LittératureAvec „Zauber der Stille“, Florian Illies rend hommage à Caspar David Friedrich

Littérature / Avec „Zauber der Stille“, Florian Illies rend hommage à Caspar David Friedrich
 Photo: Verlag S. Fischer

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L’année 2024 marque le 250e anniversaire de la naissance de Caspar David Friedrich (1774-1840), l’un des plus célèbres peintres allemands, qui place l’émotion et le mysticisme au-dessus de la raison et la jouissance de la nature au-dessus de la croyance dans le progrès. Dans cette monographie, Florian Illies se consacre avec humour et empathie à la vie et à l’œuvre du romantique Caspar David Friedrich en racontant l’histoire mouvementée, étonnante et parfois bouleversante de ses œuvres jusqu’à aujourd’hui.

Illies aime l’empathie et l’emphase dans la mesure où, dans ses livres, il simule l’accès direct aux perceptions, aux émotions et aux pensées des artistes et des écrivains qu’il aborde. Tel est le cas lorsqu’il raconte, au début de „Zauber der Stille“, le voyage en voilier de Rügen à Stralsund que Friedrich a entrepris en 1818 avec Line, sa femme fraîchement mariée.

Articulé en quatre parties (correspondant aux quatre éléments – l’eau, le feu, l’air et la terre), le livre de Florian Illies met en scène des évocations, à moitié inventées, à moitié fondées sur des écrits autobiographiques ou des lettres pouvant paraître intrusives ou kitsch, surtout lorsque l’auteur navigue, avec une omniscience agile, entre de nombreuses âmes d’artistes et d’auteurs. S’agissant de Caspar David Friedrich, cette démarche semble moins prétentieuse dans la mesure où Illies ne cherche qu’à cerner cet artiste énigmatique et solitaire, considéré aujourd’hui comme le plus important du romantisme. Cette focalisation rend l’ouvrage (rédigé selon la „méthode Illies“) plus fluide, comme en témoigne la collection d’instantanés, d’anecdotes, d’esquisses et de passages de réflexion ayant le même centre d’intérêt.

L’eau et l’air semblent être des motifs évidents, car ce natif de Greifswald a créé tant de représentations grandioses de sa chère mer Baltique, de ciels ouverts et de nuages. Le feu fait surtout référence aux nombreux incendies qui ont détruit ses œuvres à plusieurs reprises, comme celui du Glaspalast de Munich en 1931, où se tenait une grande exposition de peinture romantique. A cela s’ajoutent les incendies de châteaux, les bombardements et autres ravages de la guerre, par exemple l’incendie de la maison natale de Friedrich à Greifswald en 1901. Il en suit une redécouverte triomphale – et peu après une récupération par les nationaux-socialistes, lesquels ont envisagé les œuvres de Friedrich comme un „art côtier“ („Küstenkunst“) nordique et germanique. Même si la profonde mélancolie de son univers pictural est incompatible avec l’idéologie activiste nazie, Illies y voit tout de même quelques points de convergence: „Friedrich est un nationaliste, un patriote, et il le révèle sur ses toiles.“ C’est exactement ce dont Goethe se moque en voyant en lui un „néo-allemand, religieux et patriotique“.

L’aspect métaphysique des œuvres

En outre, Florian Illies ne voit pas les tableaux de Friedrich comme des représentations réalistes, mais comme des collages presque modernes de modèles fidèles à la nature. La plupart du temps, il existe une forme abstraite préalable, un ordre géométrique auquel les paysages sont soumis, comme s’il s’agissait de mathématiques romantiques. L’abstraction sous-jacente est particulièrement évidente dans les plaques de glace inclinées de l’audacieux tableau intitulé „La mer de glace“. Pour l’auteur, les œuvres de Friedrich transmettent quelque chose de métaphysique sans contenu de foi concret. Aucun peintre allemand n’a suscité autant d’émotions que Caspar David Friedrich: ses ciels du soir sont encore aujourd’hui des icônes de la nostalgie, il a inspiré Samuel Beckett pour „En attendant Godot“ et Walt Disney pour „Bambi“. Goethe, quant à lui, était si furieux de la mélancolie énigmatique de ses tableaux qu’il voulait les briser sur le bord d’une table.

Ainsi Florian Illies, dans son grand voyage à travers les âges, fait de „Zauber der Stille“ un livre extrêmement riche, qui incite à poursuivre l’étude desdites œuvres et de leurs contextes. En s’appuyant sur une sélection de tableaux de l’artiste et en les triant autour des thèmes de l’eau, de l’air, de la terre et du feu, il donne en définitive au lecteur l’impression que Friedrich n’est pas un artiste placé dans une tour d’ivoire, mais bel et bien un homme de chair et de sang.

Infos

„Zauber der Stille: Caspar David Friedrichs Reise durch die Zeiten“ de Florian Illies
Verlag S. Fischer, 2023
256 pages, 25 euros
ISBN 978-3103972528