Comme le hasard, souvent, fait bien les choses. Ainsi, je me trouvais, fin 2021, en Algarve, dans le sud du Portugal, pour faire tranquillement du vélo avec mon ami Reejang, un séjour à la fois un peu sportif et beaucoup pépère. Heureusement, pour combler les longues soirées d’hiver, mon ordinateur me permettait de rester connecté au pays, et ainsi, tous les jours, en fin d’après-midi, en attendant l’heure de l’apéro, à la suite de notre sortie vélo commune, j’ai pris connaissance des infos du pays sur le site d’une station de radio luxembourgeoise.
C’était l’époque où, au Luxembourg et ailleurs, le Covid et ses dommages collatéraux faisaient des ravages et les mesures prises par les autorités incitaient toute une frange de la population, entre-temps appelée „antivax“, à descendre dans la rue et à protester d’une manière véhémente voire violente contre le gouvernement et la politique sanitaire, pourtant destinée à protéger la population. Un drôle de mouvement social et de croyance, très présent dans la rue et dans l’opinion publique, s’était quasi auto-organisé, ex nihilo, sans dirigeant ou véritable personne de contact ou de référence tant soit peu responsable, sans interlocuteur, semblable au mouvement des „gilets jaunes“ en France, marqué par une opposition farouche aux responsables politiques et aux vaccins contre le Covid ou à la vaccination en général, mettant en cause son efficacité et son innocuité et traduisant surtout un mal-être social d’envergure. En dépit du consensus scientifique et populaire très large en faveur de la vaccination, ce mouvement s’était caractérisé par une référence permanente aux théories du complot, selon laquelle la vaccination serait inutile, voire carrément nuisible.
Quelle ne fut ma stupéfaction de voir, sur une vidéo, une partie des manifestants „antivax“, très décidés voire carrément menaçants, se diriger du centre-ville en direction de Bonnevoie, pour se donner rendez-vous devant le domicile privé du premier ministre de l’époque. Là, j’ai failli péter les plombs. Un dérapage inacceptable. Pour moi, la ligne rouge était dépassée, ça suffisait, trop c’était trop …
Que faire, si loin du lieu du crime, les possibilités d’agir étaient quasi nulles. Dire que cela me démangeait, est un euphémisme.
Gutenberg: au secours!
Finalement, j’ai eu recours à une arme qui, depuis Gutenberg, ne doit jamais être sous-estimée et qui s’avère très flexible et ne nécessite pas, a priori, de présentiel: la plume, aujourd’hui sous forme de clavier, et ses compléments nécessaires, l’ordinateur et internet …
J’ai donc envoyé un papier, ou un article si vous voulez, sous forme d’e-mail à la rédaction du Tageblatt, où je fustigeais, en des mots assez crus, cette façon antidémocratique de faire, susceptible de laisser libre cours aux instincts les plus bas de l’être humain et de faire basculer un tel mouvement, sans boussole et sans structure organisationnelle, dans l’irrationnel, dans le n’importe quoi, loin de l’influence d’organisateurs ou de go beetween, quelque peu responsables. En fait, il s’agissait, de la part d’une large partie des participants de cette virée, d’un quasi-appel au lynchage, inacceptable. D’autres personnes de la sphère gouvernementale étaient également visées.
Le lendemain de ma missive, j’étais surpris de voir que les responsables du quotidien cité plus haut avaient mis en exergue mon texte grâce à une publication dans une rubrique-phare du journal, appelée FORUM.
Quelle attention!
L’écho et le succès récoltés par cet appel, véritable acte civique et de résistance, étaient inespérés, très forts, dépassant toutes mes espérances.
De retour à Luxembourg, dans un premier temps, ce succès m’a incité et motivé à mettre en place, avec plusieurs amis ou bonnes connaissances, de différentes couleurs politiques, une association, un comité d’action, appelée Nous Citoyens, devant s’opposer aux agissements et aux dérives de la meute décrite ci-dessus.
Voilà pour mon côté activiste …
Aujourd’hui, des années après, il est intéressant de rappeler quelques mots d’ordre et autres de cette association, forcément éphémère.
Florilège: „Y en a marre de toutes formes d’actions violentes et anti-démocratiques, des dérives de casseurs et autres actes gratuits que nous avons vécus samedi dernier à Luxembourg-Ville, dans le cadre de la crise du Covid et des manifestations ad hoc qui ont gravement dégénéré. Aujourd’hui la majorité des citoyennes et des citoyens doit (re)prendre la parole pour d’abord défendre LA LIBERTE ainsi que les valeurs et les acquis démocratiques de notre société : (…)“
Après ces péripéties (selon le dictionnaire: un poème épique, un roman, une pièce de théâtre, tout événement soudain qui change la situation et opère aussitôt une sorte de révolution dans l’action même et dans la situation des personnages), je me suis senti encouragé et j’ai été encouragé, par les responsables du Tageblatt, de continuer à m’exprimer dans la rubrique FORUM en question.
Chroniqueur, pamphlétaire, commentateur
Ce qui fut fait. Depuis, je suis devenu un collaborateur occasionnel, mais quand même assidu et régulier, de la rubrique FORUM du Tageblatt. Je jouis d’une totale liberté de parole (ni Dieu, ni maître!) que j’aime utiliser, sans en abuser, et qui me permet de traiter les sujets les plus divers qui me sont chers ou que je trouve intéressants ou pertinents. Il y a moult façons de s’exprimer, par exemple par la musique, par la peinture, par le théâtre, par le sport, etc. S’exprimer par l’écriture, pour moi, est une excellente façon de se dévoiler, de remettre en ordre ses propres pensées ou idées, de se mettre (un peu) à nu, d’analyser, de prendre position clairement sans aucune forme de contrainte, de pression, de censure ou autre. Et puis, l’écrit, contrairement à la parole, est gravé dans le marbre, il est intangible, on ne peut le modifier que difficilement. Alors que pour le discours oral, l’excuse de dire „j’ai été mal compris, cela est sorti de son contexte“, marche toujours! Je me considère donc un peu comme un chroniqueur, un pamphlétaire (pamphlet= „texte à la fois court et virulent qui remet en cause l’ordre établi, donc potentiellement agressif, ou tout au moins volontairement polémique ou satirique“), comme un commentateur de l’actualité et je me suis rappelé qu’en fait, à la sortie du lycée, je rêvais d’embrasser le métier de journaliste.
Au cours de nombreuses années, en tant que simple militant, élu ou autre, j’ai eu l’occasion de rédiger un nombre impressionnant de textes de toutes sortes: tracts, communiqués, journal de section de parti politique, articles de presse, programmes électoraux, discours (rarement écrits!), rapports parlementaires ou autres (nombreux), avis du conseil d’Etat, puis, quelque huit (!) publications plus importantes, livres ou autres (voir dos de couverture de la présente publication), etc. Mais jamais, au grand jamais, l’écho de ces papiers, à l’exception du „Umweltatlas für Luxemburg“ publié en 1987 avec mon ami Dulli Frühauf (+), véritable bestseller grâce à la vente de plus de 4.000 exemplaires, n’est arrivé ne serait-ce qu’à la cheville de l’écho recueilli par les différents papiers FORUM évoqués. Du jamais vu, incroyable. Il ne se passe pratiquement pas un jour où je ne suis abordé dans la rue ou ailleurs, par les uns ou par les autres, pour m’interpeller ou simplement me parler d’une rubrique précise, parue récemment, pour apprécier, surtout, la forme voire le style, le fond pouvant être plus controversé des fois, donc avec une mention spéciale pour le langage utilisé, cru, coloré, pétillant, pas trop intellectuel, simple, populaire, pourvu de mots des fois iconoclastes ou moins connus, avec, souvent, des explications issues du dictionnaire, déformation professionnelle oblige …
Un succès inattendu
Sachez que je n’en tire aucune fierté particulière, c’est simplement la réalité, point à la ligne. Et sachez également que tel n’a pas toujours été le cas auparavant.
Ainsi, au fil des années, je suis donc passé du rôle d’acteur, d’activiste, d’initiateur ou d’animateur, dans des domaines ou rôles multiples et variés, à celui de commentateur, l’âge entre-temps atteint faisant le reste, sans aucun doute.
On peut comparer cette situation à ma carrière de footballeur, une formidable école de la vie, où, après une carrière d’actif bien remplie et débordante sur le terrain, comme joueur ou comme entraîneur, je me suis retrouvé, par après, au bord du terrain comme simple spectateur, comme commentateur ou, pendant des années, comme président de l’association luxembourgeoise des entraîneurs de football.
L’idée de recueillir dans un premier volume, celui que vous avez dans les mains, une première partie de toutes ces rubriques, m’a été soufflée notamment par deux de mes meilleurs amis P et A, des mecs supers, des amis fidèles, des frères quoi, depuis plus de soixante ans. Merci.
Remerciements également à tous ceux qui ont donné le coup de pouce et le coup de main nécessaires pour que ce projet puisse se réaliser. Il est certain que la simple publication dans un journal, version papier ou digitale, n’a pas le même caractère de pérennité, de durabilité ou de disponibilité rapide, qu’une publication sous forme de bouquin, brochure, livre ou autre. Et le lendemain de la date de parution, version papier, d’un journal, ce dernier „jaunit rapidement“ et rejoint rapidement la poubelle. Le bouquin, lui, perdure physiquement, même des fois un peu oublié au fin fond d’une bibliothèque, publique ou privée. Et il faut espérer que rien, jamais, dans l’édition, ne remplacera complètement le papier, y compris l’entrée définitive dans l’ère numérique ou l’émergence de l’intelligence artificielle. Or le combat entre ChatGPT et Gutenberg a déjà commencé. Affaire à suivre …
Voilà donc le comment et le pourquoi de cette publication. A vous de juger si cela valait le coup … Bonne lecture ou bonne relecture!
* René Kollwelter est un ancien député et ancien conseiller d’Etat.
De Maart
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