas bien, et qui l’aime la suive, sur Instagram comme en tournée.

Chanter, parfois, c’est se livrer. Alors qu’un psychologue, c’est quelqu’un que l’on ne connaît pas et que l’on va voir pour être écouté, un public, ce sont des individus que l’on ne connaît pas mais qui viennent pour nous écouter, jusqu’à nous connaître par coeur, via les textes de chansons. A la sortie de l’adolescence et de ce géant monde ou cette micro-société qui s’appelle le lycée, il peut s’avérer incongru de chanter, donc de parler, à des inconnus. Mais elle y va, Nieve Ella, elle met en mélodies ce qui lui passe par la tête et le coeur, accompagnée par ses musiciens qui sont aussi ses meilleurs amis. Si c’est par le biais de YouTube et TikTok qu’elle acquiert sa notoriété, cette artiste semble ne pas complètement appartenir à la génération Z et ce, à travers son folk, soit la source du grunge, qu’elle reprend également sans jamais en gommer les dérapages acérés et autres aspérités, en consolidant la structure de ses compositions par sa voix emprunte de pureté. Nieve fait le pont entre les sonorités indie des nineties et la pop 2.0, à la manière d’une funambule sur un fil qui menace à tout moment de craquer.
Mais l’artiste cumule ces deux avantages: la production des chansons n’est pas baveuse ou exagérément FM, comme on le disait d’antan, le son indie n’est pas cache-misère ni lo-fi pour pallier un manque de mélodies. La jeunesse pourrait renvoyer à l’idée d’avoir envie d’en mettre plein la vue, ici l’ouïe, alors qu’avec Nieve Ella ce n’est pas le cas: il n’y a rien de dégoulinant, comme lorsque l’on entend ces interprètes „à voix“ qui, à force d’en faire trop pour la performance, finissent par faire mal aux oreilles. Dans „Car Park“, la cavalcade rythmique étreint une mélancolie palpable et sans aucune forme d’interférence alors que sur „Sugarcoated“, elle nage dans un lac sans vague à l’âme d’un bleu éthéré au milieu de fleurs bariolées et d’épines. Il y a bien d’autres ballades douces amères, avec la guitare qui pleure, plus loin, qui peut même faire office de voix additionnelle et où, à la fin, la vulnérabilité gagne contre la force. Et il y a encore de beaux horizons devant Nieve Ella. Jeunesse rime avec promesses.
Iñigo Quintero: „Es Solo Música“
En plus d’avoir fait chanter, le „Si Nos Estas“ d’Iñigo Quintero a fait parler; il y aurait un double sens niché à l’intérieur de la chanson. Selon les diverses interprétations, il serait question de rupture amoureuse ou d’un hommage à Dieu. Cette deuxième lecture se justifie par l’éducation catholique de cet artiste qui, quand il ne fait pas de musique, est étudiant en psychologie. A l’arrivée, la vérité se trouverait, selon le concerné, dans la seconde hypothèse, mais le chanteur a préféré laisser planer l’ambiguïté, afin d’éviter d’être étiqueté „musique chrétienne“, donc de cliver.
Pourtant la foi et le mysticisme traversent la pop; les exemples sont légion, dès l’apparition du rock’n’roll. Elvis Presley, dans un premier temps, incarne le mauvais garçon: avec ses déhanchements lascifs, il inciterait à la débauche, jusqu’à devenir un garçon modèle, plein de foi. Little Richard, homosexuel rejeté par sa famille, a, une nuit, une vision pendant son sommeil; Dieu le plonge dans les flammes de l’enfer, lui demande d’arrêter sa vie de rockeur et de pêcheur; il s’exécute, devient étudiant en théologie, puis révérend, jusqu’à chanter du gospel. John Lennon: „Je sais que les Beatles connaîtront le succès comme aucun autre groupe. Je le sais très bien car pour ce succès j’ai vendu mon âme au diable“, ainsi ils deviendront „plus populaires que le Christ“. Avec le logo de la langue de serpent, les Rolling Stones s’inspirent de Sade ou de Baudelaire, mais aussi des traités occultes d’Eliphas Lévi, écclésiastique français. On pourrait citer, au rayon country, Wanda Jackson ou encore Loretta Lynn (l’album „Who Says God Is Dead!“, 1968), les disques chrétiens de Bob Dylan, ou rappeler que l’unique opus de Jeff Buckley s’intitule „Grace“ (1994). Robert Smith se proclame athée, sauf qu’au moment de l’enregistrement de „Faith“ (1981) pendant que le combo goth vit une période de deuils, il fréquente les églises et écoute des chants grégoriens. „Hounds Of Love“ (1985) est un album que Kate Bush qualifie, comme elle le chante dans „Running Up That Hill“, de „deal with God“. Revenons à Iñigo Quintero.

Comme Nieve Ella, Iñigo Quintero est lui aussi très jeune. C’est d’abord sa voix qui l’est, jeune, et c’est ce qui sans doute frappe à l’oreille en premier lieu; la dimension juvénile s’accorde avec la pop music, c’est un fait, mais dans un monde souvent dominé par le cynisme et le post-modernisme, la fraîcheur et la spontanéité ne peuvent d’autant plus que faire un bien fou à l’âme. Si Iñigo Quintero est né en 2001, la jeunesse, avec lui, n’est pas qu’une question d’âge: comme Nieve Ella encore, il connaît le triomphe immédiat, à une échelle vertigineuse. Comment donc cet anonyme espagnol se retrouve-t-il ainsi propulsé? C’est simple, ce sont les nouveaux systèmes de diffusions (TikTok) qui lui permettent de devenir une star, avec sa ballade au piano „Si Nos Estas“, ses paroles délicates, ses couplets doux et son refrain qui s’enflamme.
Iñigo ne bénéficie absolument d’aucune promotion, ce sont les internautes et leurs partages en pagaille qui l’auréolent de ce succès. Résultat: il n’a que la petite vingtaine, mais en streaming, sa chanson cumule 5,7 millions d’écoutes en une journée, ce qui est, ni plus ni moins, un record pour un chanteur espagnol. „Si Nos Estas“ se retrouve dans le Billboard placé au milieu d’immenses pop stars, dont Taylor Swift, il s’agit bien d’un ras de marée qui brise les frontières, car Quintero cartonne tant en Amérique du Sud qu’en France, en Italie, au Portugal, en Belgique, en Suisse et au Luxembourg. Sorti en 2024, EP relativise, „Es Solo Música“, „ce n’est que de la musique“. Mais non: c’est bien que cela.
Plus d’infos sur le concerts sur rotondes.lu et rockhal.lu.
De Maart
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können