S’agripper à une corde comme si sa vie en dépendait. Sentir le tonnerre gronder sous son corps et entendre son cœur battre à tout rompre. Attendre … et attendre encore que la barrière s’ouvre, puis, tenir …, tenir juste une poignée de secondes, virevoltant dans les airs, le souffle court, avant de mordre la poussière sous la clameur du public. 

Tous ont connu cette sensation et tous en redemandent, comme si l’attraction était plus forte que la peur, à l’instar de Marlon que nous rencontrons dans l’une des allées du stade de Mesquite interdites au public. Ce solide gaillard de 25 ans fait partie de ces cow-boys de rodéo. De ces casse-cous cascadeurs qui se défient chaque semaine dans des arènes noires de monde. C’est que le rodéo est à la fois un spectacle et un événement sportif où se succèdent différentes épreuves dont la plus attendue est la monte des taureaux à la puissance démoniaque. 

Marlon a grandi dans un ranch de Fortworth, non loin du célèbre Coliseum du quartier historique de Stockyards. C’est ici que se produisent, chaque semaine, les plus téméraires des cow-boys dans un brouhaha de tous les diables et c’est aussi ici que l’on peut entendre battre le cœur d’une Amérique rurale et profonde, aux coutumes chevillées au corps. Comme celle de sentir sous ses pieds le sol trembler au passage des troupeaux de „Longhorns“ lors de la célèbre Cattle drive. Un rendez-vous quotidien durant lequel des centaines de vaches aux cornes surdimensionnées défilent en star dans les rues de la cité texane. 

„Là-bas, c’est plus un show pour touristes qu’une véritable compétition. Tandis qu’au Mesquite Championship Rodeo, c’est une autre affaire“, lance le jeune homme avant de poursuivre: „C’est un passage presque obligé si l’on veut se faire un nom dans le milieu, mais c’est dur, très dur“, dit-il en évoquant ses multiples fractures:  clavicule cassée, côte fêlée, écrasement d’une vertèbre et multiples hématomes dus à sa dernière chute d’un taureau d’une demi-tonne. „J’ai failli avoir le pied écrasé sous l’un de ses sabots, j’ai eu de la chance“, grimace le Texan en relevant machinalement le rebord de son Stetson. Que l’on aime ou pas, le rodéo fait partie intégrante de la culture texane transmise de génération en génération, tel un rite initiatique inébranlable. „On a tous grandi les pieds dans le fumier et les fesses sur une selle. Ça vous prend aux tripes. C’est ainsi“, conclut le jeune homme qui se dit déjà prêt, tel David contre Goliath, à défier un nouvel adversaire dans un rapport de force toujours inégal.