FranceAttal va limiter l’indemnisation du chômage

France / Attal va limiter l’indemnisation du chômage
Le premier ministre français, Gabriel Attal (g), assis à côté de la ministre déléguée aux Relations avec le Parlement, Marie Lebec  Photo: AFP

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Le premier ministre français a précisé, mercredi soir sur TF1, les contours du projet de réforme de l’assurance-chômage de son gouvernement. Les contours seulement, car M. Attal a insisté sur le fait que le véritable dispositif était encore à l’étude. Un dispositif évidemment lié à l’urgente nécessité, pour l’exécutif, de faire face à la nouvelle et catastrophique dégradation des comptes publics (voir Tageblatt du 27 mars) en réalisant de substantielles économies.

Et cela d’autant plus qu’il a à nouveau exclu („C’est une des lignes rouges que je me suis fixées“, a-t-il dit) d’augmenter les impôts sur le revenu des Français. Même s’il s’est au contraire montré sensiblement plus souple quant à la possibilité de surtaxer les „superprofits“ et autres bénéfices exceptionnels des grands groupes industriels, pétroliers notamment, engrangés à la faveur de la crise, comme le réclame la gauche depuis longtemps au nom d’un partage plus équitable du fardeau entre les classes modestes et les actionnaires les plus aisés de ces entreprises.

En fait, c’est surtout d’une réduction des dépenses sociales qu’a parlé le premier ministre dans son intervention télévisée, et il est clair que politiquement, un éventuel nouveau tour de vis concernant l’assurance-chômage passerait sans doute un peu plus facilement dans l’opinion s’il s’accompagnait d’une ponction fiscale particulière sur la fortune non plus seulement immobilière, comme c’est déjà le cas, mais industrielle et boursière.

Car c’est bel et bien à un tour de vis qu’il faut s’attendre pour les chômeurs, dont on est volontiers convaincu, à droite et dans la majorité macroniste, que le système actuel, même après avoir subi un premier durcissement, ne les incite pas assez à rechercher activement un nouvel emploi, et à l’accepter dès qu’il se présente. Vision qui est évidemment combattue avec énergie par la gauche et l’ensemble du monde syndical, y compris les organisations qui représentent les cadres.

Trois pistes principales

De quoi pourrait-il s’agir? Gabriel Attal a révélé sur quelles pistes il réfléchit actuellement. La première serait la réduction du temps d’indemnisation, qui est encore aujourd’hui de 18 mois au maximum, et qui pourrait être ramenée à 14 mois, voire un an, étant entendu, a-t-il ajouté, qu’en tout état de cause, on ne descendrait pas au-dessous.

Une autre possibilité serait de durcir les conditions à remplir pour pouvoir toucher une indemnisation chômage. Cela avait déjà été le cas en 2021: il faut aujourd’hui avoir travaillé au moins six mois lors des deux dernières années pour y avoir droit, contre quatre précédemment. On pourrait imaginer d’en exiger le double pour être éligible à l’allocation-chômage. Enfin, troisième piste évoquée: accentuer la dégressivité ou baisser le niveau d’indemnisation; mais M. Attal a tout de même expliqué que cette option-là n’était pas sa préférée.

De toute façon, les réactions des syndicats, hier, ont été unanimes: les annonces du premier ministre, même si elles n’étaient pas une surprise, et ne sont pas encore précises et formelles, sont considérées comme une gifle. „Elles confirment le mépris profond du gouvernement pour les partenaires sociaux“, s’est indignée la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Et son homologue de Force ouvrière, Michel Beaugas, de surenchérir: „On nous redit encore une fois que notre régime d’assurance-chômage serait trop protecteur, et empêcherait les employeurs de trouver des salariés, alors que c’est le contraire qui a été démontré.“

Un risque politique majeur

Mais l’inquiétude des syndicats porte aussi sur le fait qu’avec un tel projet de réforme, l’exécutif ne tente de remettre la main sur la gestion du système de l’allocation-chômage, à travers une „lettre de cadrage“ qui serait impossible à respecter pour l’Unédic, l’organisme paritaire qui regroupe syndicats et patronat et qui est chargé jusqu’à présent de cette gestion. L’Etat, pour le moment, se borne à lui en donner les grandes lignes une fois tous les trois ans; mais il peut reprendre la main si les organisations de salariés et d’employeurs ne parviennent pas à se mettre d’accord, ce qui pourrait bien arriver cette fois-ci.

L’idée d’une reprise en main définitive par l’Etat, comme semble le souhaiter le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, serait cependant repoussée pour l’instant, et supposerait d’ailleurs une nouvelle loi, dont l’adoption parlementaire serait pour le moins aléatoire dans le contexte actuel. La ministre du Travail, Catherine Vautrin, s’est voulue rassurante à cet égard, hier matin sur France-Info: „Le premier ministre a ouvert des pistes, étant bien entendu que notre priorité, c’est le dialogue social, et si nous faisons cette réforme, c’est avant tout pour ramener les gens vers l’emploi“, a-t-elle déclaré.

Certes, Gabriel Attal lui-même n’a pas dit autre chose. Mais il va maintenant devoir gérer un risque politique majeur: celui de sembler chercher à compenser sur le dos des chômeurs, autrement dit des moins favorisés, les dépenses considérables engendrées sous les deux quinquennats d’Emmanuel Macron. En particulier avec le fameux „Quoi qu’il en coûte“, généreux mais inconsidéré, de la période du Covid, ou encore la prolifération des aides publiques en tout genre et à tout-va, jusqu’au raccommodage des vêtements ou l’entretien des vélos, au discret regret de son ministre des Finances …