Le pire, dit-on, n’est pas toujours sûr – ni éternel. Il n’empêche: l’évolution de la situation à Mayotte pourrait bien marquer le terme d’une politique jusqu’à présent plutôt généreuse à l’égard de ce petit archipel de l’océan Indien qui avait tenu, au moment de l’indépendance, à rester partie intégrante de la France. Contrairement au reste des Comores, et avant d’en devenir le 101e département, au terme d’un processus complexe et parfois tumultueux, mais finalisé par référendum en 2009, et entré en vigueur deux ans plus tard.
A ce statut de département s’attachaient naturellement toutes les prérogatives sociales dont peuvent bénéficier les autres citoyens français. Prérogatives banales en Europe – éducation et santé gratuites, allocations familiales, indemnisation du chômage, retraites, salaire minimal (quoique inférieur de 25% au chiffre métropolitain), etc. – mais non en Afrique. Tout particulièrement dans cette région du canal de Mozambique qui connaît, parmi d’autres fléaux, une très grande pauvreté. Toujours dans la tradition juridique et politique française s’y est également attaché le „droit du sol“, qui veut que tout enfant né en France, fût-elle en l’occurrence située à quelque 8.000 kilomètres de l’Hexagone, puisse recevoir la nationalité française.
Les éléments constitutifs d’un sérieux problème, pour ne pas dire bientôt d’un drame, se trouvaient ainsi réunies. Sauf à verrouiller l’accès à l’archipel, ce qui semblait techniquement à peu près impossible, et politiquement ingérable vis-à-vis du reste des Comores – dont, de surcroît, le chef d’Etat actuel, Azali Assoumani, préside aussi, actuellement, l’Union africaine – et même de l’ensemble des pays de la région.
„Le plus grand bidonville de France“
Fuyant la misère (sans être riches, les Mahorais disposent d’un PIB par habitant huit fois supérieur à celui de leurs voisins comoriens), des immigrants d’abord légaux, puis clandestins, se sont mis à affluer à Mayotte; beaucoup de jeunes femmes, en particulier, y sont venues accoucher, pour que leurs enfants soient français et bénéficient des droits que cela comporte. Et comment leur en vouloir, justement d’un point de vue français, ou le leur interdire? Contrairement à d’autres migrants arrivant en France, ceux-là n’avaient qu’une hâte: s’intégrer.
Mais leur afflux rapide et très massif a bouleversé la démographie de l’archipel: d’une certaine façon, ce département du bout du monde a été victime de son succès, même approximatif. La population dépasse sans doute aujourd’hui, peut-être même largement, les 350.000 habitants – les circonstances font que l’on en est réduit aux estimations – et ne cesse de croître encore, du fait de l’immigration clandestine et d’un taux de fécondité particulièrement élevé des Mahoraises: 4,7 enfants par femme en moyenne.
Le chômage, lui aussi, s’accroît en conséquence; écoles et hôpitaux sont débordés, et dans les bidonvilles (celui de Kawéni passe pour „le plus grand de France“) qui pullulent aujourd’hui sur les collines entourant la métropole économique et administrative de Mamoudzou, la délinquance commence à prendre un caractère ultra-violent, que les renforts policiers appelés en hâte ne parviennent guère à contenir. Ces bidonvilles, constitués de cahutes en tôle ondulée, n’ont en général aucun accès à l’électricité ni à l’eau potable; ils représenteraient désormais, selon les dernières statistiques disponibles, près de la moitié des quelque 60.000 logements que compte l’archipel.
Nom de code: opération „Wuambushu“
C’est dans ce contexte que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a récemment demandé au préfet de procéder à une vaste opération consistant à la fois à détruire les bidonvilles (ce qu’on appelle sur place le „décasage“) les plus insalubres et/ou dangereux, et d’expulser les immigrants en situation irrégulière. Mais cette opération, au nom de code de „Wuambushu“, n’a même pas pu vraiment commencer: saisi par différentes associations, le tribunal judiciaire de Mamoudzou en a suspendu l’exécution, au motif – incontestable – que les autorités ne pouvaient à ce stade indiquer où les clandestins ainsi interceptés et délogés allaient pouvoir trouver refuge. Pas aux Comores voisines, en tout cas, qui refusent de „reprendre“ leurs propres ressortissants …
En attendant qu’une solution se dessine, des violences, d’abord sporadiques puis plus larges, ont éclaté, justifiant un nouvel appel à des renforts de policiers et de gendarmes dépêchés de métropole: ils sont maintenant plus de 1.800 à Mayotte. Le préfet a fait appel de la décision du tribunal, certes. Mais on voit mal comment, même si l’opération Wuambushu est finalement autorisée, les autorités pourront régler de façon techniquement satisfaisante, et conforme, de surcroît, au droit et aux traditions de la France (s’agissant en particulier de la situation des enfants), la question du surpeuplement de l’archipel. Et pour l’instant, l’avenir de Mayotte, vu de Paris comme sur place, ressemble décidément plus à un piège qu’à un rêve.
De Maart
Demandez à M. Asselborn... il s'y connait... au moins il le croit!
erreur fondamental , fallait laisser l'ile aux Commores, et ne pas faire de reférendum