Freitag21. November 2025

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En concert„Danser en Schlapp, c’est un état d’esprit“: La Schlapp Sauvage, un duo en mode artisinal

En concert / „Danser en Schlapp, c’est un état d’esprit“: La Schlapp Sauvage, un duo en mode artisinal
La Schlapp Sauvage n’a rien d’un pantouflard passif – c’est plutôt la pantoufle qui tape du pied Photo: Marc Olenine

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Constitué de Jo Nousse et d’Olivier Niedercorn, La Schlapp Sauvage est un duo lorrain à la pantoufle indocile. Leur nom – Schlapp, la pantoufle, greffée au „sauvage“ – annonce bien la couleur; c’est une douceur qui claque. Sur scène, de l’accordéon et des machines, du chant bilingue français-luxembourgeois, car il s’agit de dresser des passerelles naturelles, de chanter l’écologie, la proximité et la fête. La musique est artisanale, sans plateformisation; il faut venir les applaudir sur scène – et, pourquoi pas, en Schlapp. Ça tombe bien; ils jouent dimanche au Liquid Bar. Rencontre avec le chanteur Jo Nousse.

Tageblatt: Pourquoi ce nom, La Schlapp Sauvage?

Jo Nousse: L’idée nous vient d’un oxymore. Max Frisch, l’écrivain suisse-alémanique, disait: „Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles.“ La Schlapp, tout le monde sait ce que c’est, de Nancy à Thionville, jusque dans les villages de Moselle. C’est un mot luxembourgeois qui a franchi les frontières. On ne se trompe pas: une Schlapp, c’est une pantoufle. Et nous, on a choisi de l’accoler à sauvage. C’est un nom qui accroche et qui reste dans la tête.

Donc, La Schlapp Sauvage renvoie à une pantoufle agitée?

Ce n’est pas le pantouflard passif, pas le silence résigné; c’est plutôt la pantoufle qui tape du pied, qui dérange et qui sort du salon. Comme notre musique. En studio, on invite du monde: batteur, clavier, choristes … mais sur scène, on est deux. Ce contraste fait partie de notre identité: un duo qui sonne comme une bande.

Vous jonglez entre deux langues: le français et le luxembourgeois. Comment l’abordez-vous?

Pas comme une fracture, mais comme une rencontre. On ne fait pas le grand écart, on fait le grand rapprochement. Sur scène, c’est du cinquante-cinquante, „kif-kif“: la moitié en français, l’autre en luxembourgeois. Les chansons se font écho. On crée une micro-société idéale où les langues cohabitent sans hiérarchie. Ce que la réalité ne permet pas toujours, la musique l’autorise. Notre projet, c’est aussi ça: contribuer à l’interculturalité.

La Schlapp Sauvage est aussi un geste politique? Même au niveau des textes: „Béton“ est un morceau contre la bétonisation en Moselle frontalière.

On ne se cache pas; on se revendique poético-engagés et d’obédience écolo.

Dans le registre linguistique, le Luxembourg est passionnant en tant que pays polyglotte.

C’est une richesse incroyable. Là-bas, tout le monde jongle avec trois ou quatre langues dès l’enfance. Le switch est naturel, fluide et libérateur. En France, à côté, on est des handicapés du multilinguisme. Le luxembourgeois, il a fallu attendre 2005 pour qu’il soit reconnu officiellement de ce côté-ci de la frontière, alors que c’est la langue de beaucoup d’histoires.

Jo Nousse et Olivier Niedercorn
Jo Nousse et Olivier Niedercorn Photo: Jean-Pascal Boffo

Il y a une dimension pédagogique dans La Schlapp.

C’est vrai. Sans doute mon passé d’enseignant qui refait surface. Souvent, le public est surpris: „Mais vous êtes Français et vous chantez en luxembourgeois?“ Pourtant c’est cohérent. Quand on joue en Bretagne, les gens comprennent immédiatement: ils vivent la même chose avec le breton et le français. C’est le miroir de leur propre réalité.

En Italie, il y a l’italien standard et une multitude de langues régionales; beaucoup d’artistes ont mixé les deux …

Oui, d’ailleurs, on avait invité Mitili Flk, un groupe frioulan formidable, pour un festival de musiques alternatives en langues minorées. C’était une évidence: relier les luttes linguistiques, créer des ponts entre cultures qui, chacune à leur manière, refusent l’effacement.

C’est aussi facile d’écrire dans les deux langues, pas sur le plan du vocabulaire, mais au niveau de la pure musicalité?

C’est fluide, instinctif. En général, j’écris les textes, Olivier Niedercorn, mon complice à l’accordéon, compose la musique, mais il arrive que je le fasse aussi. Je ne me dis jamais: „Tiens, cette chanson sera en français“ ou „celle-là en luxembourgeois“. Non. L’étincelle décide. Et quand ça marche, c’est d’une évidence totale.

Et votre langage musical? Vous parlez de „platt tonic“.

On aime jouer avec les registres. On est catalogués folk chanson, mais on s’accorde beaucoup de libertés: rock, reggae, traditions revisitées. On aime ce mélange. On est partis des grands classiques, des reprises de figures de la chanson, mais on a vite bifurqué vers un folk tonique, coloré et vivant. Sur scène, on utilise pedalboard, séquenceur, stompbox … La Schlapp n’empêche pas la modernité.

On pense à la scène alternative française des années 1980-1990: Les Garçons Bouchers, les Negresses Vertes …

Ce sont des groupes références, pour moi, comme pour mon acolyte. Olivier est dans cette sphère-là, Les Têtes Raides, Les Hurlements d’Léo; moi, je suis très proche de quelqu’un comme Alan Stivell. On échange. On ne se dit pas qu’on sort ex-nihilo: on est comme des abeilles, on a besoin de prendre du pollen autour avec des figures dont on se sent proches.

Il s’agit de danser avec ce qu’on a et avec ce qu’on est. (…) En platt, comme dans ,Danz Danz‘, c’est la mère qui dit à la fille: ,Mais tu t’en fous de si tu n’as pas les bonnes chaussures pour danser, vas-y!‘

Dans vos chansons, il y a de l’humour, en tout cas de la bonne humeur, comme sur „Danz Danz“, qui incite à aller danser.

„Danz Danz“, c’est une invitation à danser, même si tu n’as pas les chaussures qu’il faut. Danser en Schlapp, c’est un état d’esprit. On cultive cette convivialité. On veut rester proches des gens. Pas de streaming, pas de plateformes. On sortira un clip en octobre, oui, mais le reste se vit en concert. Ceux qui veulent écouter La Schlapp Sauvage doivent venir nous voir.

Vous vous occupez aussi de votre diffusion, en totale indépendance?

On fait tout nous-mêmes. Pas de marketing, juste du bouche-à-oreille. Résultat: on joue désormais une dizaine de fois par an au Luxembourg. Ça prend. Ça frémit. On ne vend pas un produit, on partage une expérience. La Schlapp Sauvage, c’est le marché artisanal de la musique.

Autant il y a les bottines noires de James Brown ou les „red shoes“ adaptées au blues selon David Bowie, mais peut-on vraiment danser en Schlapp?

Bien sûr! On en a même fait une chanson, „La Quête de la Schlapp“. Notre région n’a pas le prestige mythique de la Bretagne ou de l’Irlande, alors, on a inventé notre propre saga: la quête d’une pantoufle perdue. Entre le moment où tu la cherches et celui où tu la retrouves deux jours plus tard, trempée par l’urine du chat. Une épopée à hauteur de salon, mais universelle. Derrière la blague, il y a un sous-texte: il s’agit de danser avec ce qu’on a et avec ce qu’on est. En France, le corpus traditionnel des chansons est assez anti-danse, c’est „mon papa ne veut pas que je danse la polka“, et en platt, comme dans „Danz Danz“, c’est la mère qui dit à la fille: „Mais tu t’en fous de si tu n’as pas les bonnes chaussures pour danser, vas-y!“ Ma grand-mère me chantait ça quand j’étais tout petit. C’est ce qu’on veut dire: tu es pluralité dans la pluralité du monde.