Melenas en concert à la Kulturfabrik ce soir

Dans la musique, lorsque l’on parle de „scène“, c’est aussi en tant que synonyme de „lieu“. Seattle est le berceau du grunge. Avec des groupes, grunge justement, tels que Uzeda ou Flor Del Mal, Catane a été, au début des années 2000, rebaptisée la „Seattle italienne“. A la frontière entre l’Espagne et la France, Pampelune, capitale de Navarre, est la ville festive où se concentre une belle émulation rock; la jeunesse ne fait pas qu’écouter de la musique, elle en fait aussi. Un bar, en particulier, abrite ces talents: le Nébula. On pourrait donc parler de scène. C’est en 2016, au premier rang de concerts rock, que les Melenas se rencontrent, les yeux, par définition, rivés dans la même direction. Si le headbanging peut refléter l’approbation à un bon morceau, les pogos représentent, pourquoi pas, une façon de se rapprocher.
Faisons l’appel. Au sein de Melenas, on compte quatre „chicas“. Il y a Oihana, la voix et la guitare, Leire à la basse, Maria aux commandes des claviers et Laura qui tient les baguettes de la batterie – cette dernière fait aussi partie du combo Panty Pantera. En 2017 sort le premier album éponyme de Melenas. Le tirage est limité, les copies s’épuisent vite. Cette carte de visite, ou de présentation, devient alors par définition culte, en tout cas une rareté. Il fut un temps où, pour écouter un album, si personne ne possédait le support physique, il n’y avait pas d’autres choix que d’aller voir le groupe en concert. Bonne nouvelle cela dit: „Melenas“ a été réédité. Et là où le rock du girls band espagnol ne résonnait qu’à l’intérieur de son territoire, ses jolies chansons désormais traversent les frontières. Le deuxième album „Dias Raros“ est moins rare que le premier, puisqu’il bénéficie d’une sortie internationale. Mais ce n’est, évidemment, pas une raison pour ne pas aller voir Melenas sur scène, au contraire.
Une recette simple, mais efficace
La recette de Melenas? Des compositions simples à première écoute, alors qu’en réalité, il s’agit surtout de la simplicité avec laquelle les chansons accrochent l’oreille – l’efficacité pop. Car, oui, les mélodies du quatuor attrapent illico, se mettent à danser dans la tête. Elles possèdent une saveur douce-amère qui se lit entre les riffs, qui reste comme un son subliminal. Mais encore, tout enrobé de psyché, se juxtaposent des nappes de synthétiseur et des arpèges en croche. Et, au milieu, des chœurs qui flottent comme dans un miroir embué. Il y a un moment, on ne sait pas trop quand, où le garage bascule vers la dream pop. Jaillissent enfin quelques souvenirs vulnérables des moments de grâce de Sarah Records, sinon plus récemment, même si ce n’est finalement pas si récent, car le temps file, d’un groupe entre le spleen et le pétillant comme Broadcast.
Il serait cliché de dire que la langue espagnole est „chantante“. C’est pourtant vrai, mais alors
autant que l’italien ou le portugais. Si l’on pense „chantant“ on pense „guilleret“, „joyeux“, „vibrant“, on pense „vivant“. Or la langue espagnol crée, avec Melenas, non pas un contraste mais un équilibre intéressant, un dosage entre cette idée d’exubérance automatique dans l’idiome et la rugosité du mal-être, voire l’amertume de la mélancolie. The Pastels compte parmi les références du groupe, et ça s’entend: le son noise est infusé dans le miel, les aspérités sont caressées. En somme, il y a tout chez Melenas pour aller headbanger et pogoter au premier rang. Quitte à même donner envie de fonder un groupe de rock.
Festival „Rainy Days“ à la Philharmonie du 20 au 24 novembre
„Toute l’année c’est novembre/Le ciel est blanc/Le ciel est blanc cassé“ chante Benjamin Biolay dans „Novembre toute l’année“, le morceau d’ouverture de son premier disque, „Rose Kennedy“ paru en 2001. Si novembre n’est pas toute l’année, c’est bien maintenant, en ce moment même, un mois gris, où il fait nuit tôt, avec des jours venteux et pluvieux – soit le temps idéal pour se rendre à la Philharmonie, afin de se mettre à l’abri. Et ainsi en prendre plein la vue et l’ouïe. Cela tombe à pic. Car novembre, c’est la période des „Rainy Days“. Du 20 au 24 a lieu la seconde nouvelle édition de ce festival de musique contemporaine atypique.
Elaborés, pour ne pas dire „orchestrés“, par Catherine Kontz, compositrice multidisciplinaire luxembourgeoise, les „Rainy Days“ sont à son image. Plus encore qu’un livre, qu’un tableau ou qu’un disque, l’artiste incorpore sons, visuels, réflexions, et c’est ainsi qu’en brisant, qui plus est, le temps et l’espace, l’art devient „total“. Dans l’édition de l’année dernière, il était question, en écho à son propre travail, de s’intéresser à la mémoire. La musique est un repère temporel personnel, en tant que Madeleine de Proust, mais aussi, à un niveau plus collectif, en tant qu’Histoire.

„Extrêmes“
Dans l’art, c’est toujours la même … histoire. Toute innovation, en tant que bouleversement, rime avec subversion. Toute nouveauté est, d’une façon ou d’une autre, radicalité. Il faut, à chaque fois, un temps d’adaptation, puis de digestion. Alors, par extension, toute innovation est extrême. Le mot d’ordre ou le fil rouge du festival (posé aussi comme un slogan)? „Extrêmes“ justement. Extrêmes, à quoi pense-t-on? Pour grossir le trait, on pourrait dire que d’un côté, il y a la pop, en tant que diminutif de „populaire“, et la musique expérimentale, un concept flou nommé parfois „musique savante“, et là se rapprocher d’une certaine idée de l’„extrême“. Mais le festival va beaucoup plus loin: il s’agit de mettre en avant toute forme de musique (si l’on part du principe que tout son est musique) poussée dans ses retranchements. „Extrêmes“ pourrait se définir ainsi: ce qui brise tout format, au point de décider du sien. Extrêmes, c’est la liberté artistique.
Au programme du festival? En plus des grandioses concerts philharmoniques, en termes d’innovations „extrêmes“, le festival aborde le Nô, soit le théâtre japonais composé de drames lyriques des XIVe et XVe siècles avec un petit orchestre et des chœurs, à l’origine du kabuki, une grande source d’inspiration, s’il faut parler pop, pour David Bowie. „Extreme nature“ propose d’écouter les captations de mouvements de la Terre, d’arbres et autres insectes à partir des enregistrements faits par les artistes Jez riley French et Pheobe riley Law – ce qui revient à approcher l’oreille de plus près face à l’inaudible. C’est „Extrême“ enfin lorsque les limites du temps sont dépassés. Pour „12 Hours“, le concept est dans le titre: mise en scène par la même Catherine Kontz, il s’agit d’une pièce jouée sans interruption pendant douze heures, soit la moitié d’une journée. La liberté se situe cette fois-ci du côté du public, puisqu’il peut assister à la représentation autant de temps qu’il le désire.
De Maart
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