A mesure que se rapproche l’élection présidentielle du printemps 2022 se précise l’éventualité d’une victoire de Marine Le Pen. Eventualité seulement, et non pas certitude, bien sûr: dans les sondages, la présidente du Rassemblement national, pour l’instant en tête dans la perspective du premier tour, reste à quelques points derrière Emmanuel Macron au second – pour autant que des enquêtes d’opinion aussi anticipées aient un sens.
Il n’empêche: la classe politique traditionnelle, qu’elle soit de droite, de gauche ou du centre, doit bien le constater, fût-ce avec beaucoup de regret et souvent d’inquiétude: il y a bel et bien un „phénomène Le Pen“, fortement servi par une actualité dont la violence semble souvent valider ses thèses.
Au commencement était le père: Jean-Marie Le Pen, personnage haut en couleur, à l’extrémisme assumé, au verbe percutant et au charisme certain – en tout cas auprès des différentes composantes de l’extrême droite française. Jeune député poujadiste en 1956, après un passé étudiant tumultueux, il arbora longtemps un bandeau noir sur l’œil qui suggérait un tempérament courageux et le goût de la bagarre, même s’il était en fait dû à un accident. Le patriarche régnait sur son clan et tentait de fédérer, au sein d’un Front national créé dès 1974, une famille politique non moins tentée par le fractionnisme que l’extrême gauche. Son (relatif) triomphe devait rester d’avoir figuré au second tour de la présidentielle de 2002 contre Jacques Chirac, lequel fut, de ce fait, très facilement réélu.
Puis vint sa fille, Marine Le Pen, émergeant peu à peu de l’ombre de son père et qui ne tarda pas, dans un schéma très freudien, à s0en émanciper dans la douleur. Car elle n’allait pas tarder à comprendre qu’à demeurer figé dans le lepénisme „historique“, le Front national resterait marginalisé et voué à l’impuissance. Même s’il était toujours possible, certes, de se faire plaisir avec quelques effets de tribune dans des meetings résolument tricolores, voire quelques micro-élections partielles sans portée nationale. Bref, l’encore jeune Marine n’éprouvait aucune envie d’épouser la carrière de son père.
La grande „dédiabolisation“
C’est alors que commença ce qu’on allait plus tard appeler, d’un terme assez approprié en effet, la „dédiabolisation“ du FN. L’exercice n’allait pas sans risques: il ne fallait pas que l’ouverture ainsi manifestée – d’ailleurs prudemment – fasse fuir les fidèles du père sans valoir pour autant à la fille des adhésions de masse. Mais certains signes, dans l’évolution de la pensée publique, tant en France qu’à l’étranger, se conjuguaient pour convaincre Marine Le Pen que les temps étaient propices.
Il y avait d’abord une évidente droitisation de l’opinion en ce début du XXIe siècle. L’évolution électorale de l’Europe et de l’Hexagone en témoignait, sans parler des Etats-Unis. Non que la droite classique eût recouvré beaucoup de séductions, mais la gauche, elle, avait résolument perdu les siennes. Des précédents avaient déjà montré qu’à l’étranger, des personnalités classées à la droite de la droite, mais non dans la sphère fascisante, comme Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, pouvaient être élues et réélues.
Devait rapidement s’y ajouter, comme pour accélérer encore le phénomène, en lui donnant une assise plus pratique, la montée des problèmes liés à la violence urbaine, notamment dans sa composante de la drogue. Et aussi du malaise croissant suscité par une immigration massive et peu contrôlée par les présidences successives, de Chirac à Macron en passant par Sarkozy ou Hollande. Plus les modérés de droite ou de gauche s’ingéniaient à nier l’ampleur de cette crise sociale et morale, plus les Français étaient nombreux à se dire qu’au moins, les lepénistes avaient le mérite – sulfureux, certes – de dire tout haut ce que les gouvernants, et même leurs opposants „raisonnables“, n’osaient pas s’avouer.
OPA électorale
De sorte que peu à peu, le FN – rebaptisé Rassemblement national, pour bien marquer qu’une page se tournait – s’est mis à engranger des sympathies, encore inavouées souvent mais qui se traduisaient par des bulletins de vote, dans le secret des isoloirs. Puis même des ralliements plus officiels, notamment de la part d’élus de droite. Mais surtout, la formidable OPA politique qui a fait en peu d’années de l’ex-FN encore assez marginal le nouveau et puissant RN, c’est l’opération-séduction lancée, et réussie, en direction de l’électorat communiste, dont des millions de votants sont passés, sans transition ou peu s’en faut, du soutien au PCF à celui les candidats lepénistes.
Le RN est aujourd’hui, et de loin, le premier parti ouvrier de France, tandis qu’au contraire le parti communiste ne tient plus guère qu’avec ce qu’il lui reste de mairies. Et que les autres partis, même à gauche, ont perdu à peu près tout électorat ouvrier.
Au point que le RN est aujourd’hui, et de loin, le premier parti ouvrier de France, tandis qu’au contraire le parti communiste ne tient plus guère qu’avec ce qu’il lui reste de mairies. Et que les autres partis, même à gauche, ont perdu à peu près tout électorat ouvrier.
Ce transfert massif de voix „prolétariennes“ de la gauche vers le RN n’a évidemment pas eu pour effet de lui faire quitter l’extrême droite. Mais il est devenu sensiblement plus difficile de dresser autour de lui une sorte de cordon sanitaire: Marine Le Pen et son entourage ne se privent jamais de dire à ceux qui seraient tentés par le renouvellement d’un tel „Front républicain“ qu’ils méprisent ainsi le plus grand groupe d’électeurs français.
Un „plafond de verre“
Reste que la présidente du Rassemblement national, qui va d’ailleurs quitter cette fonction pour mener sa propre course à l’Elysée, n’a pas que des atouts dans son jeu. Le grand débat avec Emmanuel Macron dans l’entre-deux-tours de 2017 a beaucoup écorné son image, tant son incompétence économique y éclatait et a, dans un premier temps, coûté cher au RN. Lequel doit en outre faire face aujourd’hui à des accusations de malversations de la part des autorités européennes, à propos de l’usage qu’il fait de ses assistants parlementaires payés par Bruxelles.
Quant à ses acquis municipaux dont le parti lepéniste se vante si volontiers, ils restent tout de même très mineurs: Perpignan est „sa“ seule ville de plus de 100.000 habitants, Fréjus et Béziers (avec un maire apparenté) les deux communes de plus de 50.000 habitants dont il puisse se réclamer. Mais si le RN parvient à conquérir en juin la présidence de la région PACA, voire celles du Centre-Val-de-Loire ou de la Bourgogne-Franche-Comté, son assise locale se trouvera évidemment confortée. La stratégie de l’Elysée semble pour l’instant le favoriser, puisqu’on y compte manifestement sur lui pour mettre en difficulté les Républicains, en particulier dans les Hauts-de-France où pas moins de cinq ministres ont été dépêchés pour nuire à la réélection de Xavier Bertrand, possible adversaire de la droite modérée contre Macron l’an prochain.
Longtemps, le FN puis le RN, et singulièrement leur présidente, ont donné l’impression, malgré des succès ponctuels, de se heurter dans l’ascension vers l’Elysée à un „plafond de verre“, qui en bloquait l’accès dans les derniers mètres. Et cela faute de renforts au second tour. Ce qui peut modifier l’équation en 2022 est que même sans consigne de vote, des électeurs dont le candidat préféré n’aura pu se qualifier pour la finale pourraient sans doute se reporter plus facilement demain sur Marine Le Pen qu’ils ne l’auraient fait hier. Mais à un an du scrutin, et alors que la précampagne commence seulement, le conditionnel continue de s’imposer et tout pronostic de paraître bien hasardeux.
De Maart
Les Français en ont marre des échecs de leurs dirigents des dernières 40 années !
Je suis très curieux des résultats de la prochaine présidentielle !
Man muss das Unmögliche versuchen , um das Mögliche zu erreichen. Denn um Feinde zu bekommen ist es nicht nötig dn Krieg zu erklären. Es genügt wenn man einfach sagt was man denkt.