Ce déplacement du chef de l’Etat répond à plusieurs objectifs. Le premier est bien entendu lié à la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie: M. Macron voudrait parvenir, sinon à empêcher, du moins à limiter, le rapprochement entre le président chinois et son homologue russe. Longtemps, on a voulu croire à Paris que la Chine allait jouer de son influence pour dissuader le maître du Kremlin de la poursuivre. Mais la réception en grande pompe, le mois dernier, de Xi Jinping à Moscou, ruinant le rêve d’une Chine neutre et potentiellement médiatrice, a sonné le glas de tels espoirs. Même si l’on continue de souligner à l’Elysée que pour le président chinois, le recours à des armes nucléaires, même tactiques, constitue une ligne rouge à ne pas franchir.
L’accompagnatrice européenne de M. Macron s’est récemment employée à appuyer le trait: „L’objectif du PC chinois, a dit Mme von der Leyen, est clairement un changement systémique de l’ordre international, et la manière dont Pékin continuera de réagir contre la guerre de Poutine sera un facteur déterminant de l’avenir des relations entre l’UE et la Chine.“ La présence de la présidente de la Commission de Bruxelles aux côtés de M. Macron visant aussi, dans l’esprit de ce dernier, à donner plus de poids à une visite et une démarche qui, seulement françaises, en auraient évidemment eu moins.
Paris continue cependant de penser que la Chine est, à tout prendre, un des très rares acteurs de la scène internationale actuelle (avec peut-être, pour de tout autres raisons, le Brésil) à pouvoir peser sur le bellicisme poutinien. Dans un sens ou dans l’autre, d’ailleurs: une intermédiation chinoise susceptible d’engager le moment venu un processus d’apaisement serait évidemment la très bienvenue, mais une aide militaire de Pékin à Moscou contre l’Ukraine serait, dit-on à l’Elysée, une „décision funeste“, qui aurait des conséquences stratégiques majeures. Reste que la bonne volonté macronienne, dans ce domaine, semble à beaucoup d’observateurs, en France même, relever désormais de l’illusion.
Décrocher des contrats
Sur un plan plus matériel, l’autre grande ambition du chef de l’Etat en se rendant à Pékin est, très classiquement, d’y décrocher des contrats. Il s’y rend d’ailleurs accompagné d’une cohorte de grands patrons. Lesquels – anecdote qui en dit long sur la circonspection que continue de leur inspirer leurs hôtes chinois – ont pris soin de vider leurs téléphones et ordinateurs portables de toutes données intéressantes, de peur qu’elles ne soient discrètement captées par les services de Pékin lors de leur séjour …
Quoi qu’il en soit, M. Macron compte bien convaincre ses hôtes de se tourner davantage, pour leurs importations, vers l’Europe (laquelle, de son côté, réalise avec la Chine quelque 20% de ses importations) et un peu moins vers les Etats-Unis, avec lesquels est engagée une compétition mondiale qui est loin de se limiter au commerce. Les exportations françaises vers la Chine, en outre, ont sensiblement baissé en 2022, à 24,1 milliards d’euros, en particulier dans le domaine agro-alimentaire, contrairement aux exportations allemandes, et cela alors que les importations de biens chinois en France, durant la même année passée, bondissaient de 20,7% à 77,7 milliards d’euros.
Troisième ambition, enfin, du président français en se rendant en Chine: s’afficher une nouvelle fois en grand brasseur des affaires du monde, en dépit de la crise politique actuelle sur le front intérieur (voir encadré). Ce voyage n’a évidemment pas été monté en catastrophe pour faire oublier la bataille autour de la réforme des retraites. Mais, sur fond de drame ukrainien, il vient illustrer une nouvelle fois l’ambition macronienne d’apparaître comme un médiateur, voire un pacificateur.
L’illustrer, oui – mais la servir? C’était déjà ce projet qui l’avait conduit, durant des mois, à poursuivre au téléphone un Vladimir Poutine qui, manifestement, n’en avait cure. C’est encore le ressort (à peine) secret des pressions qu’il va tenter d’exercer sur Xi Jinping. Au risque de ne pas récolter davantage de succès.
Pendant ce temps, à Paris …
Le président Macron a tenu hier matin un conseil des ministres avancé, du fait de son départ pour Pékin. Mme Borne a ainsi pu informer le gouvernement que plusieurs partis qui avaient tout d’abord refusé de venir la voir à Matignon étaient revenus sur ce refus.
Du moins de manière formelle: chacun arrive avec son propre ordre du jour; „les violences policières“ pour les Verts, par exemple, ou „la crise politique“ pour les socialistes. Quant aux communistes, ils se rendent ce mercredi à l’Elysée pour y déposer (à la loge du gardien?) une demande écrite de retrait de la réforme des retraites.
La première ministre souhaite évidemment que ses consultations avec les syndicats, aujourd’hui, soient plus constructives. Des syndicats qui pourraient bien, cependant, avoir surtout en tête la nouvelle manifestation nationale de demain jeudi. (BB)
De Maart
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