L’ingénieur Arthur N., chef de service à l’usine Arbed-Belval, avait été le premier parmi ses collègues à adhérer à la VdB. Dans les premiers mois de l’occupation, il s’était distingué par son zèle pro-allemand. Plus que tout autre, il avait mis la pression aux équipes sous sa responsabilité pour qu’elles contribuent à l’immense effort de production qui devait permettre au Reich de vaincre sur tous les fronts.
Il fréquentait assidûment des Allemands, qu’il invitait à des réceptions à son domicile ou pour lesquels il organisait l’une de ces parties de chasse dont il était friand. En décembre 1940, à l’occasion de l’une d’entre elles, il avait confié à un garde forestier: „Mein lieber K., die Deutschen sind nun einmal hier im Lande und werden nie mehr fortgehen.“
Mais à partir du début de l’année 1942, il commença à afficher une plus grande réserve. Comme beaucoup, il avait compris que la domination allemande n’était peut-être pas une fatalité et qu’une trop grande complaisance à leur égard pourrait s’avérer contreproductive. Il s’engagea dès lors sur une pente qui allait finalement, une fois le Luxembourg libéré, lui permettre de faire valoir certains titres de résistance – peut-être incertains mais suffisants pour lui permettre de faire oublier ses „faiblesses“ initiales (1).
Un relâchement certain
La dégradation de l’attitude face au régime nazi était telle qu’elle n’échappa pas au gouvernement en exil. Dans un rapport qui lui était destiné, rédigé peu après le recensement d’octobre 1941, il était ainsi noté: „Des fonctionnaires et des Luxembourgeois occupant des postes à responsabilités au sein de l’industrie, tout comme des magistrats, craignant de perdre leur position, s’étaient au début inscrits à la VdB et durent par conséquent en porter l’insigne en public. Quoi qu’il en soit, ils l’ont enlevé il y a quelques semaines, au risque de perdre leurs positions. Des centaines d’entre eux se trouvent maintenant dans des camps de travail à Hermeskeil et Wittlich (2).“
Même constat dans les écoles. Fin novembre, le SD avait rapporté ce que la direction du lycée d’Esch-sur-Alzette constatait depuis plusieurs semaines. De nombreux élèves n’y portaient plus les insignes de la VdB ou des Jeunesses hitlériennes. Une inspection surprise avait même révélé que 170 élèves étaient concernés „et que des élèves de première avaient même signé un engagement écrit en faveur de l’opposition“ (und dass die Schüler der Prima sich sogar schriftlich zur Opposition verpflichtet hatten).
Le directeur avait convoqué chacun des récalcitrants et leur avait demandé s’ils étaient prêts à corriger leur comportement. Une douzaine d’adolescents avaient répondu qu’ils n’étaient pas sûrs de la profondeur de leur engagement pour l’Allemagne et qu’ils n’avaient adhéré aux organisations nationales-socialistes que sous la contrainte. Le directeur ne put que les sermonner et adresser une lettre à leurs parents (3).
Délitement de la VdB des campagnes …
Alors que tous ceux qui avaient cru qu’il n’y avait pas d’autre alternative que de se soumettre à l’ordre nouveau commençaient à se raviser, la VdB cessait d’apparaître comme un pis-aller. Désormais discréditée, ses cadres les plus motivés peinaient à maintenir la discipline au sein des sections locales. A partir de l’hiver 1941-42, le respect des symboles du régime nazi connut un relâchement notable.
Les comptes rendus du chef de la section de la VdB de Bavigne au Kreispropagandaleiter de Diekirch, datant de début 1942, illustrent très bien cette dégradation de l’opinion ainsi que le délitement des sections locales de la VdB:
„In der OG Harlingen hat sich die Stimmung für die deutsche Neuordnung und einen endgültigen deutschen Endsieg noch gar nicht gebessert, sondern im Gegenteil verschlimmert, als Beweis dafür gelten [folgende] Gründe. Ein grosser Teil von Stellen der Amtsträger sind bisher noch unbesetzt gewesen und waren bei einer solchen Stimmung auch schwer zu besetzen. Andere welche ihr Amt angenommen hatten, verweigern trotzdem ihre Mitarbeit, ferner wieder andere, welche sich in der letzten Zeit schon etwas gut betätigten hatten [sic.], reichen ganz einfach ihre Entlassung ein. Dann haben wieder verschiedene, welche sich sehr gut bewerteten, [aufgegeben] und wollen ihres Amtes loswerden, mit der unbegründeten Ursache sie hätten allzuviel Arbeit, und hätten keine Zeit dazu, was aber nicht zutrifft. Das Tragen der VdB-Abzeichen nimmt mehr ab, sogar Zellenleiter und die dazu noch Postbeamte sind, tragen dasselbe nicht. Den deutschen Gruss Heil Hitler ! Der wird auch immer weniger gebraucht. Das kommt daher, weil unsere meisten Beamten denselben nicht gebrauchen. […] S.A. Männer hatten wir auch ein kleiner Teil, aber die Zahl steigert sich nicht, sondern im Gegenteil wollten deren [sic.] schon wieder zurückstehen, mit der Begründung die Ausbildung sei zu schwer. In der H.J. waren wir schon gut gestellt, wenigstens um sich anzumelden, was aber den Dienstbesuch anbelangt, da gibt es sehr viele davon, welche noch nicht ein einziges Mal dabei waren, besonders die Kinder der Volksgenossen welche die Kinderbeihilfe erhalten, oder deren Eltern Geschäftleute sind (4).“
… et délitement de la VdB des villes
Il est vrai que ces faits se déroulaient dans l’Ösling, une région rurale dans laquelle la VdB avait dès le début connu des difficultés d’implantation. La situation n’était toutefois pas bien différente dans le bassin minier, qui était pourtant l’un de ses bastions. Alfons P., qui comptait parmi les militants les plus zélés de la section locale de Schifflange, dressa à la même époque le tableau suivant à Heinrich Diehl, le Kreisleiter allemand de l’arrondissement d’Esch-sur-Alzette: „Es ist wirklich schwer Ersatz zu finden, da niemand ein Amt in der NSV übernehmen will. Dasselbe gilt für den Einsatz von Sammlern für das DRK oder das WHW. Setzt man Arbeiter ein, so sagen sie man soll doch die Beamten mit den hohen Gehältern heranziehen. Wie die Erfahrung zeigt, gehen letztere jedoch nur mit Widerwillen an ihre Aufgabe heran, oder gar nicht […] Es muss unbedingt auf irgendeine Weise durchgegriffen werden. Politische Stimmung: Unruhig; ich habe das Gefühl fortgesetzter, unterwühlender Hetzarbeit.(5)“
La crainte du double-jeu
Le chef de la section locale de Wiltz, Arthur S., notait lui aussi un relâchement de la discipline et de l’engagement de certains de ses hommes, soupçonnant même certains d’entre eux de se livrer à un double jeu: „Heinrich G. ist auch auf der klerikalen Seite, ist politisch sehr schlecht eingestellt, spendet bei WHW Sammlungen, trotz monatlichem Verdienst von mindestens 350 RM., im ganzen 20 Pfennige […] G. erklärte vor Monaten, dass die RM. wertlos sei, dass es ihn nicht reize noch viel von diesen Marken zu verdienen […] Etwas jedoch spricht für G., dass er beim Aufbau der Bewegung seinen eigenen Wagen dem Ortsgruppenleiter mit welchem er personlich gut Freund ist und nebenbei Nachbar, geliehen hat. G. ist noch in der NSV tätig (6).“
Johann G. était lui aussi présenté comme un élément douteux. Ce facteur s’était vu confier la charge de Blockleiter de la VdB, un poste auquel il devait sans cesse être maintenu par la menace („… und zu diesem Posten immer wieder unter Drohung angehalten werden muss“)(7). Enfin, dans un autre rapport, Arthur S., évoquait un certain Josef S., un rouspéteur et une grande gueule („ein grosser Stänkerer und Grossmaul“): „Dessen Einstellung ist so. Er ist Blockleiter der VdB, hört dort bestimmt sämtliche Gespräche auf, und bringt sie, eben durch sein Grossmaul, der gegnerischen Partei, die auffallend über alles sehr gut informiert ist, zur Kenntnis (8).“
(1) Archives nationales de Luxembourg (ANLux), Fonds Epuration (EPU) 289, dossier Arthur N.
(2) Functionnaries and Luxembourgers in leading positions of the industry, as well as magistrates, fearing to lose their positions, inscribed themselves at the beginning in the V.D.B. and had consequently to wear in public the mark of the V.D.B. However they put it off weeks ago risking even to risk their positions. Hundreds of them are now in work-camps in Hermeskeil and Wittlich, in: ANLux, Fonds Affaires étrangères (AE), Gouvernement en exil (Gt Ex) 380, Report about the actual situation in Luxembourg given by an old lady, pièces 0043-0045
(3) ANLux, fonds Chef der Zivilverwaltung (CdZ), rapports du Sicherheitsdienst (SD) 031, rapport du 26 novembre 1941
(4) ANLux, fonds Affaires politiques (AP) E11 (Diekirch II)
(5) ANLux, AP P40 (Luxbg.)
(6) ANL AP S19 (Diekirch II.), rapport N° 29/42 du 12 mai 1942
(7) Ibid.
(8) Ibid., rapport non daté
De Maart
Guten Tag Herr Artuso,
was bedeutete es, "auf der klerikalen Seite" zu sein?
MfG
Robert Hottua