Depuis quelques heures les clameurs se sont tues, les derniers meetings ont éteint leurs projecteurs, les ultimes tracts ont été distribués. Tout cela dans un climat un peu étrange, compte tenu des passions que suscite d’ordinaire l’élection présidentielle sous la Ve République. Non que l’édition 2022 de la course à l’Elysée n’ait suscité aucun intérêt populaire; mais durant cette seconde phase de la campagne, on aura eu plus d’une fois l’impression que cet intérêt s’était beaucoup émoussé après le premier tour, le 10 avril dernier.
Il est vrai qu’avec douze candidats, la première phase de la compétition avait entretenu plusieurs suspenses différents: qui seraient les deux finalistes, bien sûr, mais aussi quels reclassements futurs seraient induits, à droite et à gauche, par le score des candidats de ces différentes familles. Le scrutin de demain aura finalement moins passionné les foules. Bien paradoxalement, puisque c’est de lui, et de lui seul désormais, que dépendra la politique présidentielle de la France pour cinq ans.
Deux fois moins de téléspectateurs qu’en 1981
Signe qui ne trompe pas: avec „seulement“ 15,6 millions de téléspectateurs, le grand face-à-face final a attiré deux fois moins d’électeurs potentiels que celui qui, en 1981, avait opposé Valéry Giscard d’Estaing, alors sortant, à son futur vainqueur socialiste François Mitterrand – et cela dans une France qui comptait pourtant, à l’époque, douze millions d’habitants de moins … Un face-à-face qui aura curieusement opposé un Macron hanté par la crainte d’y apparaître trop suffisant (ce qui ne l’a pas toujours empêché de l’être en effet!) et une Le Pen redoutant, elle, d’être insuffisante (alors que, sans atteindre des sommets de maîtrise dialectique, elle a tout de même progressé).
Certes, il s’agissait mercredi dernier d’une sorte de „remake“ de 2017, avec les deux mêmes acteurs. Lesquels jouaient d’ailleurs à fronts renversés, le sortant à l’offensive et l’assaillante sur la défensive. Mais beaucoup de choses s’étaient tout de même passées depuis cinq ans, en France comme dans le monde, qui auraient largement pu revivifier l’intérêt pour ce scrutin essentiel. Or il n’en aura finalement rien été – au point que l’on craint, ce qui serait une grande première, que l’abstention dépasse encore, au second tour, son chiffre déjà élevé du premier (26% des inscrits).

Mais la cause principale de ce manque d’entrain des électeurs pourrait bien être, en dépit des images des meetings pleins d’ardeur militante diffusées à la télévision, le fait qu’en réalité, aucun des deux candidats ne suscite de vraie passion. Mitterrand contre De Gaulle, puis contre Giscard d’Estaing, Chirac contre Le Pen, et même encore Sarkozy contre Royal puis, avec moins de succès, contre Hollande: ces batailles avaient leur panache, leurs troupes, leurs assauts.
Mélenchon: „Elisez-moi … premier ministre!“
Le vote de dimanche, à en croire du moins les propos entendus un peu partout, s’apparente davantage à un „vote contre“ (contre l’extrême-droite lepéniste, ou contre la continuité macronienne) qu’à un vote d’adhésion. Ce qui ne change rien aux sondages, lesquels continuent à accorder au président sortant une avance d’une dizaine de points pour dimanche soir, de l’ordre de 55,5% contre 45,5 – mais ces chiffres ne sont publiés qu’accompagnés de force précautions …
A trop vouloir séduire, les deux finalistes ont aussi multiplié les promesses non financées, comme l’avaient au demeurant fait les autres candidats du premier tour. Or les Français ont appris à s’en méfier, tant il leur semble – non sans raison – que la réponse économique et sociale au Covid-19, puis aux conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine, ont déjà opéré une ponction redoutable dans les caisses de l’Etat, et dans sa capacité d’endettement.

Tous ces facteurs se seront conjugués pour ternir passablement l’éclat de cette campagne 2022. Mais il est au moins un personnage politique français qui, lui, attend sereinement la suite: Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour mais avec près de 22% des voix. Il a en effet demandé aux Français, en toute simplicité, de „l’élire premier ministre“ à l’occasion des législatives de juin: une majorité de députés de La France insoumise au Palais-Bourbon obligerait en effet, assure-t-il, le ou la futur(e) président(e) de la République à le nommer à Matignon. Voilà qui ne simplifierait pas la tâche du prochain locataire de l’Elysée …
De Maart
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