Freitag7. November 2025

Demaart De Maart

Critique littéraire„Grégory“, une BD qui thématise une affaire criminelle toujours pas résolue

Critique littéraire / „Grégory“, une BD qui thématise une affaire criminelle toujours pas résolue
Le roman graphique s’appuie sur une affaire criminelle encore non résolue en 2024 Collage: Tageblatt

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Comment parler d’un crime affreux vers un enfant? „Grégory“ est une bande dessinée à propos de Grégory Villemin, tué en 1984. Une critique littéraire.

Récemment parue aux éditions „Les Arènes“ (qui, fondées en 1997, se caractérisent par la publication de documents d’actualité, de livres commémoratifs, de témoignages, de livres d’histoire et de sciences humaines), la bande dessinée intitulée „Grégory“ est un roman graphique s’appuyant sur une des plus célèbres affaires criminelles (encore non résolue en 2024), la désormais tristement célèbre „Affaire Grégory Villemin“ ou „Affaire du petit Grégory“, qui défraya la chronique dès son éclatement le 16 octobre 1984.

A l’occasion du quarantième anniversaire de la disparition de Grégory Villemin (qui serait maintenant âgé de 44 ans), l’ex-journaliste et actuel scénariste Patrice Perna, en collaboration avec le dessinateur Christophe Gaultier, ont entrepris une tâche à la fois mémorielle et testimoniale: retracer une partie de cette histoire judiciaire à rebondissements sous une forme narrative et picturale accessible au grand public, et ainsi rendre hommage à la jeune victime. Jean-Marie Villemin (père de Grégory), quant à lui, signe une préface poignante dans laquelle chaque mot semble pesé et ciselé à la mesure de la tragédie qui, des décennies durant, fut synonyme de terreur et de pitié, d’enjeux et de tensions considérables.

Le préfacier – en l’occurrence Jean-Marie Villemin – se voit confier la tâche délicate de mettre en situation, de faire goûter au lecteur toute la saveur des textes ou des productions artistiques qu’il va découvrir en parcourant un ouvrage donné. Dans ses „Curiosités de la littérature“ (1810), Isaac Disraeli relève que „les Italiens appellent la préface la salsa del libro, la sauce du livre“. En filant cette métaphore, l’on est en mesure d’affirmer que, pour être à la hauteur du contenu, cette préface ne doit manquer ni de fond ni de fumet. Or la „tristesse majestueuse“ (pour emprunter les mots de Racine) qui se dégage de la plume de Jean-Marie Villemin impose le respect autant qu’elle force l’admiration. C’est en ces termes qu’il conclut son texte: „Et je pense très fort, chaque jour, à notre petit homme, Grégory, qui nous donne la force de vivre sans lui, de vivre en dehors de la haine, sans rancœur, de vivre heureux et de vivre pour sa mémoire. Pour toujours avec lui.“

Texte littéraire, dessin et même cinéma

Dans ce roman graphique (roman fait non de mots, mais d’images, de dialogues et de récitatifs), Patrice Perna a choisi comme trame narrative le procès aux assises de Jean-Marie Villemin en 1993 dans la mesure où ce dernier a été condamné à cinq ans de prison pour le meurtre de son cousin germain Bernard Laroche (dont il pensait qu’il était l’auteur de l’enlèvement et de l’assassinat de son fils) perpétré le 29 mars 1985. Une bande dessinée est à la fois texte littéraire, dessin et même cinéma: pratiquant volontiers l’ellipse et l’analepse, le dessinateur de „Grégory“ donne un aspect dramatique au narratif en privilégiant la ligne droite, la mise en perspective parfois fuyante ainsi que les couleurs séparées par des fins traits noirs.

Une atmosphère lourde, par moments angoissante en ressort, qui correspond bien aux vicissitudes du roman judiciaire à rebondissements que constitue „l’affaire Grégory“. A cela s’ajoute la présence des personnages clés de cet interminable imbroglio, croqués avec brio, dans des expressions faciales saisissantes de réalisme et d’émotion: Jean-Marie et Christine Villemin, le juge Lambert, l’avocat Thierry Moser, Marie-Ange Bolle-Laroche, Muriel Bolle, etc. Au demeurant, certains épisodes particulièrement marquants (e.g. le moment où Grégory Villemin a été retrouvé dans la Vologne, les phases où les hordes de journalistes se jettent sur les époux Villemin pour obtenir des scoops qui feront monter le tirage, les audiences auprès du juge Lambert, les différents témoignages lors du procès d’assises, etc.) ont été mis en valeur de façon à piquer la curiosité du lecteur, à l’inciter à plonger pleinement dans cette tragédie grecque iconisée.

En définitive, la bande dessinée „Grégory“ séduira les jeunes et les moins jeunes dans la mesure où elle constitue une porte d’entrée à la fois plaisante et instructive permettant de se replonger dans un authentique drame humain et judiciaire, et ce d’autant plus qu’une suite est annoncée à la fin du volume avantageusement complétée par l’éclairant article de synthèse du journaliste et grand reporter à France Inter Jacques Expert („Sublimes, vraiment sublimes“).