Le scandale des EHPAD (Établissements hôteliers pour personnes âgées dépendantes) du groupe privé français Orpea, un des leaders mondiaux du secteur, révélé par le livre d’un journaliste voici quelques jours, n’en finit pas de faire du bruit dans l’Hexagone. L’exécutif comme le législatif s’en mêlent, en attendant de probables suites judiciaires.
Le titre du livre du journaliste Victor Castanet, paru aux éditions Fayard, et qui a mis le feu aux poudres, est tragiquement éloquent, s’agissant de personnes âgées particulièrement vulnérables: „Les Fossoyeurs“. Et le constat fait par son auteur au terme d’une longue et minutieuse enquête, à laquelle la direction du groupe a refusé de répondre, est accablant.
Ces établissements, présentés comme ce qui se fait de plus luxueux en la matière, et tarifés à la hauteur de cette prétention, avec des chambres „à partir de 6.500 euros par mois, prix d’entrée de gamme“, et des suites pouvant atteindre le double, négligent en fait gravement leurs pensionnaires, pour faire encore davantage de profits malgré ces tarifs déjà exorbitants. Rations alimentaires parfois très insuffisantes, soins quotidiens souvent négligés faute d’un personnel en nombre suffisant, avec un manque de douches, de couches pour les personnes incontinentes, et autres soins sanitaires trop rares, voire inexistants: le tableau est très sombre.
Depuis la parution de ce livre, à la fin de la semaine dernière, les bouches s’ouvrent, et de nombreuses plaintes en justice auraient déjà été déposées, ou seraient sur le point de l’être, par les parents de ces pensionnaires, parents qui vont même parfois jusqu’à accuser ces EHPAD d’Orpea d’avoir indirectement causé ou hâté certains décès; et le personnel commence aussi à parler …
La direction a commencé à contre-attaquer. Le scandale a pris une telle ampleur nationale que le PDG du groupe, Yves Le Masne, a été limogé par le conseil d’administration dès dimanche soir, et remplacé par le président non exécutif, Pierre Charrier, chargé de „garantir que les meilleures pratiques sont appliquées dans toute l’entreprise et de faire toute la lumière sur ces allégations.“
1.556 EHPAD … plus un à Luxembourg?
M. Charrier a été convoqué par la ministre en charge du dossier, avant de comparaître devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Dans un cas comme dans l’autre, on ne saurait dire qu’il ait convaincu ses interlocuteurs, qui ont manifesté, devant ses protestations de bonne foi sur le thème: „Nous qui avons toujours placé la qualité, l’humain, avant toute préoccupation financière, c’est trop injuste!“, une exaspération croissante, évoquant en particulier un „discours creux“. Deux enquêtes, l’une des Affaires sociales, l’autre des Finances, ont été diligentées contre la société.
Mais sans attendre, l’action d’Orpea a perdu plus de la moitié de sa valeur en quelques jours à la bourse de Paris. Il est au moins une personnalité concernée, il est vrai, qui ne s’en sera sans doute pas trop désolée: l’ancien PDG, Yves Le Masne. Ce dernier avait en effet vendu au début de l’été dernier, c’est-à-dire lorsque leur cote était toujours très haute, les 5.456 actions qu’il détenait, pour un montant de 588.157 euros, lorsqu’il avait appris qu’une enquête – journalistique, elle – était en cours sur les agissements d’Orpea. Tout en conservant jusqu’au bout son salaire annuel de plus d’1,3 million d’euros …
L’affaire fait d’autant plus de vagues que le groupe Orpea est très important internationalement. Il possède à ce jour 1.156 établissements répartis dans 23 pays, et compte d’ailleurs en ouvrir un le mois prochain au Grand-Duché, la résidence „Récital“ à Luxembourg-Merl. Toujours sous la sympathique devise qui prend, aujourd’hui, un relief que d’aucuns risquent de trouver étrangement cynique: „La vie continue avec nous!“.
De Maart
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