MusiqueBMAD veut chasser le blues avec son boogie-woogie

Musique / BMAD veut chasser le blues avec son boogie-woogie
BMAD est composé de (de gauche à droite) Paulo Simões, Christian Ries, Rob Schauls Photo: Mars Lépine

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Quand on sait que son acronyme signifie Boogie Music Against Depression, il est évident de penser que le groupe BMAD croit au pouvoir thérapeutique de la musique. Avec son boogie/jazz/blues, BMAD redonne le sourire, l’allégresse, le soleil en plein hiver glacial.

Faisons l’appel. Tout d’abord, il y a Paulo Simões, le guitariste, également professeur de jazz à l’école de musique de Grevenmacher. Ensuite, Rob Schauls, le batteur qui a fait vibrer ses baguettes au sein de The Heritage Blues Company. Enfin, Christian Ries, le pianiste virtuose et leader dont le chant rappelle fortement Louis Armstrong. C’est avec sa voix râpeuse que ce dernier répond à nos questions, juste avant de jouer au „Liquid Bar“.

Tageblatt: Qui est BMAD?

Christian Ries: À l’origine, BMAD est un duo constitué au début de la pandémie du Covid-19. Durant l’été 2023 le duo devient trio, avec Paulo Simões à la guitare. Musicalement, nous renouons avec une ancienne tradition datant des années 1920-1940, celle d’allier le piano et la guitare dans le jeu du blues et du boogie-woogie, comme l’ont fait à l’époque les duos Roosevelt Sykes & Scrapper Blackwell, Memphis Slim & Big Bill Broonzy ou plus récemment Eddie Boyd & Peter Green.

Alors que l’acronyme RAP peut être lu comme Rage Against Police, vous avez choisi pour nom de scène BMAD, soit Boogie Music Against Depression.

Notre travail en duo pendant la pandémie ainsi que nos répétitions m’ont clairement évité de sombrer dans une forte dépression. Rob Schauls et moi-même avons griffonné une série d’idées sur une enveloppe jusqu’à trouver Boogie Music Against Depression, un nom qui décrivait bien ce que nous faisions en ces temps difficiles. Puis nous avons réalisé que l’acronyme se prononçait facilement: B-MAD (et non pas B.M.A.D.), donc „Sois fou“ ou „Soyons fous“. Finalement l’acronyme peut se prêter à d’autres interprétations, comme „Blues Makes A Difference“.

Le blues permet donc de chasser le blues?

Bien entendu. Comme le disait déjà en 1919 l’un des pères fondateurs du blues, W.C. Handy: „Blues music was created to chase away gloom“ – le blues a été créé pour chasser la morosité. Il y a trois catégories principales de blues: le blues relationnel, le blues nostalgique et le blues réflexif. Le blues relationnel est le plus courant et parle de la vie affective, d’amours déçues et de jalousie. Le blues nostalgique est apparu chez les musiciens ayant quitté leur monde rural du sud pour rallier les grandes villes du nord des USA; ils s’y languissent de leur terre natale, du calme de la campagne et des gâteaux de leur mamie. Le blues réflexif quant à lui parle des musiciens, de concerts mémorables, de salles de spectacle, voire de styles de danse. On peut y ajouter des catégories liées aux grands événements sociétaux du début du XXe siècle, tel le blues de la prohibition (1910-1933) et le blues de la guerre (1914-1918). Le blues a un pouvoir thérapeutique, comme la musique en général. Nommer la souffrance, le désespoir ou le mal qui nous gangrène, ou écouter quelqu’un le faire, c’est déjà un acte thérapeutique en soi.

Votre voix rappelle celle de Louis Armstrong: en quoi est-ce une référence importante pour le groupe?

Je suis un grand fan de Louis Armstrong depuis mon enfance dans les années 1960, où il était souvent joué à la radio. Vers quatorze ans, j’ai commencé à jouer du blues au piano et j’aimais bien imiter Satchmo. A l’école on me demandait souvent de chanter „When The Saints Go Marchin’ In“ ou encore „Basin Street Blues“. Cela m’est resté plus tard lors de mes études à Vienne pendant les années 1980, j’y jouais souvent du boogie-woogie et du blues dans les cafés-concert. C’est à Vienne d’ailleurs que j’ai eu la chance de voir Blind John Davis en live au Jazzland.

Qu’avez-vous envie de raconter dans vos chansons?

Mes chansons récentes, écrites pendant la pandémie, reflètent surtout la solitude dans laquelle je me suis retrouvé pendant que j’étais confiné, à l’instar de „Have I Told You Lately That I Miss You So?“ ou „Some Days“. J’y inscrivais mes espoirs d’une vie plus sociale et souriante comme dans „Bright Life Blues“. J’ai également écrit de nouvelles paroles pour des blues existants tels que „Everyday I Have A Beer“ sur „Everyday I Have The Blues“ de Memphis Slim et „Kind Of Blues I Like“ sur „In The Evening When The Sun Goes Down“ de Leroy Carr. J’ai encore composé plusieurs morceaux instrumentaux, remontant parfois aux années 1980, comme c’est le cas pour „Vienna G-Spot Boogie“ ou „Vienna Steady Stomp“.

À quoi ressemble un concert de BMAD?

En principe, nous structurons nos concerts en deux parties, et nous alternons différents styles de blues et de boogie-woogie, veillant à ménager ma voix en insérant régulièrement des morceaux instrumentaux. Étant donné que j’assure l’accompagnement au piano et le chant, c’est Paulo qui joue la plupart des soli avec brio, tandis que Robby veille à ce que nous restions soudés en ce qui concerne le tempo.

Vous reprenez, entre autres, Billie Holiday ou Thelonious Monk. Au-delà du plaisir de rejouer des classiques, y a-t-il une volonté de s’inscrire dans une filiation ou bien d’ouvrir les nouvelles générations à ce genre de musique?

Je veille à sélectionner des blues de qualité pour notre répertoire et je m’inspire de vieux disques du genre que je collectionne. Cela serait prétentieux de vouloir ouvrir les nouvelles générations au blues; du jazz au rock, de la country au rap, de Sinatra à Metallica, presque tous les styles musicaux ont été en partie façonnés par le genre. Comme le disait déjà Willie Dixon: „The blues are the roots; everything else is the fruit“, soit: „Le blues est la source, tout le reste en est le produit.“

En concert le 14 décembre à 20.30 h au Liquid Bar (15, rue Münster, Luxembourg-Grund).